Télécom, le monde bouge...
Difficultés financières pour les opérateurs historiques, restructurations, rachats, guerre des offres et des prix, le panorama des télécom. en Europe est en cours de mutation.
Dernier épisode de la saga des télécom., le départ (volontaire ?) de Kai Uwe Ricke de Deutsche Telekom, numéro un du secteur en Europe. Après quatre ans de bons et loyaux services à la tête de l’opérateur historique allemand, il a été remercié avec effet immédiat au profit de René Obermann, directeur de la branche mobile. Même si cet événement ne revêt pas un intérêt fondamental, intégré dans le processus de mutation que subit le marché des télécommunications, il prend tout son sens.
Le départ précipité du patron de Deutsche Telekom intervient moins de deux mois après la démission de Marco Tronchetti Provera, patron de l’opérateur historique italien Telecom Italia. En janvier, Swisscom l’opérateur suisse, changeait également de tête. Et même encore un peu plus tôt, en 2005, Didier Lombard remplaçait Thierry Breton au sommet de France Télécom, moins de trois après le départ de Michel Bon.
Plusieurs raisons peuvent justifier
les changements profonds dans les organisations des opérateurs historiques
européens. La première est la libéralisation du marché des télécoms, avec
l’ouverture à la concurrence de la boucle locale et la suppression des
situations de monopole. Les consommateurs ont pu constater les effets immédiats
et bénéfiques avec des offres de moins en moins chères pour plus en plus de
services. Mais ces opérateurs n’étaient vraisemblablement pas suffisamment
préparés pour faire face à une concurrence affamée : encore une grosse
partie de fonctionnaires de l’Etat dans les effectifs et une perception des
clients « usagers du service public » plutôt que consommateur de
services.
Une autre cause majeure des
problèmes rencontrés par les opérateurs historiques provient de la téléphonie
mobile. Aujourd’hui les bases tarifaires entre fixes et mobiles sont
comparables : les rapports du coût à la minute sont de 1,5 à 2 comparés au 1
pour 10 au démarrage du Be-Bop, avec une avancée considérable sur la
flexibilité et les modes de consommation (couverture mondiale, SMS, MMS, etc.).
Les consommateurs délaissent leur ligne fixe pour une solution de téléphonie
unique à base de mobile.
En complément des problématiques
libérales, les nombreuses hésitations dans l’approche stratégique des marchés
avec la multiplication des filliales fait perdre la tête aux
consommateurs : Orange, Wanadoo pour France Télécom, T-mobile, T-online
pour Deutsche Telekom, le positionnement tantôt téléphonie mobile, tantôt Internet haut débit pour Télécom Italia. Et aujourd’hui tout le monde réintègre
ses marques au sein d’un nom unique.
Dernière origine probable des
difficultés rencontrées, le pouvoir de décision de l’Etat actionnaire au sein
des conseils d’administration, qui a une tendance forte à protéger l’emploi aux
dépens de la pérennité de l’entreprise. Les mots entre Romano Prodi et Marco
Tronchetti Provera serait à l’origine du départ de ce dernier, mêmes mots,
mêmes conséquences pour Jens Alder chez Swisscom. Il devient donc quasiment
impossible pour les patrons de ces opérateurs de se restructurer pour faire
face à la compétition et les changements de têtes n’y changeront probablement
rien. A titre de comparaison, l’offre triple play (Internet haut débit, TV,
téléphonie illimitée) est à 60 euros par mois pour l’opérateur historique
français quand les offres de tous les autres opérateurs sont autour de 30 euros
par mois. Seules différences, la ligne analogique conservée et un bouquet
« satellite » inclus.
Mais cette situation ne peut pas
durer éternellement, juste le temps de la saturation du marché. Les
investissements dans les infrastructures ne peuvent être consentis que sur une
stratégie d’augmentation du nombre d’abonnés. Lorsqu’il n’y aura plus d’abonnés
supplémentaires, uniquement des transferts de clients d’un opérateur à un
autre, les services rendus et les tarifs associés devraient être moins
intéressants pour les consommateurs comparés aux temps du monopole : les
coûts d’infrastructure sont très lourds car les technologies évoluent à un
rythme effréné. Les équipements deviennent donc obsolètes à peine
installés et la multiplication des opérateurs engendre une redondance des
moyens de déploiement et de soutien des réseaux, qui auparavant étaient tous
centralisés au sein d’un seul opérateur en situation de monopole. On peut donc
craindre à terme que le marché ne tende vers la situation que vivent aujourd’hui
les câble-opérateurs : fusions et acquisitions jusqu’à obtenir localement,
voire régionalement, des situations de monopole ! Pour preuves,
l’acquisition d’AOL France par Neuf Cegetel en septembre, la téléphonie fixe et
l’ADSL de Télé 2 France par SFR le mois dernier, et le cap des dix millions
d’accès haut débit franchi en septembre. Les voies du marché sont
impénétrables.
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