Une semaine chez nos voisins européens : l’image de notre président
Une fois la surprise de dimanche passé atténuée, j’ai décidé de reprendre du service et de faire sur toute la semaine une revue de presse européenne. Dans le contexte de « sarkoze obsessionnelle » ambiante, j’ai une fois de plus décidé de m’intéresser à tous les articles qui lui sont réservés dans les colonnes des journaux de nos pays voisins. Afin d’essayer d’avoir le point de vue le plus complet, j’ai choisi comme journaux : pour l’Espagne : « El Pais », journal proche du PSOE et « El Mundo » proche du PP, pour l’Italie « Corriere della serra », proche de Romano Prodi et la « Repubblica » qui s’apparente relativement au parti démocrate ; pour la Suisse j’ai parcouru « La Tribune de Genève » ; pour l’Allemagne, j’ai choisi le « Süddeutsche Zeitung » qui est un journal libéral et le « Frankfurter Allgemeine Zeitung ». Nos voisins belges sont représentés par « Le Soir » et « La libre Belgique ». Ce dernier, bien qu’ayant beaucoup évolué, est un journal que l’on peut encore qualifier de catholique conservateur. Pour compléter le panorama, nous prendrons deux journaux chez nos voisins anglais, « The Guardian » - censé être aussi neutre que « Le Monde » mais considéré comme de centre gauche - et le « Financial Times » qui est dans la même posture mais qui est écrit et lu majoritairement par des conservateurs... Tous les thèmes sont abordés, du Salon de l’agriculture aux excuses bidon, en passant par l’impopularité de notre président et la fragilité du couple franco-allemand.

Tous les journaux s’accordent pour dire que cette affaire
devrait, une fois encore, se ressentir sur sa cote de popularité. Un
journaliste d’El Pais pense que Sarkozy pourrait être un boulet pour tous les
candidats UMP aux municipales. Pour eux, si la cote de popularité du Premier ministre remonte, c’est tout simplement parce que Nicolas Sarkozy ne correspond
pas du tout à l’image que les Français ont d’un président de la République. La
Tribune de Genève reprend cette idée dans un article intitulé « Pourquoi
Sarkozy exaspère les Français » : selon ce journal le président n’arrive
pas à « revêtir ses habits de chef de l’Etat », « le principal
ennemi de Sarkozy, c’est lui-même » insiste un peu plus le journaliste,
en citant Jacques Chirac. Dans cet article, Jean-Noël Cuénod va encore plus
loin, il avance l’idée qu’une « sarkophobie » serait en train de
naître en France. Elle serait liée à quatre points selon lui : tout
d’abord la vulgarité, qu’elle soit intentionnelle (nettoyer la cité au Karcher,
parler de Carla pour faire oublier les autres problèmes), compulsive (pianotant
des sms alors qu’il est en visite avec le Pape) ou encore spontanée (le
« casse-toi pauvre con » montre qu’il ne peut se contrôler). Mais
aussi un égoïsme exacerbé, il a prononcé 47 fois « je veux » dans son
discours sur les banlieues et ne « conçoit l’action politique qu’à travers
son ego », un étalage de la vie privée, même si pour le journaliste suisse
il y a une ambiguïté entre le fait que les Français critiquent l’étalage de la
vie privée du président et le fait qu’ils achètent massivement les magazines en
faisant état, le journaliste affirme qu’une chose et sûre, les Français sont
exaspérés de le voir fasciné par les milliardaires. Enfin, il pense que l’auto-augmentation du président a du mal à passer, surtout que ça ne l’empêche pas de
voler
des stylos.
Le journaliste d’El Mundo est encore plus dur, pour lui, Sarkozy n’est
plus une étoile montante de la politique mais plutôt l’auteur d’un
« nouveau fascisme » dont la règle est « soit tu te soumets,
soit je te méprise ». El Pais aura le dernier mot en citant Le Pen :
« Sarkozy tient plus de Tintin que de de Gaulle ». Notons tout de
même que La Libre Belgique préfère ironiser sur la fidélité du gouvernement,
avec un titre adapté : « Il faut sauver le soldat Sarkozy ».
Insulter un homme au Salon de l’agriculture, une erreur ? Pas du
tout : le chef de l’Etat a simplement fait preuve
d’« authenticité », a défendu lundi le grand communicant de l’UMP,
Thierry Saussez. « Il n’est pas dans le double langage, pas dans
l’hypocrisie. Il ne triche pas. Ce n’est plus, comme les précédents, un président sur une autre planète, dans la distance avec les Français. Mais un président qui est dans la vraie vie. » Et le porte-parole de l’UMP, Yves
Jégo, de renchérir : « Je préfère un président sincère à un président
hypocrite. Il n’est pas malsain que le chef d’Etat soit comme nous. » « Il ne joue pas un rôle, il ne se laisse pas insulter, c’est tout », a
complété le ministre Bertrand. Le journaliste montre qu’ils ont
« osé » comparer ce lynchage des « charognards » à celui
qui a poussé Bérégovoy à se suicider... Cette ironie est aussi de ton dans le
Financial Times, qui se moque de la façon soi-disant « moderne » de
faire de la politique. Pour ce journal, la reine d’Angleterre n’aurait jamais
tenu de tels propos. Il rappelle que la dernière fois que Jacques Chirac a
été insulté de la sorte, il a répondu : « Ravi de vous rencontrer,
mon nom est Jacques Chirac. » Il raille aussi le fait que notre président
défende l’idée que sa chute dans les sondages ne soit que liée à des événements
personnels. Le journaliste conclut sur
cette belle formule : « During the presidential election campaign, Sarkozy
hooked France. Now he has lost the fish. » [Pendant la campagne pour l’élection
présidentielle, Sarkozy avait la France au bout de l’hameçon, maintenant le
poisson est parti.] Pour filer la métaphore, notons que Le Soir écrit que Marine
Le Pen est comme chez elle sur le marché d’Henin-Beaumont, en allant à la pêche
aux « déçus de Sarko ».
Cette impopularité n’est pas la seule à faire couler beaucoup d’encre
dans les journaux européens, El Pais revient beaucoup sur la publicité
interdite pour l’hebdomadaire Courrier International dont un des titres était
« Vu de Madrid, Sarkozy ce grand malade ». Bien que le journaliste
explique que la société Replay, qui a refusé cette pub, appartient au groupe
Lagardère dont le propriétaire est un ami personnel de notre président, il
pense que les annonceurs ont, en fait, été effrayés par la poursuite au pénal
du journaliste du Nouvel Observateur ayant révélé le célèbre sms. Le Financial
Times quant à lui consacre un article entier sur « Sarkozy’s nuclear
seduction ». Le journaliste montre à quel point les livres sur Carla Bruni
se vendent bien. Il explique comment « Speedy Sarko » a réussi à
conquérir Carla Bruni et conclut que malheureusement le mariage n’a pas réussi
à impressionner l’électorat français. Les journaux espagnols quant à eux
affirment que Carla Bruni-Sarkozy a éclipsé le président lors de la visite
officielle en Afrique du Sud.
L’un des autres thèmes très présents, surtout dans la presse suisse et
allemande, c’est le divorce entre Sarkozy et Angela Merkel. La Tribune de
Genève titre « Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, un couple au bord de la
crise de nerfs » et revient sur l’annulation à la dernière minute de la
réunion entre Christine Lagarde, la ministre de l’Economie, et Peter
Steinbrück, son homologue d’outre-Rhin, alors que quelques jours auparavant le
président Nicolas Sarkozy et la chancelière Angela Merkel invoquaient un
« calendrier chargé » pour annoncer le report au 9 juin d’un sommet
prévu le 3 mars en Bavière. Pour ce journal « l’explication a tout du
subterfuge » car c’est en fait « l’exaspération qu’a provoquée en
Allemagne le projet français d’Union méditerranéenne » qui a entraîné ce
froid entre les deux nations. Selon le quotidien Die Welt, Merkel aurait refusé
de cosigner sur ce thème une contribution que Sarkozy souhaitait voir publiée
dans deux journaux de part et d’autre de la frontière. De manière plus
générale, Berlin dénonce à la fois un comportement arrogant et une initiative
douteuse. Le FAZ pense que le président joue avant tout son égoïsme et qu’il a
oublié sa phrase de campagne, « pour la France l’amitié germano-française
est sacrée ». Il ajoute que ce ne sont pas les bises de Sarkozy à Merkel
qui remplacent la cordialité. Titrant « Zwischen Pathos und
Pragmatismus » [Entre pragmatisme et pathétique] le SZ affirme que Sarkozy
ne pense pas à l’Allemagne en se rasant, probablement parce qu’il a bien
d’autres soucis.
Enfin Sarkozy est raillé à cause de son immersion dans l’économie
française, notamment dans sa volonté de voir Daniel Bouton démissionner de la Société Générale, volonté reniée à deux reprises par les actionnaires de la
banque. Le FAZ se dit ébahi de voir la secrétaire nationale aux Droits de
l’homme approuver l’utilisation du Malodore pour chasser les SDF de sa ville de
Colombes.
Mais on ne dit pas que du mal de la France, le président du PDC suisse
a même plagié Nicolas Sarkozy. En effet, son discours d’investiture reprenait mot
pour mot des passages d’un texte du président français. Fabiano Forte dit
« assumer totalement » ce plagiat dénoncé par ses alliés du Parti
radical. « J’ai effectivement repris certains passages, parce que je me
reconnais dans ces propos, qui m’ont touché. Ils correspondent à ma manière
d’être. En politique, il est parfois inutile de réinventer la roue » déclara-t-il. Et si cet exemple ne suffit pas, rappelons que Marion Cotillard a
été, l’espace d’une semaine, une excellente ambassadrice de la France.
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