Voilà le pari de la bande à Siné ! Enfin d’une partie de la bande. Tous ne sont pas de l’aventure. Mais ils ne sont pas loin et sans doute apporteront-ils au gré des numéros leur contribution. Sous la houlette d’un nouveau directeur de la publication, Carlo Santulli, dont ce sont les premières armes en la matière (nul doute que ses qualités de juriste émérite - tout le monde n’est pas sorti deuxième à l’agrégation de droit public - seront mises rapidement à contribution - directeur de la publication d’un journal satirique reste un des métiers les plus à risque en démocrature), épaulé il est vrai d’un homme d’expérience en la personne d’Olivier Marbot gérant et rédacteur en chef, une bonne partie des dessinateurs et rédacteurs de Siné Hebdo ont décidé que, non, ce n’était décidément pas possible de laisser béant le trou causé par la retraite du vieux grogneur !
Le premier numéro est donc en kiosque ce vendredi. Aussi sommes-nous allés à la rencontre de Carlo Santulli pour lui poser quelques questions sur cette aventure.
Réussir à sortir ce premier numéro constitue déjà un exploit. A tout le moins une réelle audace en ces temps de crise pour la presse écrite, surtout pour un journal qui, par souci d’indépendance, entend se financer uniquement sur ses ventes.
Siné Hébdo avait manifestement trouvé son public et faisait des ventes en kiosque tout à fait honorables. Tout l’enjeu est de savoir si les lecteurs voudront allumer la mèche ou non. L’objectif de la nouvelle équipe est bien évidemment de retrouver les fans de Siné mais aussi d’élargir le cercle.
Quoi qu’il en soit le premier numéro affiche clairement ses intentions d’en découdre, notamment avec le gouvernement mais pas seulement. Les sujets abordés sont larges et si le dessin occupe une place d’honneur, les textes ne sont pas négligés avec une mise en page et une qualité de présentation qui rendent la lecture agréable. Les rubriques sont originales comme notamment "Philo de comptoir" où, dans un article d’Etienne Liebig, "Les grands mystères de la création" on apprend notamment pourquoi "Dieu a merdé en créant une zone érogène dans le trou du cul". L’international (pas le mouvement prolétarien) n’est pas négligé avec "Faut voir ailleurs" qui traite notamment de l’Argentine et des procès des militaires ou du droit du travail en Amérique (si si il existe !). Bref de la lecture en perspective. Pour ceux qui pensaient juste pouvoir se rincer l’oeil, va falloir chausser les lunettes et agiter les neuronnes !
Interrogé sur l’objectif du journal, Carlo Santulli nous a expliqué qu’il entendait faire de La Mèche "un journal pour avaler le monde dans un éclat de rire et pour mettre le feu à la poudrière sur laquelle on danse."
Il insiste sur sa dimenion festive, ludique et révolutionnaire mais aussi sur le fait qu’il s’agit d’un outil d’information.
Pour Carlo Santulli ’"il doit s’agir d’un espace de liberté afin de sortir du ronronnement, de la complaisance entre les médias et les pouvoirs politiques". L’idée est également exprimée par Olivier Marbot dans son édito qui dit la volonté de rompre avec le discours dominant des médias.
Mais Carlo Santulli revient à l’essentiel de ce que doit être un journal satirique, "La mèche, c’est un journal humoristique dont le but est de faire rire, de provoquer et repousser ainsi les frontières de la liberté d’expression".
Un de plus pourrait-on lui opposer. Comment se démarquer de Charlie Hebdo ou du Canard ? Qu’apporter de plus ?.
Il ne veut pas rentrer dans le débat, refuse ce qui pourrait donner lieu à une polémique. Il nous répondra "Nous ne regardons pas ce qui se fait à côté. Nous nous voulons sans connivence avec les institutions. Nous n’avons pas besoin d’elles. Nous nourrissons une ambition politique, artistique et de provocation que nous estimons non représentée ailleurs."
Enfin, quand on lui demande ce que vient faire un professeur de droit international public dans le monde de la presse satirique, ce qui pourrait aisément constituer un grand écart pour le moins difficile entre deux mondes étrangers l’un à l’autre, il répond simplement "J’ai pris conscience d’un manque de liberté, d’une situation exceptionnelle dans notre cinquième république, de la nécessité de sortir du silence complaisant face à des dérives préoccupantes."
Une chose est certaine, la presse satirique est aussi nécessaire à la démocratie que l’oxygène à la vie. La naissance de ce nouveau journal en ces temps pour le moins troublés ne peut être qu’une bonne nouvelle. Aussi faut-il espérer que La Mèche ne soit pas écrasée de si tôt !