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YouTube : le grand bazar des émotions populaires

Le Web 2.0 fait encore couler de l’encre (électronique) : Google vient d’acheter YouTube, pour la coquette somme de 1,65 milliard de dollars. Cette fois, pourtant, le moteur de recherche s’est peut-être trompé d’avenir...

L’acquisition par Google de YouTube, le site de partage de vidéos le plus consulté d’Internet, a donné lieu à des commentaires dubitatifs de la part de nombreux spécialistes. Il est vrai que YouTube, bien que très populaire, ne se distingue guère par la qualité de ses contenus. Là où des sites comme Wikipedia ou Flickr illustrent la réussite du « Web 2.0 », YouTube propose essentiellement une collection d’enregistrements illégaux, de vidéos d’amateurs affligeantes (souvent pornographiques) et de farces d’étudiants en communication. Les adolescents adorent, vos collègues en parlent à table et vous finirez par vous y rendre vous-même, mais vous ne comprendrez pas pourquoi tout le monde en parle.

C’est que, disent les commentateurs, YouTube représente un nouveau modèle de distribution des contenus vidéo. La télévision de demain, paraît-il, sera interactive et conviviale, et un tel site, qui attire 30 millions de visiteurs par mois, représente une source de revenus publicitaires potentiellement énorme. Google espère annexer l’audio-visuel à son empire fondé sur la distribution de l’information, et transformer YouTube en une succursale rentable, et surtout légale. Pour cela, il devra mettre de l’ordre dans l’anarchie, régler les questions de copyright et intégrer au site un dispositif de conseils publicitaires personnalisés.

Le seul problème, c’est qu’une telle métamorphose risque de faire disparaître tout ce qui fait le succès du site. En d’autres termes, YouTube risque de subir le même sort que Napster, ce célèbre site qui permettait téléchargement (illégal) de fichiers MP3. De même que Napster n’avait d’intérêt pour les visiteurs qu’en tant que fournisseur de musique piratée, YouTube offre aux utilisateurs un moyen facile d’exprimer toutes sortes de passions qui ne trouvent pas leur place dans les médias ordinaires. Que le produit offert soit à la fois hors-la-loi et mal peigné ne constitue pas un défaut de jeunesse, mais la loi du genre. À l’inverse de Flickr ou de Wikipedia, que les particuliers sont en mesure d’approvisionner en contenus de qualité, YouTube n’existerait pas sans la télévision, dont il constitue un détournement ludique. Même les vidéos familiales prennent les émissions télévisées pour modèles ou les parodient, sans disposer des moyens techniques qui permettraient aux vidéastes amateurs de s’en affranchir.

Comme pour tout médium hautement technique, la production d’une vidéo de qualité implique l’intervention d’un grand nombre de professionnels et l’utilisation d’un matériel coûteux. Croire que des particuliers pourraient rivaliser avec des sociétés de production à l’aide d’un camescope et d’un logiciel de montage est tout simplement naïf. Là où la photo, par le biais d’appareils numériques programmés pour produire une qualité standard sans intervention technique, est devenue accessible à tous, là où n’importe qui peut écrire un article d’encyclopédie (en consultant les sources d’informations existantes), la vidéo demeure encore une technologie exigeant un haut degré de qualification. L’utilisateur de base peut bricoler un film de dix minutes en montant des extraits de journaux de 20 heures, des photos et des séquences filmées au caméscope numérique, mais le résultat n’atteindra pas la qualité du moindre reportage télévisé.

La révolution de la vidéo partagée n’aura pas lieu ; les fabriquants d’images professionnels continueront à dominer le marché. Pas plus que les logiciels de composition musicale n’ont engendré l’explosion créative annoncée, les logiciels de création vidéo ne permettront à l’amateur de concurrencer les studios et les télévisions (ce lien). YouTube restera ce qu’il est : un reflet des émotions populaires, un joyeux capharnaüm en images, où vous trouverez la confession d’une jeune fille solitaire, le bizutage d’une classe de prépa, les délires érotiques d’un adolescent frustré et la parodie de clip vidéo fabriquée en une heure par des militants politiques.


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6 réactions à cet article    


  • Forest Ent Forest Ent 18 octobre 2006 13:10

    Le marché de la musique et vidéo sur internet restera essentiellement professionnel, quoique plus ouvert que sur cd et dvd. Mais la question de fond est la suivante : comment sera t il financé ? Pour l’instant, pas de réponse satisfaisante.


    • Vierasouto Vierasouto 18 octobre 2006 14:41

      C’est vrai que c’est un peu mystérieux cet engouement comme pour MySpace que je connais un peu mieux, en cherchant bien, on y trouve des choses intéressantes, des petits reportages par exemple, faits avec les tél mobiles, cette fonction vidéo et photo sur les téléphones, ça a révolutionné le reportage, pour la création, sur WAT, il y a un concours de cris...


      • Antoine Diederick (---.---.110.203) 18 octobre 2006 23:49

        Ouf.....

        And the winner is....

        Les trois créateurs de TouYube... euh de You take the tube to go work...zut j’y arrive de YOUTUBE...

        Un pactole qui ne disparaîtra pas en procès interminables pour honorer les droits d’auteur. C’est ce que disent le mauvaises langues, les jaloux, quoi !

        Bref, ya les gus qui s’amusent à proposer du contenus gratuits sur Youtube et les autres gus qui empochent.

        Le monde est bien fait ! smiley smiley


        • Christian Jegourel Christian Jegourel 19 octobre 2006 10:45

          Je crois que vous sous estimez l’impact du potentiel de la révolution qu’apporte la notion de « contenus générés par les utilisateurs ». Vous êtes pourtant au cœur du sujet puisque vous rédigez sur un journal citoyen. La possibilité de diffuser ses propres réflexions dans un premier temps offre une cacophonie de contenus bien naturelle. Les utilisateurs trouvent soudainement la possibilité de s’exprimer et diffusent tout et n’importe quoi. On trouve heureusement dans le lot des réflexions construites mais minoritaires en nombre et souvent noyées dans la masse. L’étape suivante va être l’intégration dans les esprits de ces potentiel et un nouveau regard d’une partie des utilisateurs vers la production de contenus à caractère de diffusion et orientés. Il restera toujours des « tagueurs » qui chercheront là un espace de contestation sans réelle proposition mais cette interaction entre les citoyens eux même va amener un changement en profondeur de notre société. YouTube s’inscrit dans ce modèle et sa volumétrie permet de nombreuses opportunités tant pour Google que pour les utilisateurs et si aujourd’hui, il s’agit d’un fourre tout sans réelle ligne directrice, il convient de se projeter avec le savoir faire de Google et surtout les nombreux talents qui travaille dans cette entreprise pour imaginer comment un leader du web qui vaut 130 milliards de dollars en bourse peut transformer 100 millions de vidéos vues par jour en affaire très lucrative. Je prépare d’ailleurs un grand dossier sur « le web 2.0 va-t-il changer notre société dans lequel j’aborde cette révolution tant sur le plan de services que dans la mentalité des consommateurs.


          • (---.---.162.15) 19 octobre 2006 11:24

            Web2.0 alleluia web2.0 alleluia tout change d’un coup alleluia alleluia

            Internet a déjà beaucoup changé la société et continuera à le faire, crier à l’arrivée d’une révolution n’est que de la gesticulation oiseuse.

            Am.


          • bituur esztreym bituur esztreym 29 octobre 2006 00:50

            il y a aussi ceci à mentionner, qui est d’importance : youtube fait partie de la catégorie « esclavage 2.0 » du web 2.0.

            consultez leurs « terms of use » (contrat d’utilisation) pour le constater : en postant ses oeuvres/documents/contenus sur le site, les utilisateurs acceptent que youtube s’ « approprie » ces contenus : youtube s’accorde toute licence pour les utiliser de toute manière, y compris financière et sans reverser rien à leurs créateurs. il y a deux seules limitations (obligées par les lois en fait) : cette « appropriation » est non exclusive, et limitée dans le temps à la durée de présence de ces contenus sur youtube.

            ceci ne concerne évidemment pas les contenus (que vous évoquez, émissions de télé, extraits de films etc.) dont les utilisateurs ne possèdent pas les droits. là youtube se retourne vers l’utilisateur « pirate ». mais pour ses propres contenus, l’utilisateur dit à youtube « allez-y, faites ce que vous voulez avec »...

            au rebours donc de flickr ou wikipedia que vous citez et les autres sites web 2.0 pour l’aspect UGC (user generated content) mais qui prévoient le respect de licence spécifié par les auteurs ; ainsi sur flickr on peut spécifier la licence CC utilisée ; pour wikipedia : « Le contenu textuel de Wikipédia est couvert par la Licence de documentation libre GNU (GFDL). Pour les images, les licences sont à considérer au cas par cas (cliquer sur l’image pour arriver à la page de description indiquant la licence) ».

            myspace fait la même chose que youtube. tout est utilisable et réappropriable par eux à volonté sans limitations et « royalties free », sans aucun reversement aux utilisateurs du site. j’avoue que l’annonce par myspace de vouloir proposer à ses membres de vendre leur musique me paraît contradictoire avec ces conditions. ils peuvent vendre sans rien reverser, c’est dans le contrat d’utilisation du site. pourquoi se commpliqueraient-ils à prévoir de leur reverser ? ils l’ont annoncé pourtant. à suivre...

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