2007, on prend les mêmes et on recommence ?
Les idées de titre ont foisonné : entre le retour des mammouths, la rupture dans la continuité et autre, on change tout pour que ne rien change, il m’a semblé plus clair d’évoquer l’évidence : A l’UMP comme au PS, aucune prise de risque, retour vers le passé toute !
Objectif affiché : on change tout avec les mêmes recettes qui n’ont jamais fonctionnées.
Dernièrement j’évoquais dans l’analyse du programme Royal l’étrange arrière-goût de déjà vu, cette étrange impression que l’on parle de superficialité en évitant toujours le fond des problèmes, cette sensation qui conduit toujours au même constat :
les problèmes saillants restent, les personnes, elles ne changent pas.
1. La bipolarité pour n’être qu’un
A ma droite, la « Sarko family » au grand complet ou presque, composée de tous les ex-déchus du suffrage universel, les ex-ministres, les ex-futurs ministres du changement. On les retrouve tous, accompagnés des foudres de guerre de l’éthique républicaine comme M. Balkany ou M. Juppé, des lumières intellectuelles qui rayonnent de par le monde comme Steevy, Doc Gyneco, Pascal Sevran, Johnny Hallyday, Christian Clavier et la dernière perle en date : Vincent Mac Doom.
Soutenus par les plus respectables hommes du système comme M. Tapie, M. Finkielkraut et autres espoirs français pour l’avenir, l’UMP est forte de sa rupture tranquille résolument tournée vers le passé, le retour aux vieilles potées du IIIe Empire et même parfois bien plus loin sous la monarchie.
A ma droite, on lance la « rupture tranquille » : on ne change pas une équipe qui perd !
A ma gauche, le PS « phase 2 » se reconstitue suite aux multiples déboires internes de campagne issus de la dualité Royal-Hollande qui a une forte tendance à faire croire que l’un pense à la place de l’autre et vice versa, le tout sous un format « série B » du couple Smith.
On pensait les avoir enterrés, voilà le retour des éléphants !
L’ordre juste d’une « France qui change fort » serait-il donc incarné par ceux-là mêmes qui ont gouverné à plusieurs reprises depuis 1981 ?
Alors que « revoilà la sous-préfète », voilà le retour de Fabius, DSK, et même de Jospin !
Ségolène Royal, à la sauce « Poitou-Charentes », ne sait décidément pas faire des choix, et faute de s’entourer de personnes compétentes, doit se résoudre à se faire avaler par le parti qu’elle avait soigneusement évité lors des primaires PS.
Je vous déteste mais je vous aime, tel pourrait être le message d’une candidate qui, pour s’assurer les copinages internes, est prête à sacrifier son changement pour remettre aux manettes ceux que la France, dans son grand ensemble, n’a plus envie de voir.
Bien sûr, dans ce jeu de chaises musicales, digne des pires moments des règnes chiraquiens, il y a ceux qui jouent sur les deux tableaux comme Bernard Kouchner, Jack Lang (formidable) et quelques autres qui changent de parti suivant la puissance du vent.
A ce petit jeu de « puissance du vent », on citera les « mythes du charisme » tels que M. Santini UDF, prêt à passer PC si le PC était programmé à 50% d’intentions de vote, ou même encore M. de Robien qui cultive son étiquette UDF afin, finalement, d’être toujours l’UDF visible du gouvernement.
Pour ne m’intéresser qu’aux deux poids lourds de la campagne, cette fameuse « bipolarité unique », une chose saute aux yeux.
Qu’est-ce qui a changé ? Qu’est-ce qui peut changer ? Qu’est-ce qui changera dans cette configuration ?
La réponse me semble d’une limpide évidence : que l’on vote PS ou UMP, dans les deux cas, les Français hériteront de tous ceux qui ont mis la France à terre depuis trente ans.
Dans les deux cas, les Français seront les « spoliés » du pouvoir à qui on aura passé la pommade pendant six mois de campagne et qui se réveilleront dans la douleur par la suite en constatant toujours autant d’injustices et de prélèvements en hausse.
Dans les deux cas on propose une continuité dans l’erreur, l’absence de choix stratégiques, l’absence de « décisions qui font mal » mais qui changent la donne.
2. Un anneau pour les gouverner tous ?
« Les Elfes eurent trois anneaux, les nains sept anneaux et les humains neuf anneaux. Mais dans le feu de la montagne du destin, Sauron forgea en secret un anneau unique, un anneau pour les gouverner tous. »
Aujourd’hui, le PS et l’UMP distribuent les anneaux, mais le temps du vote passé, l’anneau unique reprendra ses droits, et les Français retrouveront la même situation, avec le temps pour sanction. La question étant aujourd’hui tant pas de savoir qui sera Sauron, mais qui sera le porteur du « précieux », le porteur de fardeau, le seul qui puisse changer la donne et détruire l’anneau unique détenu par l’UMPS, représentant à peine 60% des suffrages exprimés et 90% des sièges à l’Assemblée nationale et partout ailleurs.
Qui pour changer la donne ?
Alors oui, j’en ai marre de constater tous les jours la non-décision qui règne en Poitou-Charentes - comme ailleurs- , marre de constater la dilapidation de fonds publics du fait de l’obsolescence de l’architecture de nos institutions, qu’elles soient « centrales » ou « locales », marre de lire cette feuille d’imposition sur le revenu truffée de déséquilibres, de constater ces aides déviées et ces prélèvements évitant leurs cibles, marre de voir les talents se noyer à l’université, et l’Education nationale rester scotchée à des principes de la IIIe République quand ce n’est pas de Mai 1968.
Oui, je rêve d’une alternative et d’une gouvernance politique résolument tournée vers l’avenir, d’un « New Deal » qui renverse la table, non pas pour des extrêmes, mais pour de la raison et pour répondre au principe de réalité.
Si vous venez à lire ces quelques lignes, un nom vous apparaîtra sans doute devant les yeux : pour certains ce sera J.-M. Le Pen, pour d’autres J. Bové, pour d’autres encore F. Bayrou.
Que l’on soit clair : une élection présidentielle n’est pas une petite élection. En France, cette élection calibre tout pour a minima cinq années. Croire que des extrêmes, qu’ils aient raison ou non sur le diagnostic, puissent être en capacité de « passer la seconde » à savoir de réagir face à ce diagnostic pour mettre en place les dispositions adaptées relève de la méconnaissance profonde des défis qui se dressent devant nous.
Ce n’est pas en trompant les électeurs que l’on changera les choses.
Reste donc le centre.
Au centre, ce fameux centre dépeint comme mou, ce centre qui a produit nos meilleurs élus mais qui ont dû, par la force de la bipolarité, choisir un camp à terme, puisque sans ce choix de camp, point de salut aux élections.
Voilà que, depuis 2004, ce centre mou vampirisé par l’UMP afin d’asseoir une majorité « aveugle », devient un centre alternatif.
3. Le centre des bâillonnés est le porteur du fardeau
Le combat aurait pu être perdu d’avance, Bayrou aurait pu se taire et se fondre dans la masse. Il aurait pu être un énième fusible, un superbe premier ministre de circonstance, un formidable bras droit de Sarkozy pour rapatrier des voix.
Oui, Bayrou aurait pu faire comme Santini, Robien et pas mal d’autres : mais il ne l’a pas fait.
Il ne l’a pas fait, dès 2002, par conviction profonde d’un homme de lettres. Il ne l’a pas fait car il a préféré porter l’anneau unique plutôt que de succomber aux appels des sirènes du pouvoir. Il ne l’a pas fait car, contrairement à d’autres, il a évolué, il a tiré des leçons.
L’UMP et le PS l’ont pris pour un abruti et un croisé sans avenir. Malheureusement le porteur de l’anneau a forgé un solide programme, une feuille de route calibrée avec des cartes maîtresses dont la principale tombera dès son élection.
Tout le monde parle - à juste titre- de la majorité dont il aura besoin aux législatives pour gouverner.
En l’état actuel des choses, on se rend bien compte que le principal frein pour « voter Bayrou » ce n’est pas le programme, pas même le candidat, mais la capacité à gouverner.
Là où tous les autres rament pour se « justifier », il ne reste plus au candidat Bayrou qu’à clarifier la chose pour devenir une alternative viable, la seule qui puisse mettre autour d’un hémicycle ceux qui y viennent par conviction, et non par carrière.
D’où les feux croisés qu’il s’attend à subir dans les semaines à venir... et qui le rendront plus fort, parce qu’on ne tire pas sur ce qui ne menace pas.
La carte maîtresse, c’est qu’une fois élu, F. Bayrou fera tomber la constitution de la Ve République, et par conséquent les modes de scrutin. S’il va au bout, il pourrait même changer les cartes des circonscriptions et le nombre de députés...
Quoi qu’il advienne, en instaurant une part de proportionnelle « à l’allemande », l’UDF pourra profiter à plein de la manne présidentielle et des éclairages apportés par la campagne, et donc s’appuyer sur une proportionnelle aisément à 20% en sa faveur et, si l’on prend les règles à l’allemande, s’arroger une base intéressante à l’Assemblée nationale (environ 70 députés). Pour l’UDF de Bayrou, tout se joue à la présidentielle.
Il n’est pas dit qu’il ait forcément la majorité absolue à l’Assemblée nationale par cette voie, mais il l’aura sans doute par la force de la majorité relative : le FN prendra des sièges à l’UMP et les extrêmes de gauche au PS.
La diversification et la représentativité permettront à l’Assemblée nationale de voter par majorité relative liée à la question posée, et non par majorité absolue de fait.
L’arme de Bayrou, et qu’à mon sens il ne dévoilera qu’en fin de campagne, c’est qu’il a tout compris pour briser les stratégies UMP et PS d’un seul et même temps.
Pendant que les deux « bipolarités » se recentrent sur leurs équipes du passé, se targuant d’enfermer le candidat centriste dans une position soit « forcément et historiquement de droite » avec laquelle il a coupée les ponts clairement depuis le congrès 2005 de Lyon, soit comme le « guignol » qui ne pourra pas gouverner alors que la réforme des modes de scrutin est d’ores et déjà programmée, F. Bayrou poursuit sa campagne intelligente de prise de contact des Français.
Bilan : Un résultat sans concession
Par résultat d’analyse, il me semble que la meilleure campagne en cours soit celle menée par F. Bayrou, car au lieu de se retourner vers le passé, il a pris bon nombres de risques, ceux-là mêmes qui font la différence entre un candidat à la présidentielle, et un président de la République.
Ceux et celles qui croient qu’il est encore possible de « changer avec du vieux » ont tort, car on a beau penser que les Français sont des imbéciles, ils ne sont pour autant sourds et aveugles... surtout que cela fait trente ans qu’on leur chante la même mélodie et qu’ils payent cash, pour la majorité d’entre eux, surtout ceux des classes moyennes, c’est-à-dire l’essentiel des Français - électeurs - citoyens.
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