2011+1, 2012
Au milieu de toutes les "affaires" qui agitent le monde politique, c'est petit à petit l'échéance de 2012 qui se met en place. Si les déclarations de candidature n'échappent à personne, les éléments qui seront probablement au centre des débats émergent plus discrètement. Parmi eux il y a le nucléaire, la réforme de la fiscalité ou la sécurité. Les sujets sont rarement neufs mais l'ordre des priorités et le contexte changent. Espérons que cela permettra à de nouveaux arguments et à de nouvelles solutions d'apparaître. Les éditorialistes commencent à dégager les questions qui structureront la campagne. Alain Duhamel nous dit par exemple que l'enjeu de 2012 sera l'équilibre entre justice sociale et efficacité économique (j'y ajouterais, durabilité). Prêtons-nous aussi à ce petit exercice en relevant deux axes qui seront, à mon sens, deux formulations très importante des enjeux :
* la méthode de gouvernement
* et l'adaptation de notre pays à la mondialisation.
Les candidats ne doivent pas se contenter de présenter un programme sous la forme d'une liste de solutions, ils doivent avoir une conception de ce qu'est la France et de comment ils souhaitent l'incarner. En ce sens les débats autour des moeurs et des pratiques de nos hommes politiques ne sont pas forcément malodorants. Je ne sais pas si un homme, fut-il homme d'Etat, peut être irréprochable. Je ne sais pas non plus si la transparence totale est enviable. Mais je suis convaincu que c'est avant tout dans son comportement, dans sa vie, que les valeurs d'un Homme se reflètent et à partir de là qu'elles se projettent. Aussi ne peut-on pas passer outre les confusions, les relations entre pouvoir, argent, sexe qui nient, voire piétinent, le respect ou la confiance. Certains devraient y penser quitte à prendre un un peu plus de temps pour se raser le matin. Ce n'est apparemment pas le lendemain du second tour, sur un yacht que l'on construit sa vision d'un pays et d'une fonction.
Cette fonction justement, elle est sous la Ve à la fois et de fait, celle du chef de l'Etat et du chef de gouvernement. Je ne m'attarderai pas sur la première facette, la tenue du chef d'Etat qui s'est muée en "style" a déjà fait coulé beaucoup d'encre. Je pense que les candidats pour l'an prochain ont compris qu'il fallait allier stature (C.de Gaulle) et proximité (J.Chirac). Sur un scooter ou au G8, avec Mme Dugenou ou M.Obama le coup d'envoi a été donné et plus personne ne se risquerait à laisser échapper un "casse-toi pauvre con", espérons-le du moins. Arrêtons-nous par contre quelques lignes sur le rôle de chef de gouvernement. Le tandem président-premier ministre devra très probablement appliquer dans un an une méthode de gouvernement radicalement différente de celle du dernier quinquennat. Les réformes lancées par dizaines de front, la procédure accélérée devenue habituelle, les ultimatums posés aux syndicats ont fatigué. Certes cela a permis le déblocage de nombreux chantiers enlisés de longue date et parions que ce sera l'une des cordes à l'arc du candidat N.Sarkozy. Cependant à tout vouloir faire vite et même temps on a souvent perdu la profondeur et la cohérence de réformes importantes. Dans les années à venir le politique va devoir rappeler son rôle et l'assumer fermement. Et le rôle du politique n'est aucunement de régler seul tous les problèmes. Le tôle de la vie démocratique est de fournir les institutions où l'on peut débattre et négocier. L'homme politique doit faire des choix de priorités et assurer la cohérence d'une action d'ensemble. Les différentes parties prenantes, les experts, les intellectuels, les partenaires sociaux et la société civile doivent être associés au processus de discussion, de présentation et de défense de solutions. Le politique doit ensuite faire la meilleure synthèse possible et surtout, doit arbitrer en fin de processus (et je précise bien en fin et pas au début comme cela a parfois été le cas).
Ces arbitrages doivent être faits dans le but de construire une vision de notre pays qui se tient, qui fait sens. Lorsque le débat se transforme en concurrence d’intérêts de groupe pour les options qui restent en lice, le politique doit assumer la décision de l’intérêt général. C'est pourquoi je mentionnais au début qu’une vision de cet intérêt général devait être pensée en amont et incarnée par celui qui vise la magistrature suprême.
Aujourd'hui cette vision de la France doit être une vision de la mondialisation. Il n'y a plus que le FN pour oser faire croire que l'on peut vivre en autarcie. Cela a été maintes fois écrit, la mondialisation en soi n'est ni toute bonne, ni toute mauvaise, c'est un fait. Cependant cela ne signifie pas que la France doit subir ce fait. Les anglo-saxons ont défendu une vision du système monde interconnecté, très libéralisé et déréglementé qui s'est imposée. La France a parfois résisté et souvent suivi. Aujourd'hui l'économie de marché, la circulation rapide et facile, la mobilité des données, la diffusion de repères communs sont des acquis. Pourtant rien ne nous oblige à nous fondre dans un moule. La mondialisation n'est pas par essence un processus de virtualisation ni d'homogénéisation. Nicolas Sarkozy a fait l'erreur, je cite encore Alain Duhamel, de "prendre les français pour des anglais". Le candidat qui souhaite l'emporter en mai prochain ne doit pas renouveler cette erreur. La mondialisation peut-être très belle si elle devient l'espace d'expression de la diversité des cultures, des savoirs faire, des points de vue humains. Oui à des repères communs, à des valeurs communes, non à des espaces et des activités uniformisées et aseptisées. Le discours sur la mondialisation ne sait qu'en faire un alibi ou un bouc-émissaire. Le programme qui se veut vainqueur doit dépasser cette posture stérile et être le reflet d'une mondialisation "à la française". Il doit savoir jouer avec les règles qui sont celles du monde contemporain mais jouer son jeu. La France reste fière de sa gastronomie, de sa culture, la France est connue pour la mode et le luxe, la France a longtemps été (et doit le redevenir) fière de son agriculture, elle le reste de ses terroirs et de son Histoire. La France a aussi des atouts industriels. C'est de cela qu'il faut partir, de cette histoire, de ces métiers, de ces savoirs, de cette expérience. La mobilité est quelque chose de beau si elle permet à des millions d'être humains de voyager, mais quel intérêt si chaque pays ne peut plus présenter ses paysages, ses produits ? Choisissons les domaines où notre pays peut être leader, mettons-y les moyens et les talents, sauvegardons et embellissons notre patrimoine et nos savoirs. Pour cela il vaut mieux des conservateurs attachés à cette culture, à ces valeurs et à ce que le temps a consacré (et qu’il faut adapter au monde d’aujourd’hui) plutôt que des progressistes qui omnibulés par une idée de progrès remettent sans cesse tout en cause et tentent de construire sur du vide pour finalement faire comme tout le monde.
Comment notre futur président va-t-il traduire en français la Globalization anglo-saxonne ? c'est une des questions clé à poser dans les mois à venir. Elle se pose d'ailleurs à tous les niveaux, celui des priorités économiques donc, mais aussi celui du positionnement sur la scène internationale. Les choix politiques forts qu'il y a à faire pour bâtir ce rôle français dans la mondialisation doivent être accompagnés de symboles tout aussi forts, de combats à mener, de postures à adopter. Ce ne sont pas les thèmes importants dont il faut se saisir qui manquent !
Dans cette perspective le discours de candidat ou candidat potentiel que je trouve le plus juste est aujourd'hui celui de Jean-Louis Borloo. Les prises de parole et de position de cet ancien ministre de Nicolas Sarkozy sont de plus en plus en plus nombreuses et laissent entrevoir qu'il est celui qui essaie le plus de penser une vision d'ensemble. On lui demande souvent en quoi sa position est différente de celle de l'UMP à laquelle il a longtemps appartenu. D'important dans sa réponse il y a bien sur les prises de distance avec l'ultra sécuritaire, l'utltra-liébralisme. Cela montre que dans nos derniers gouvernements plusieurs tendances existaient et rappelle que de grandes avancées ont aussi pu prendre forme, qu'il n’y avait pas qu’Hortefeux ou Guéant. Mais le plus important pour moi est la méthode radicalement différente qu'il prône. Pour l'illustrer il ne cesse d'avoir recours aux exemples du Grenelle de l'environnement (parfaite illustration de ce que doit être toute la première étape du processus de concertation-décision, processus qui dans ce cas, s'est enrayé dans la seconde partie) et de sa ville de Valenciennes. Il a, semble-t-il, cette volonté de faire un gouvernement médiateur et arbitre, d'impliquer pour chaque problème les bonnes parties prenantes et d'aller au bout. Il a semble-t-il, cette volonté de choisir les problèmes à traiter et donc de préférer une stratégie cohérente mais complète à un dispersement. il mentionne notamment l'écologie, la justice sociale, l'éducation et Europe. Ces thèmes, par ailleurs fortement liés, me semblent en effet être les enjeux prioritaires et majeurs.
Tous les éléments sont là, attendons de voir comment il propose de les agencer. Dans l'ébauche qui se dessine, j'aime particulièrement les contradictions assumées, Europe et République par exemple. Elles démontrent que c’est une vision qui est consciente que nous ne vivons plus dans un monde manichéen mais bien dans un monde complexe d'interconnexions, d’incertitudes et de contradictions justement. Je suis un peu plus sceptique sur sa définition du progressisme ou sur une partie de l'histoire du Parti Radical. Je reste aussi dans l'expectative sur sa dimension internationale qui reste à démontrer. Cependant la seule vraie incertitude qui compte est cachée derrière la critique répétée par l'UMP sur le danger que présenterait une candidature Borloo pour la majorité présidentielle. Ce danger dans l'immédiat est celui de ne pas arriver au second tour mais c'est une chose plus fondamentale qui me gêne. Une partie de la droite défend l'unité comme principe d'efficacité, l'autre la pluralité comme seule solution. Oui, je suis pour la pluralité dans le débat mais je suis pour l'efficacité dans la décision. L'unité pour l'efficacité, la force d'une majorité solide au parlement renvoient à cette dimension qui reste avant tout gaullienne de la droite (et sans laquelle Mitterrand finalement très gaulliste institutionnellement n'aurait rien fait). Le grand enjeu est de concilier les deux, exécutif fort et débat ouvert et substantiel. Historiquement et idéologiquement le centre a souvent peiné à faire preuve de cette force nécessaire de l'exécutif au moment d'agir. Symétriquement l’UMP, qui a semblé maîtriser un temps le difficile équilibre, est assez vite tombée dans le travers inverse. Pour l'instant je me dis qu'heureusement la présidentielle est à deux tours, et que finalement les jeux d'alliance peuvent ne pas avoir que du mauvais. Les idées portées par Borloo, le changement de méthode, peuvent se faire entendre au premier tour pour gagner leur place au second, même si le candidat ne les accompagne pas (tant que la déclaration de candidature n'est pas officielle on peut même penser que c'est une stratégie qui n'attend même pas le premier tour). Il reste à éviter un “21 Avril à l'envers”, mais sur ce point précis je veux croire que la prédominance du débat démocratique sur le vote utile est la seule véritable solution pour contrer le populisme.
Quand à l’option d’une “majorité à deux jambes” (d’un ticket espéreraient certains), elle pourrait se défendre, à condition que des divergences de fond sur cette vision du pays ne se fassent pas jour.
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