A chacun son Zénith
Sarkozy-Royal, match retour. Les socialistes assemblaient toutes leurs divisions au Zénith de Paris tandis que le yachtman de l’UMP s’amarrait au Havre, pour demander à ses fidèles une cerise sur son triomphe.
Comme on se retrouve : hier soir la candidate défaite et le candidat des fêtes battaient le rappel, comme au bon vieux temps d’une campagne présidentielle à peine éteinte. Les législatives se profilent déjà, à priori largement remportées par la droite UMP, mais on ne sait jamais, comme dirait François Hollande, « une élection n’est jamais jouée d’avance ». A voir. En attendant, donc, et pour donner le change, les éléphants, les souris, les clowns et les acrobates du parti à la rose s’étaient donné le mot pour sembler unis, hier soir. Devant 6 000 militants « gonflés à bloc », le PS a approfondi la méthode Coué. "La gauche et la droite, ce n’est pas la même chose". "Le rassemblement (des socialistes), nous le devons aux Français pour maintenant", c’est Bertrand Delanoë qui s’exprime ainsi. Intéressant ce Delanoë-là, qui compte parmi ses vieilles connaissances un certain Nicolas S, qu’il tutoie parfois, un Nicolas S. qui ne verrait pas d’un mauvais œil que l’actuel maire de Paris reprenne en main le PS pour le rénover.
« Je lance un appel tout particulier aux jeunes de banlieue qui se sont inscrits massivement et qui ont voté massivement pour les valeurs que nous défendons : revenez vers les urnes, la France a besoin de vous !" Là, c’est du Royal dans le texte. Et ce n’est qu’un début : "Nous allons construire la nouvelle opposition dont la France a besoin" (...) "tout le PS est rassemblé derrière son premier secrétaire" ajoute-t-elle. Ah bon ? Tout le PS ? Moins les pro-DSK, moins les fabiusiens, moins Montebourg, moins Jack Lang, voire moins Julien Dray. A part ça, à part eux, oui, sans doute, « tout le PS », ou ce qu’il en reste. "Nous nous mobilisons aujourd’hui pour des élections majeures qui posent une question très claire à chaque électeur : voulez-vous donner les pleins pouvoirs à un gouvernement insatiable qui prétend incarner à lui seul la droite et la gauche ?" Elle n’a pas changé, madame Royal. Maintenant, au moins, on la connaît, elle et son discours creux, ses questions qui n’en sont pas, sa ligne directrice faible et sans ampleur. Et puis, d’où vient cette idée que le gouvernement veuille incarner à lui seul la droite et la gauche ? Ca n’a jamais été le point de vue de Sarkozy. Dissoudre la gauche dans la droite, oui, mais incarner la gauche, jamais de la vie.
La dame du Poitou a ensuite cru bon de citer Montesquieu : « Tout homme qui a du pouvoir est tenter d’en abuser ». Certes. Comme toute femme non ? N’était-ce point cette même égérie qui prétendait il y a quelques semaines de cela obtenir le pouvoir suprême ? "Il faut faire attention à la politique spectacle, à la politique des visites, des rencontres, des serrements de main sur les perrons". Là, on ne peut lui donner tort. Il faut effectivement faire attention à cette politique spectacle-là, pour une raison simple : elle ne sert à rien, qu’à attirer les photographes et disperser l’essentiel. Un point pour Ségolène. Pour le reste, elle n’a toujours pas appris à mordre, ni à communiquer, et s’est bornée à répéter les mots de son premier secrétaire de compagnon, comme pour lui faire plaisir, pour ses dernières législatives. Pour Hollande, les 10 et 17 juin, c’est un peu un pot (aux roses) de départ.
Pour DSK, c’est en revanche un point de départ. Il n’a plus longtemps à attendre, juste une défaite de plus dans une grosse quinzaine de jours, pour atteindre deux objectifs essentiels : regarder partir Hollande et dire au revoir à Royal, qui ne survivra pas au deuxième échec, surtout s’il s’avère aussi cuisant que l’annoncent les sondages. Hier soir, donc, DSK affichait un certain sourire, le même qu’au soir des résultats du deuxième tour de la présidentielle.
Pendant ce temps-là, au Havre, Sarkozy avait amarré son yacht pour rendre visite à ses ouailles, et leur demander « la plus large majorité possible pour mener à bien sa politique ». "C’est normal et cohérent que le président de la République souhaite avoir les moyens de mettre en oeuvre le projet qu’il a réussi à faire adopter pendant sa campagne électorale" a-t-il ajouté. Comment lui donner tort ? Tous les présidents ont fait de même. Pour pouvoir travailler les mains libres. "Il vous reste deux semaines pour choisir. Il vous reste deux semaines pour parachever l’impensable révolution que vous avez accomplie le 22 avril et le 6 mai derniers. Il vous reste deux semaines pour décider ou non de me renouveler votre confiance". L’impensable révolution ? Pour l’instant, de révolution on ne voit point venir. Juste une évolution, mais cela pourrait changer, ou plutôt cela pourrait s’accélérer, si les législatives se passent comme prévu. A ce moment-là, il le promet, Sarkozy pourra tenir « tous les engagements » qu’il a pris. Sinon... sinon ce sera la cohabitation et son cortège d’immobilisme. Or, selon le leader UMP, « la France ne peut se permettre cinq ans de plus d’immobilisme ». Effectivement. Mais Sarkozy sera-t-il assez fort pour faire avancer cette France que l’on se plaît par-delà les frontières à qualifier de sclérosée et figée ? Archaïque et assistée ? Certains syndicats affûtent déjà leurs armes pour le « quatrième tour », l’après-législatives. Il faudra certainement au président Sarkozy toute l’endurance de ses joggings pour les essouffler. On a hâte de voir cela.
En attendant, déjà un petit amuse-bouche (Bush ?) : la déduction fiscale des intérêts s’appliquera à tous les emprunts immobiliers en cours, pour l’achat d’une résidence principale. « La pensée unique s’oppose à la déduction du revenu imposable des intérêts des emprunts contractés pour l’achat de sa résidence principale. "Cette déduction, je l’ai promise et je la ferai, a-t-il affirmé. Les intérêts seront déductibles à partir du jour où la loi sera votée, et cette déduction, comme je m’y suis engagé, s’appliquera à tous les emprunts en cours. Je veux une France de propriétaires." Il est là le style Sarkozy : cette faculté, quand il demande quelque chose, de donner un gage de sa bonne foi. Il annonce qu’il tiendra ses promesses et dans la foulée il le démontre. Il ne laisse pas longtemps la place au doute, ni le temps à ses adversaires de le contrer. Il va vite. L’endurance se travaille aussi dans les fractionnées.
Quelques semaines après les présidentielles, on replonge donc à nouveau dans un bon vieux clivage droite-gauche, dans un de ces matchs à l’ancienne que Roger Couderc n’aurait pas renié. Un motif d’amertume de plus pour François Bayrou, qui devrait être bouté hors de l’hémicycle avec son MoDem. L’extrême gauche n’y sera pas non plus, ni l’extrême droite. Sauf imprévu. Mais la très forte mobilisation des Français, leur intérêt pas démenti depuis le 6 mai dernier, ne laissent guère de doute sur l’issue du scrutin. On ira dans ces législatives à l’essentiel : tenter de donner à la gauche crédible les moyens d’une réelle opposition, et essayer tant bien que mal de modérer l’enthousiasme des bleus. Qui sont, eux, vraiment au zénith. Et ce n’est pas qu’une salle.
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