A côté de la plaque ?
À côté de la plaque, c’est ce que j’ai pensé de la trentaine de députés, de gauche comme de droite, rassemblés hier dans la cour d’honneur de l’Assemblée nationale pour réclamer le maintien du numéro du département sur les plaques d’immatriculation des véhicules. Et vous ?
« Il ne s’agit pas de remettre en cause la nouvelle immatriculation, mais nous voulons obtenir du gouvernement que le numéro du département figure, obligatoirement et de façon très lisible, sur le côté droit des plaques », a déclaré à la presse, Richard Mallié (UMP-13), co-président du Collectif Jamais sans mon département qui revendique déjà 134 membres.
« Il y a un vrai attachement personnel au numéro du département. C’est une sorte de patrimoine collectif à conserver. Pourquoi en priver les générations futures ? », a renchéri Alain Vidalies (PS-40), autre co-président du collectif.
« C’est un souvenir lié à l’enfance. Tous les Français ont appris leurs départements avec les plaques d’immatriculation », ont lancé en choeur plusieurs députés en évoquant « une question d’identité ».
En passant de 7-5 à 9-3, notre break familial et nos têtes de Gaulois en ont (in)justement soudainement suscité des questions d’identité, pour ces m’ssieurs-dames de la maréchaussée…
Et puis, tiens pourquoi pas de député 9-3 et à peine 3 femmes sur la photo de groupe ? Étrange pour un collectif qui défend la diversité, ou du moins celle d’une certaine fierté d’appartenance à nos terroirs-départements, façon journal de 13h de Jean-Pierre Pernault.
JP, je l’adore ton journal, et je n’ai pas de problème avec le 9-3, comme le slame si bien Grand Corps Malade dans Je viens d’là, c’est juste un territoire qui a son caractère… Un peu comme quand vous avez une plaque de continental quand vous circulez en Corse, de Bretons chez les Normands…
Étonnant, sur la page web des membres du collectif, à côté de leurs noms, il n’est pas fait mention de numéros de départements des députés pourtant si impliqués. Lapsus révélateur de leur résistance basique au changement ? Faille dans le dispositif de com’ ?
« Notre initiative n’a rien de folklorique » déclare le député Maillé qui exhorte les Français à soutenir cette démarche en votant sur le site Internet créé à cet effet.
« Folklorique » ? Ce n’est pas le terme que j’associerai en premier à cette initiative, la spécialiste des stratégies de marque que j’essaye d’être, salue d’abord bien bas l’opération de guérilla marketing hyper pro de ces Messieurs de l’assemblée (notons que les femmes ont mieux à faire…), ainsi que le méga coup de pub pour l’agence Com’Publics qui accompagne ces parlementaires…
Brandissement symbolique de plaques minéralogiques (j’espère au moins qu’ils ont négocié un prix de groupe) où l’on peut lire leur nom et le numéro de leur département d’élection, création d’un club « privé », groupe Facebook, logos-goodies, courriers et argumentaire type pour inciter aux votes des résolutions par les élus des départements… Un vrai dispositif de communication intégrée ou holistique (on ne dit plus 360°).
Enfin, nos amis députés auraient tout de même pu étoffer la rubrique goodies, avec par exemple la plaque d’immatriculation personnalisée lieu de naissance, date et prénom, remarquée sur le site cadeaux.com pour 29,90 euros. Accros à votre département, pensez-y la fête des mères et des pères approche.... Moins cher à fabriquer, et donc à vendre (penser au pouvoir d’achat, c’est important) pourquoi pas non plus un badge touche pas à mon département ? La com’, c’est un vrai métier...
Plus sérieusement, j’aurai préféré que le débat sur les OGM, ou encore la Réforme des institutions, suscite le même déchaînement de strat de com’ et surtout autant d’engouement trans-partisan. Pas vous ?
Le journal Le Monde y va même de son « immatriculée opinion » en publiant dans son édition du 23 mai la position de Vincent Huet, journaliste indépendant qui dénonce « Un numéro de série qui n’évoquera plus qu’un univers insondable de paperasses obscures et de fichiers barbares. L’aléa mathématico-administratif enfin reconnu à sa juste valeur en lieu et place de la représentation d’un territoire. »
« On n’est pas dans la raison, on est dans l’affect », reconnaît le député Mallié qui omet de citer les avantages de la nouvelle numération : simplification des démarches administratives et lutte contre la délinquance automobile.
La nouvelle immatriculation française, qui devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2009, se base sur le modèle « européen » déjà appliqué en Italie, Angleterre ou Espagne, et comportera sept symboles (deux lettres-trois chiffres-deux lettres, selon le modèle AA-123-AA).
La France doit en effet se mettre en conformité au niveau européen en ce qui concerne le contenu des cartes grises. Ceci va obliger le Ministère de l’intérieur à revoir un certain nombre d’outils de saisie dans le Fichier National des Immatriculations.
Anticiper un changement qui serait de toute façon inéluctable, faire d’une plaque deux coups... Le gouvernement s’est sans doute dit qu’il serait peut-être profitable de saisir l’occasion pour remplacer le système actuel, dont l’épuisement est prévu en 2024 avec le 999 ZZZ 75.
Ah, ces Parigots... Sans oublier cette résistance aux changements et ce chauvinisme qui conduit parfois certains ou certaines à tester la résistance de leur clef tout autour d’une voiture, ou encore à observer la capacité de rebondissement de leur pare-choc tel le blason d’un chevalier face à l’ennemi porteur du mauvais numéro…
Et que dire du Loto des immatriculations qui vous affuble tout d’un coup d’un CUL 33, SS 22 ou PD 93…
Le système d’identification des véhicules (SIV) prévoit que les plaques seront numérotées nationalement. Chaque véhicule se verra attribuer un numéro à vie (même s’il change de département ou de propriétaire) et la mention du département, en vigueur depuis 1950, deviendra facultative. Les automobilistes pourront toutefois choisir d’apposer le numéro d’un département de leur choix (« une option farfelue », selon le collectif), surmonté du logo de la région correspondante.
Le nouveau système apportera son lot de « bénéfices clients », que nos chers députés communicants se sont bien garder de mentionner dans leur dispositif de guérilla marketing.
Les plaques seront traçables : les agents de police pourront donc identifier qui a posé la plaque. En cas de déménagement, la carte grise n’aura pas besoin d’être changée.
Dès la déclaration (simplifiée par internet), le propriétaire recevra par courrier avec accusé de réception obligatoirement (moyen de contrôle de la véracité de l’adresse) un papillon autocollant, sécurisé lui aussi, à coller sur la carte.
De plus, un fichier informatique national renouvelé avec inscription des véhicules volés et des infractions impayées, consultable par les patrouilles de police, sera mis en place.
À raison de 3 millions de véhicules neufs par an et en prenant en compte la réimmatriculation du parc existant, la durée de vie prévisible de ce nouveau système est d’environ 80 ans.
D’ici le 31 décembre 2089 et le web 93.2, le Rapport Attali aura peut-être supprimé les départements, qui sait…. Ne vous affolez pas, je plaisante. Le département est un niveau de gestion-décision très adapté… ailleurs qu’à Paris.
En revanche, à mon humble avis de ménagère-manager-citoyenne, ce nouveau système outre ses nombreux avantages (oui, je le place même si je sens que là vous me trouvez encore trop longue et techno), n’est-il pas une façon d’anticiper le Grand Paris du sénateur Dallier qui prévoir la fusion des départements 75+92+93+94, sur le principe du 1+1 = 3.
Allez, contrairement au Grand Paris qui malheureusement, en dehors du sénateur Dallier, est un débat limité aux terrtioires politique comme physique, le débat sur les plaques lui, a le relatif mérite de rassembler toutes les pièces de l’échiquier.
Le changement de plaque, restera donc, quoi qu’on en pense, un symbole bourré d’affect, comme nous le montre ce reportage de FR3 région qui fêtait le 27 septembre1984, les vingts années d’existence des plaques 93, 94, 92 et consorts. Séquence émotion sur INA.fr
71% des Français seraient opposés à la suppression du département sur les plaques.
Fierté d’appartenance ? Sodomie mucile ? Vous en pensez quoi vous, des plaques d’immatriculation ? Faut-il imposer légalement les départements sur les plaques ? Laisser le libre choix à chacun d’un signe extérieur de richesse intérieure ?
Perso, je n’ai pas d’état d’âme à plaquer l’ancien système pour le nouveau, et si l’envie m’en prend je n’hésiterai pas démarrer une exposition de stickers 93, 75 et 74, les départements qui ont construit ma vie... Sur mon vélo bien sûr, vu que je n’ai pas le permis ;-))
Je vous laisse méditer ce témoignage lu sur le web :
« Je suis pour cette réforme… et contre toutes les formes de catégorisations humaines, ethniques, sociales, culturelles basées sur un signe extérieur d’appartenance… Or la seule chose que créent ces numéros, ce sont certains comportements haineux de la part de certains conducteurs ou de régionaux fâchés de voir trop de touristes envahir leur contrée.
On peut évidemment être fier de son département par son identité culturelle et non pas par un simple numéro. A travers multiples exemples, on peut constater que les signes extérieurs d’appartenance ont toujours créé des sentiments de haine (port du foulard, comportements de certains homosexuels… et j’en passe…) Je le regrette mais c’est ainsi…
En ce qui concerne les plaques d’immatriculation, le contre pèse plus lourd que le pour car je trouve que cette façon de pouvoir exister est simplement peu intelligente… on n’existe pas en tant que seine-et-marnais par un simple 77 sur sa voiture… et que dire des réactions extrêmes entre les gens du 9-3 et les autres et vice-versa, ou encore entre les 2A et 2B vis-à-vis des voitures immatriculées à 2 chiffres… En Haute-Corse (2B) on assiste même à des réactions dangereuses (doublement en virage par exemple) de la part de conducteurs de véhicules 2B envers les véhicules de type catégorie A flambant neuf immatriculés 2A, et pour cause, ils sont immédiatement repérés comme étant des véhicules de location… et donc conduits par des continentaux… »
@ à suivre donc…
© rédactionnel ZoralaRousse 93 pour chroniquesmabanlieue.com
Webographie
SFPI : le site français des plaques d’immatriculation. Un site de passionnés, avec de l’humour (si c’est possible, même en parlant de plaques...).
Site du Collectif « jamais sans mon département »
Wikipedia : plaques d’immatriculation.
Liberation.fr, 22 mai 2008 : Sauvons nos plaques d’immatriculation !
Metro.fr, 22 mai 08 : Plaques micmac.
Le Monde, 23 mai 08 : L’opinion de Vincent Huet, journaliste indépendant.
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