A mi-mandat, qu’est donc vraiment le « sarkozysme » ?
Qu’entend-on vraiment par "sarkozysme" ? Que recouvre cet exercice du pouvoir apparemment rejeté par une majorité de Français, d’après les derniers sondages, mais qui conserve, on le constate chaque jour, un attrait suffisamment fort pour continuer à en berner beaucoup ?
Le sarkozysme n’est pas d’abord une politique. Ce n’est pas ce qui le caractérise le mieux, et ce n’est donc pas par là qu’on parviendra le plus aisément à l’atteindre au coeur.
Est-ce à dire que le sarkozysme n’a pas de consistance idéologique ? Bien sûr que non. Le sarkozysme est très cohérent. Il vise à adapter la France, dans ses structures économiques et sociales, dans ses principes politiques, dans sa chair, au projet libéral-mondialiste. Union européenne antidémocratique, destruction des services publics et de l’Etat, affaiblissement des principes républicains comme la laïcité et l’égalité, destruction de la cohésion nationale par le communautarisme et la discrimination positive, tout concourt à mener une politique de renoncement à la France et à nos idéaux. Toutes les mesures s’articulent les unes avec les autres, rien n’est laissé au hasard. Le corpus idéologique du sarkozysme, s’il se cache derrière un prétendu pragmatisme, est en réalité solide et implacable.
Mais le sarkozysme n’est pas d’abord une politique parce que ce corpus idéologique est au pouvoir depuis 30 ans. Depuis l’arrivée de Valéry Giscard d’Estaing en effet, la France va toujours dans la même direction. Qu’ils aient été de gauche ou de droite, les gouvernements successifs ont imposé cette voie au pays, entretenant pour cela l’illusion d’un débat factice entre une gauche et une droite pareillement compromises et passant outre quand il le fallait la résistance du peuple normalement souverain (à cet égard, c’est au sujet de l’Union européenne, incroyable accélérateur de mondialisation, que les atteintes à la démocratie ont été les plus nombreuses).
Le sarkozysme a sûrement accéléré le mouvement, mais il n’a pas innové du point de vue de la doctrine. Il n’y a qu’en matière de politique étrangère qu’il a assumé de tourner franchement la page du gaullisme et de l’indépendance nationale en choisissant l’alignement systématique sur les Etats-Unis. En réalité, même si l’épisode du non à la guerre en Irak en 2003 l’avait un temps masqué, cet alignement était en cours depuis des décennies déjà.
Si ce n’est une politique, qu’est donc le sarkozysme ?
Nous pensons qu’il s’agit avant tout d’une façon de gouverner, d’un contenant plus que d’un contenu. Et un mot résume parfaitement ce contenant : enfumage.
Plus que jamais en effet, le pouvoir depuis l’élection de Nicolas Sarkozy ment, manipule et trompe les citoyens. La campagne du candidat de l’UMP avait déjà donné le ton : désormais le pouvoir ne s’astreindrait plus au moindre devoir de vérité. L’objectif sera de faire durer l’illusion, et pour cela tous les moyens seront bons.
Entendons-nous bien, nous ne disons pas que nous sommes passés un beau jour de 2007 de la Vérité au Mensonge. Le mensonge fait partie de la politique, et il gangrénait déjà largement le débat avant l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy.
Ce que nous disons, c’est que sous la présidence Sarkozy, le mensonge et la manipulation ont été industrialisés, professionnalisés à un point tel qu’il est aujourd’hui extrêmement difficile, sur la plupart des sujets, de démêler le vrai du faux.
Sur l’insécurité et l’immigration par exemple, le gouvernement entretient en permanence le sentiment de l’action et de la fermeté.
Tous les 6 mois, et prioritairement les veilles d’élection, le débat est relancé. Une idée révolutionnaire apparaît, qui sera toujours sans lendemain. Mais peu importe, puisque la rapidité du passage d’un thème à l’autre dans l’agenda politique et médiatique tue la mémoire du citoyen. Hier les tests ADN, aujourd’hui le couvre-feu pour les mineurs délinquants, sans oublier l’opportun débat sur l’identité nationale.
Sur la crise, la même technique a été utilisée. Nicolas Sarkozy est dans l’action, il est à l’origine des G20, il a conduit avec panache la présidence de l’Union européenne en 2008 et a su sortir la France des griffes de la récession. Il serait très dur avec les patrons voyous, les banquiers pourris, et les paradis fiscaux.
Tout cela est parfaitement faux bien sûr, Sarkozy est systématiquement marginalisé lors des G20, rien n’a changé, les traders s’amusent plus que jamais, mais l’important est d’être parvenu à faire croire le contraire.
Sur l’Europe, la dernière campagne des élections au parlement fut un parfait exemple de cet enfumage généralisé : comme jamais, l’Europe fut critiquée, dénoncée à juste titre dans ce qu’elle bride les Etats nations et aggrave les effets de la mondialisation libérale. Même les partis réputés européistes y allaient de leur petit couplet sur l’Europe trop libérale, trop dogmatique, trop technocratique.
Dans les faits, tout ce petit monde poussait en catimini à l’adoption la plus rapide possible du Traité de Lisbonne, nouveau nom de la Constitution européenne, qui renforce plus que jamais, on s’en rendra compte bien assez vite, les dérives de l’Europe : encore plus de libéralisme, encore plus de libre-échange, encore moins de liberté pour les pays membres.
Mais pour tenir, le sarkozysme n’agit pas seul.
Il se fonde sur un astucieux montage en triangle : la première extrémité est constituée du pouvoir, qui fixe l’agenda et la stratégie, la deuxième des médias, qui relaient complaisamment la communication gouvernementale et organisent les conditions d’un débat biaisé, la troisième des sondages qui structurent le débat et viennent à la rescousse du pouvoir quand celui-ci est menacé. Le rapport de la Cour des comptes de juillet dernier avait très bien mis au jour ce petit manège, en dévoilant les pratiques scandaleuses du triangle Elysée/Le Figaro/Opinionway.
C’est en expliquant les tenants et les aboutissants de ce système très bien rôdé qu’on agira vraiment efficacement, et durablement, contre le sarkozysme. On ne tuera vraiment la bête que lorsqu’elle sera transparente pour tout le monde, et qu’il ne lui sera donc plus possible de tromper.
Alors seulement les conditions d’un vrai débat, prélude à une vraie alternative politique, seront réunies. Alors seulement la démocratie pourra jouer son rôle et mener la France et les Français vers un destin qu’ils auront réellement choisi.
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