À PROPOS DE LA FRANCE ET L’OTAN
Le retour : renoncement ? Ou pragmatisme ?

BILLET DU 4 AVRIL 2009
En ce 4 Avril, l’OTAN célèbre son 60° anniversaire. Et la France solennise, à cette occasion, sa réintégration pleine et entière dans cet organisme créé à Washington en 1949.
Deux événements bien distincts l’un de l’autre mais qui interpellent tous deux aussitôt.
RALLIEMENT ? OU REVIREMENT
La France désormais, de nouveau, dans l’OTAN, après la décision de De Gaulle, en 1969, d’en sortir aussi bruyamment, est-ce là un ralliement ? Un revirement ? Ou la fin d’une hypocrisie ?
Si l’on reprend le discours officiel, l’on entend que ce serait plutôt la fin d’une hypocrisie qui n’aurait que trop duré.
Si on veut regarder les choses honnêtement, il est vrai qu’on a déjà rejoint de fait cette organisation depuis plusieurs années : la France a participé à trois opérations militaires sous les couleurs (bleues) de l’OTAN - Bosnie, Kosovo et Afghanistan - et elle est militairement l’un de ses plus gros contributeurs.
L’argument défendu par Mr Sarkozy qui consiste à dire que “puisqu’on est dedans” il vaut mieux pouvoir participer, aussi, aux instances décisionnelles et ne plus être que de simples sous-fifres exécutants. Cet argument semble être de poids et relever de la simple logique.
Peut-on, pour autant, nous contenter de cela ?
FIN DE L’EUROPE DE LA DÉFENSE ?
Il y a moins d’un an, souvenons-nous en, le gouvernement de Mr Sarkozy promettait que le retour de la France dans l’OTAN ne se ferait “qu’après de nets progrès” dans la mise sur pied d’une “Europe de la défense”. Que s’est-il donc passé depuis qui puisse justifier pareil revirement ?
Il est vrai qu’une Europe de la défense nécessitait préalablement une adhésion pleine et entière de la majeure partie des états européens. Or on sait la réticence de nombre d’états, notamment et surtout ceux de l’Est - qui viennent de rejoindre l’Europe depuis la chute du mur de Berlin - pour qui une “Europe de la défense” pouvait évoquer une “Europe puissance” teintée d’un certain anti-américanisme. Et çà, ils n’en veulent à aucun prix.
C’est là l’une des difficultés - et pas l’une des moindres - de la construction européenne.
L’Histoire de l’après-guerre a marqué les peuples : la division, malicieusement imposée par l’URSS et son édification pendant des décennies d’une muraille quasi infranchissable, a laissé de profondes séquelles. Nous en payons encore le prix. Même si ces peuples frères, longtemps séparés, ont voulu, depuis, intégrer une Europe à laquelle ils appartenaient et qu’ils appelaient de tous leurs vœux. Mais cette Europe à laquelle ils aspiraient - et aspirent encore - n’est pas la même que celle nous avions imaginée de ce côté-ci de la muraille pendant que nous en bâtissions patiemment le socle.
Fin donc d’une illusion ? Ou simple résignation ?
La défense de l’Europe à laquelle nous rêvions donc, ne passera pas - hélas, hélas, hélas - par cette Europe de la défense que nous imaginions hier.
L’Europe semble se résigner, désormais, qu’à mener des missions de sous-traitance.
L’IMAGE DE LA FRANCE DANS LE MONDE
Que devient, dans un tel revirement, l’image de la France, surtout dans les pays du Tiers-Monde quand ceux-ci voient aujourd’hui notre pays devenir un pays “intégré” comme un autre ; alors qu’hier elle proclamait encore, haut et fort, sa totale indépendance, même vis-à-vis des plus puissants, suscitant pour cela respect et admiration ?
Absence de volonté politique ? Ou simple pragmatisme ?
On peut aujourd’hui se poser la question : “Qu’est-ce que l’OTAN en 2009 ? Qu’est-elle devenue depuis sa fondation ?”.
L’OTAN EN 2009 ? FACE À QUEL ENNEMI ?
En 1949, l’OTAN était, essentiellement, un instrument de défense de l’occident (“atlantique-nord”) face à l’impérialisme communiste russe et ses velléités expansionnistes. La “guerre froide” battait alors son plein.
Aujourd’hui, où est le danger ? Non pas que tout danger ait disparu - tout au contraire - mais il a complètement changé de nature : l’URSS s’est effondrée avec tout son système dictatorial, et ses satellites qui lui servaient de remparts se sont émancipés.
L’ennemi, aujourd’hui, n’est plus apparent, cerné comme jadis par un territoire ou une frontière bien tracée. L’ennemi n’est plus d’ordre militaire. (À moins que l’Iran se dote un jour de l’arme nucléaire, ce qui n’est pas exclu. Mais l’Iran çà ne relève pas du tout de la compétence territoriale de l’OTAN, du moins sous sa forme et sa conception actuelles).
L’OTAN, donc, qui a été longtemps un instrument de défense de l’Occident “atlantique-nord”, n’a plus d’adversaire, donc plus de stratégie.
Or, l’ennemi est plus insidieux que jamais : le nouvel ennemi est le fondamentalisme religieux qui infiltre son poison partout, jusque dans nos cités. L’ennemi est devenu un ennemi tant intérieur qu’extérieur. Nous voici éloignés du danger de 1949.
Face à cette évolution, l’OTAN est donc devenue, plus que jamais, le bras armé de la diplomatie américaine. D’où ces aventures armées dans des pays qui n’ont plus rien à voir avec l’atlantisme originel.
Évidemment, l’élection de Mr O’bama - qui remplace fort heureusement le calamiteux G.W. Bush - change quelque peu la donne de la diplomatie américaine. Mais tout Président américain n’est élu que pour 4 ans. Et 4 ans, c’est vite passé. Qui et que sera demain le (ou les) futur(s) Président(s) américain(s) ? Nul ne le sait : l’opinion reste très versatile et un retournement n’est jamais exclu. C’est le sort naturel de toute démocratie. Mais notre engagement demeurera....
Le problème actuel de l’OTAN n’est donc plus militaire mais politique et diplomatique.
COMMENT MENER UNE POLITIQUE INDÉPENDANTE ?
La France est-elle encore, aujourd’hui, capable de mener une politique indépendante de ses alliés et qui a fait jusqu’ici sa grandeur et son estime ? Elle a conservé, certes, son indépendance sur l’arme nucléaire : mais à quoi sert aujourd’hui une arme nucléaire ?
Le problème posé par De Gaulle reste donc toujours d’actualité, quoiqu’on en dise.
Le danger de la guerre froide est derrière nous. Mais des dangers nouveaux sont apparus et sont beaucoup plus nombreux qu’hier ; et plus destructeurs de civilisations.
Le grand défi qui se pose désormais à la France “intégrée” est de pouvoir élaborer, et faire adopter par ses “alliés”, un nouveau concept stratégique. Grande ambition qui ne manquera pas de se heurter aussi à d’autres ambitions.
Ma conviction est que nous ne parviendrons à construire ce nouvel OTAN, à lui donner un nouveau souffle à la hauteur des nouveaux défis, une nouvelle ambition politique, que si nous savons créer un axe fort européen, axe reposant essentiellement sur des alliés surs et qui partagent une même ambition.
D’où l’importance que je continue d’accorder à un axe fort franco-allemand. Une priorité urgente. Il est des alliances qu’il faut savoir préserver. Au-delà des sautes d’humeur du moment.
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