A quand un label public d’« entreprise responsable » ?
La majorité des exonérations actuellement accordées aux entreprises (25 milliards d’euros en 2007) le sont sans conditions ! L’idée est donc de désormais conditionner l’octroi de ces aides publiques pour inciter les entreprises à se comporter de manière vertueuse : négociation salariale, limitation de l’emploi précaire, du temps partiel subi, etc.
La démarche va évidemment dans le bon sens (que ne l’a-t-on fait avant !), mais reste extrêmement modeste dans son contenu réel, voire « cosmétique » comme l’analyse avec précision la fondation Terra Nova.
Changer de braquet
Qui plus est, conditionner les aides publiques aux entreprises à l’ouverture de négociations salariales ou à toute autre avancée sociale, c’est bien, mais c’est prendre les choses par le petit bout de la lorgnette.
Il faudrait changer de braquet et aborder le sujet d’une manière beaucoup plus large, celle de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Un Etat moderne, à la hauteur des enjeux du XXIe siècle, se doit de mettre en place une politique ambitieuse en faveur des entreprises socialement et écologiquement responsables.
Une politique combinant incitations ET contraintes. Il ne s’agit pas en effet d’opposer démarches volontaires et régulations publiques, mais bien de rechercher leur bonne complémentarité. Illustration d’Alain Lipietz : « Il faut que le cadre réglementaire favorise les entreprises qui jouent le jeu de la performance environnementale. Les pouvoirs publics devraient donc envoyer des signaux clairs aux entreprises en s’appuyant sur les pratiques les plus innovantes. Par exemple, "dans deux ans, tel niveau de pollution de CO2 sera la norme pour tel produit, car telle entreprise est déjà capable de l’atteindre". Cela revient à organiser la concurrence autour d’un objectif conforme aux exigences du développement durable »[1].
Alors, à quand un cadre législatif, à la fois lisible, ambitieux, incitatif et contraignant, sur l’entreprise responsable ? A quand un secrétariat d’Etat à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises ?
Une idée qui avance
Une des mesures phares à prendre serait la création d’un label public « d’entreprise responsable » qui donnerait droit à des avantages fiscaux, à des clauses spécifiques dans les marchés publics, etc.
Bien sûr, les démarches de labels sont toujours compliquées et posent de nombreuses difficultés pratiques, administratives et même politiques. Peut-être d’ailleurs l’Europe est-elle une échelle plus adaptée que le territoire hexagonal.
Pour autant, cette idée de label n’est pas une chimère ou un rêve naïf, je suis convaincu que nous y arriverons prochainement, d’une manière ou d’une autre.
Elle est déjà défendue au cœur du système économique, par exemple par le CJD (Centre des jeunes dirigeants), mouvement patronal qui rassemble 3 000 chefs d’entreprise et prône un « libéralisme responsable », peu soupçonnable de gauchisme…
Le CJD l’a même formalisé sous forme de proposition dont voici quelques extraits :
« Les entreprises qui respectent les critères de la RSE (Responsabilité sociale et environnementale) et du développement durable, et honorent leurs obligations légales et administratives, se voient attribuer un label “Entreprise responsable”, déclinables pour leurs produits et services.
Pour développer le tissu économique et combler notre déficit en PME performantes, les PME labellisées bénéficient d’un certain nombre d’avantages significatifs qui les encourageront à obtenir ce label tout en restant compétitives :
Les entreprises uniquement labellisées sont éligibles aux différentes aides financières et allègements de charges. Elles profitent de fonds d’innovation en matière de développement durable (DD). Elles profitent d’une garantie bancaire (ex. Sofaris) plus élevée et moins chère. Elles ont un accès privilégié aux marchés publics. Elles entretiennent des relations simplifiées et confiantes avec l’administration.
L’État assure la promotion des entreprises labellisées auprès des consommateurs. Elles bénéficient d’un système comptable (vert) qui prend en compte dans le calcul du prix réel des biens et services vendus l’impact négatif sur le développement durable de la production de ceux-ci. Ce système, utilisé initialement comme outil de mesure pour l’attribution du label, pourrait devenir l’unique système comptable.
(…) Ce label est décerné par des Agences de notation spécialisées, cofinancées par l’État et les entreprises. (…) Le CJD est prêt à expérimenter la mesure au travers de 365 entreprises JD et de mesurer régulièrement les impacts. »
L’idée progresse aussi au sein des pouvoirs publics.
Elle constitue ainsi l’un des engagements du Grenelle de l’environnement, plus précisément l’engagement n° 202 : « Instaurer des "labels d’entreprises responsables" pour les PME, décernés à partir de l’expertise d’organismes certificateurs indépendants et accréditées sur la base de référentiels à élaborer en cohérence avec les référentiels internationaux. A cette labellisation seraient attachés des avantages, notamment fiscaux. » Le « Rapport Lebègue » du chantier opérationnel « entreprise & RSE » du Grenelle, approfondit cet engagement (voir page 35 à 41).
Autre exemple de cette avancée : début août, a été votée une loi sur la responsabilité environnementale des entreprises, désormais chargées de prévenir ou de réparer les dommages graves qu’elles pourraient causer à l’environnement (adaptation d’une directive européenne).
Je terminerai par un regret : pourquoi ces sujets sont-ils toujours absents ou marginaux dans les travaux et propositions de la gauche, dans ses partis comme dans ses lieux de réflexion (République des Idées, Terra Nova, fondation Jean Jaurès…) ?
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