A Strasbourg le PS tenté par le suicide. Portes ouvertes à la mairie
Le PS qui a vu s'opposer le maire, le sénateur Ries et son 1° adjoint Robert Herrmann, a recollé les pots cassés en vue d'une victoire très peu certaine aux municipales. Les fêlures restent très visibles.
« A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire » ? ( Cid de Corneille) Pas vrai ?
Robert Herrmann, le rebelle, en accepterait sans doute ici une version « opportunisée » du drame cornélien dans lequel il a fait son choix, en alexandrin aussi, comme : « Perdre dans l’honneur, n’est pas une défaite ». Mais...
Il sait aussi, sans doute qu’avec ce deal à quatre, ce rabibochage après dispute, il ne favorise absolument pas la victoire de Roland Ries et de ses supporters car personne ne croira jamais qu’il en fait réellement partie.
L’opinion publique encore peu alertée en dépit d’un travail remarquable de la presse locale, espère donc du neuf, de l’inédit ce qui aurait pu être le cas, au moins avec la rébellion solide de Robert et le retrait de Roland, comme prévu dans un ancien deal de 2008 que toute la presse ne cesse de rappeler : Ries ne devait faire qu'un seul mandat et s'esquiver au profit de son 1° adjoint.
Selon la rumeur, les Strasbourgeois, lassés veulent du neuf.
Ce neuf, cet inédit, le seul crédible désormais, c’est le peu chamailleur François Loos ( Centriste) qui l’incarne le mieux. L’ UMP, avec Fabienne Keller ( ex -maire) investie par Paris, - ce n’est pas du neuf - devra vraisemblablement se contenter de guerroyer contre le PS et le FN en ménageant ses attaques sur d’autres fronts plus proches. Elle ne sauvera sa place que dans une coalition équilibrée et si possible équitable, c’est un avis qui court allègrement. Des observateurs avisés avaient osé prévoir et souhaiter une finale entre Herrmann et Loos. Tout faux ! Pas d’Herrmann.
Le PS fait pitié.
Si « Les morts, les pauvres morts ont de grandes douleurs » comme le suggère Baudelaire pour une « Servante au grand cœur », Jaurès, Blum et même Mitterrand, socialistes au grand cœur et de grande vertu, plus ou moins, doivent cruellement en souffrir sous « leur humble pelouse » fût-elle au Panthéon. La joie de la réconciliation feinte dans le grand Chœur socialiste strasbourgeois doit prodigieusement les irriter.
A Strasbourg, les princes et les barons du PS, en bons démocrates, n’affrontent même pas les quelques 700 adhérents de leur parti (pour 146 000 électeurs inscrits) dont certains brûlaient de s’exprimer dans une primaire.
Silence ! On s’arrange pour leur éviter un déplacement et peut-être un grave problème de conscience. « Tout ira bien, nous tenons la place, nous nous sommes arrangés » semble leur dire le roi Ries. Ainsi il reste maire et son féal favori devient son premier adjoint ; Herrmann, le rebelle dans un premier temps, réconcilié à présent, obtient la présidence de la CUS et le statut de prince, lointainement associé ; le précédent président de la communauté M.Bigot, entrera au sénat s’il conserve sa baronnie d’Illkirch car il n’y aura pas d ‘oligarque déchu ni déçu. Parole de Ries, sénateur-maire et autres titres cumulés !
De la candidature à la candidature de M. Augé, il n’est plus question. Ce n’est qu’un postulant, aspirant-chevalier solitaire. Sait on jamais !
Très bien, sauf que reste le problème des élections, donc celui du choix des électeurs et là, même si en Alsace et à Strasbourg, on est gentil et respectueux, on n’y est pas plus « con » qu’ailleurs. Ces magouilles ou arrangements de caciques révoltent à Gauche et indisposent tout le monde en disqualifiant la politique en général.
La conjoncture économique avec ses conséquences sociales dans tout le pays, suffisait à faire vaciller le piédestal. Ce coup de tabac supplémentaire qui a soufflé sur la tête du PS local n’était pas franchement nécessaire.
Laissons cependant à Robert Herrmann la palme, certes flétrie, du combattant : il a écrit un livre remarqué pour prouver sa compétence, il a défié son maire dont la gouvernance ne lui convenait pas car il en était écarté. Puis il a cédé, on imagine sans trop d’illusions, mais en obtenant ce que, sans son coup de gueule, il n’aurait pas eu.
On sait aussi que le premier ministre M.Ayrault en personne, sonné par le député PS strasbourgeois très inquiet Armand Jung, a demandé à Roland Ries de faire un geste ( sic) vers son premier adjoint récalcitrant.
Les « Herrmannistes » qui ne veulent plus du maire sortant sont déçus surtout ceux qui, avant ce deal pitoyable, prévoyaient la défaite du sortant en plein désamour et contestation, défaite qui entrainerait dans sa chute tous ces acolytes et le PS tout entier. Fort probable ! L’obstination de Roland Ries à l’origine du grave malaise, prendra toute sa part de responsabilité dans un éventuel échec. Beaucoup de socialites n’osent plus voir l’avenir en rose.
Retour du Centre, modéré, rénové ?
C’est ce qu’attendent les uns ici et ce que redoutent les autres là .
Les extrêmes évidemment honnissent ce milieu ( in medio stat virtus) dont, de chaque côté, ils sont éloignés. Mais à Gauche comme à l’ UMP, on craint un dragage facile et prospère de terres qu’ils croyaient, les uns comme les autres, solidement acquises.
Ces deux attitudes sont justifiées et ce, particulièrement à Strasbourg et dans toute l’Alsace où l’UDF était la plus forte composante de l’UMP après une longue période de domination du MRP et de ses avatars multiples et successifs, avec Fabienne Keller dans ses rangs. Eh oui !
La sénatrice, ancien maire et candidate, intelligente à l’évidence ( polytechnicienne), courageuse, souffre cependant de quelques handicaps qui obèrent sa réélection.
Elle est une récidiviste après son échec de 2008 imputé en grande partie à sa gouvernance autoritaire et hautaine. A première vue, il n’y a pas d’exemple d’un tel retour réussi dans une grande ville de France.
Echec dû aussi à ses difficultés de cogérance de la collectivité territoriale avec son acolyte, maire délégué et président de la CUS, Robert Grossmann, gaulliste imperturbable et fin politique, sans lequel elle n’aurait jamais accédé à la tête de la commune. On parlait alors de tandem.
De plus, elle s’est montrée très très Sarkozyste- certains parlent d’un envoutement incompréhensible - ce qui ne manquera pas de faire retomber sur elle aussi les « bisbilles » de l’UMP au sommet. Elle a été investie facilement par Paris alors que les adhérents strasbourgeois réclamaient une primaire, un autre candidat crédible s’étant fait connaître. Cela peut peser, à terme.
Courageuse au demeurant, elle a voté en conscience au sénat en faveur du mariage pour tous, ce qui n’a pas eu l’heur de plaire, et de loin pas, à la totalité de son camp, qui constituerait pourtant d’emblée un fond électoral considérable. Cela peut lui valoir cependant un petit bon point auprès d’électeurs d’autres bords acquis à cette cause, les gains de voix compensant un tant soit peu les pertes. Pas sûr.
En revanche elle peut être certaine que dans toutes les configurations envisageables, elle accédera au conseil municipal soit comme opposante soit comme maire ou encore et c’est plus probable, comme alliée de luxe d’un autre prétendant, de centre - droit , précisément de là où elle vient. Il s’agit de François Loos seul candidat inédit d’un parti susceptible de l’emporter.
UDI, Udem, UDF 2, Centres alliés… ?
Gardons pour le moment le premier acronyme puisque c’est celui qui figurera sur les bulletins de vote même si Bayrou ( près de 11% des voix à la présidentielle de 2012 à Strasbourg) et le Modem viennent de rejoindre la constellation UDI.
Son champion sera l’ex-ministre et ancien député, aujourd’hui vice-président du Conseil Régional, François Loos. Encore un polytechnicien ( X –Mines) d’une modestie non feinte, sans trop de goût pour la bagarre inutile et les longs discours tonitruants et creux, ce qui fait dire à certains observateurs avides d’imagerie de marketing qu’il manque de charisme. A voir !
On ne doute nulle part de ses compétences pas plus que de son désir sincère d’œuvrer pour la ville où il est né et où il habite.
Seulement voilà : on dit que malgré toutes ses qualités, il n’est pas assez connu. Certes, s’il avait été pris dans une joute violente comme d’autres, il aurait soulevé l’ire des uns et l’admiration des autres, chez les avides de stars du ring.
Rien de tout cela. Un homme calme, serein, sourire en coin et l’œil qui pétille, n’élevant pas la voix. Il s’était clairement déclaré en premier, en ignorant forcément l’état des lieux décrit plus haut, se contentant d’affirmer qu’il se mettait immédiatement « en stage intensif », s’amusant au passage de la formule plutôt consacrée aux néophytes.
A son tour, selon sa méthode annoncée, il a dressé un état des lieux, fermement critique mais sans virulence. « Le droit d’inventaire ne doit pas être un droit de mépris, il doit être un devoir d’amélioration » et « la démocratie n’est pas une foire d’empoigne » écrit-il dans un fascicule qu’il vient de publier ( 40 pages) sous le titre « Strasbourg dans le bon sens ». Il y décline à grands traits le constat d’une situation dégradée, les attitudes de respect dans la contestation et les ambitions légitimes de Strasbourg, « l’endormie ».
Dans un deuxième temps ( fascicule 2) viendra un programme plus détaillé qui prendra en compte les vœux des Strasbourgeois qu’il s’efforce de rencontrer tout au long d’une tournée des popotes, de cycle de rencontres de quartier, de participation aux évènements de la ville, d’interviewes … Il lui reste du temps pour se faire mieux connaître, calmement, en dehors du tohu-bohu qui agite le microcosme politique en ce moment .
Antoine Spohr ( article parue également sur Médiapart)
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