ACTA : A Marseille, Les Anonymous se mobilisent !
Ce traité international, visant à lutter contre la contrefaçon et le téléchargement illégal, s’attire les foudres des Anonymous et fait douter des parlementaires européens… Au cœur du malaise : la responsabilisation des FAI et le mystère qui entoure les négociations de l’accord.
Baptisé ACTA, cet accord commercial anti-contrefaçon signé en janvier par une dizaine de pays dont l’Union Européenne, suscite de plus en plus la controverse… Si les Anonymous, ces cyberactivistes masqués sont en pointe de la contestation, certains parlementaires européens restent de plus en plus circonspects… Preuve vivante, Kader Arif. L’eurodéputé et rapporteur du dossier a démissionné à la grande surprise générale dénonçant ACTA comme « une mascarade ».
Le traité ratifié par 22 des 27 pays de l’Union Européenne « dénote une volonté des états signataires de lutter contre la contrefaçon et notamment le téléchargement illégal pour protéger le droit de la propriété intellectuelle », explique Me Alexander, avocat marseillais spécialisé dans la propriété intellectuelle.
Cet accord global s’attaque aussi bien aux sacs Gucci « made in China » qu’aux médicaments contrefaits et au partage gratuit de fichiers sur le web. Néanmoins, c’est la lutte contre le téléchargement illégal qui concentre les critiques. A Marseille, les Anonymous ont bravé la vague de froid de janvier pour s’opposer à ce « traité fourre-tout », « liberticide » et « allant à l’encontre même du principe d’internet : un espace de liberté ! ».
Protéger les œuvres de l’esprit
Pour des milliards d’internautes, l’environnement numérique est considéré comme le lieu de tous les possibles. Pourtant, « il est le reflet de notre société réelle avec des règles fouillées et très complexes. On ne peut pas laisser n’importe qui faire n’importe quoi sous prétexte que c’est internet », rappelle Me Alexander.
ACTA va-t-il alors bouleverser les règles du net ? « Non », répond l’avocat. « Ce traité réaffirme simplement des principes adoptés par la France pour protéger les œuvres de l’esprit et éviter que certaines personnes peu scrupuleuses s’enrichissent sur le dos de créateurs ! »
Mais même si les lois existent, les téléchargements gratuits, les partages en « peer to peer » ou en « direct download » se poursuivent… « Nous n’avons pas les moyens de tout contrôler », explique Me Alexander. Et puis… Le piratage d’une adresse IP est si vite arrivé, que même HADOPI ne brille pas par ses résultats !
Du coté des Anonymous, l’état d’urgence est proclamé ! Ces internautes libertaires s’élèvent d’abord contre un projet « réalisé en secret ». « C’est grâce aux fuites de WikiLeaks qu’on a eu connaissance de ce traité en discussion depuis 2008 », affirme une militante masquée.
« L’accord n’a pas été porté au sein d’une organisation internationale type OMC », comme c’est le cas habituellement. Interrogé par Le Point, un commissaire européen explique que « nous avons essayé de discuter avec l’OMC et l’EMPI mais certains membres ne voulaient pas entendre parler de ces questions ».
Outre la forme, c’est surtout le fond du traité qui dérange les cyberactivistes. « Avec Acta, si vous mettez en ligne une musique sur l’une de vos vidéos de famille, on peut vous fermer votre blog ! Cela va à l’encontre même du principe d’internet, de la diffusion et du partage de la culture », s’insurge un Anonymous.
Cette mesure « existe déjà », s’exclame Me Alexander qui rajoute : « pensez à un auteur qui a mis du temps pour réaliser une musique où un film… Il doit pouvoir vivre de son œuvre ! Et son œuvre doit aussi être protégée pour ne pas qu’elle soit dégradée ».
Pour les manifestants : « les CD ne rapportent pas beaucoup d’argent aux artistes. Ce sont les majors qui en profitent le plus. Et puis, les cinémas font toujours des records d’entrées ». « Aujourd’hui, il existe d’autres moyens pour les artistes d’obtenir de l’argent, comme la licence globale qui permet par l’intermédiaire de sociétés, de rémunérer directement les auteurs grâce à la pub sur des sites ou d’autres médias ».
« Le patron du site Megaupload était sur le point de faire cela lorsque son site a été fermé par le FBI », affirme un autre Anonymous. « Sur le point ? », voilà qui fait doucement sourire Me Alexander. « Cela ne veut rien dire (…) Il faut accepter qu’internet n’est pas un espace sans loi et une œuvre vaut bien un euro ! »
La Cour de justice européenne saisie
Le traité multilatéral va au-delà du renforcement de la législation actuelle qui lutte contre le téléchargement gratuit puisqu’il impose aux fournisseurs d’accès à internet (FAI) « un effort de coopération » en divulguant rapidement au détenteur du droit « des renseignements suffisants pour lui permettre d’identifier un abonné ». « Il existe une responsabilité indirecte des intermédiaires techniques, car une quantité énorme de contenus piratés passe par leur réseau », plaide le commissaire.
« C’est la porte ouverte à toutes les dérives ! Bientôt nos fournisseurs pourront s’introduire dans nos ordinateurs, contrôler nos données et divulguer des informations personnelles », s’inquiète la manifestante. « Il est certain que cela pose un vrai problème. Aujourd’hui un fournisseur ne peut donner des informations que sur ordre d’un juge d’instruction », rappelle Me Alexander.
Une pétition contre le traité a déjà réuni plus de 2,5 millions de signatures de citoyens européens ! Devant ce tollé, certains pays, à l’image de la Pologne ont suspendu leur ratification. Les parlementaires qui doivent à tout prix donner leur aval pour que le traité entre en vigueur, émettent de sérieux doutes quant au respect des droits fondamentaux et ont transmis le texte à la justice européenne.
Le vote du Parlement devra donc attendre la décision de la Cour de justice de l’U.E et aucune date limite n’est fixée… « Vous savez, cet accord est en discussion depuis 5 où 6 ans… Et il faudra sans doute attendre 5 ou 6 ans pour voir quelque chose de concret se réaliser. Et même bien souvent, ce genre de traité reste lettre morte », conclut l’avocat marseillais. Encore un sujet qui aura fait couler beaucoup d’encre… numérique !
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Coralie Mollaret - News of Marseille
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