Adieu Delevoye
Le Haut-Commissaire à la réforme des retraires s'en va sous les projecteurs de ses "oublis".
Acteur majeur de la réforme des retraites voulue par E. Macron, Jean-Paul Delevoye démissionne à la suite des révélations par la presse de ses nombreuses omissions dans sa déclaration d’intérêt auprès de la Haute Autorité de la Transparence de la Vie Publique.
Au passage on se demande à quoi sert cette Haute Autorité mis à part être un dépôt d’archives des déclarations rendues obligatoires par la loi. Visiblement elle n’exerce aucun contrôle sur le contenu des déclarations et leur véracité ; donc elle ne sert à rien sinon à faire illusion que les politiciens seraient tous honnêtes !
Toutefois, faut-il qu’une autorité quelconque vienne dire à un politicien blanchi sous le harnais comme JP Delevoye ce qu’il doit déclarer ? À qui peut-on faire croire que JP Delevoye, le Premier ministre et le président de la République pourraient être ignorants de la loi ? Le soutien qu’E. Macron continue d’apporter à son ancien ministre montre combien il aime naviguer dans l’à‑peu‑près réglementaire ; rappelons-nous les affaires Kholer, Benalla, Ferrand, et d’autres qu’il peine désormais à cacher et qui, un jour, terniront forcément son image de promoteur d’une « République exemplaire ». Dans le cas de JP Delevoye, E. Macron aurait pu se contenter d’enregistrer la démission et s’abstenir de tout commentaire.
On peut concevoir que cette affaire ne dissolve pas les liens de sympathie ou d’amitié qui unissent les deux hommes, mais ici il ne s’agit pas de cela. Ce dont il s’agit ici c’est de la probité d’un gouvernant, qui plus est d’un gouvernant qui proposait aux citoyens de faire des sacrifices. En outre, comment des gens qui gagnent peu d’argent, qui peinent à boucler les fins de mois peuvent-ils comprendre un tel cumul de rémunérations ?
Quant aux mandats bénévoles chacun sait qu’ils créent des liens au sein de réseau et que souvent ils amènent des cadeaux et autres avantages.
Or l’article 23 de la Constitution est clair : « Les fonctions de membre du gouvernement "sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle". » Et, depuis la loi de transparence de la vie politique de 2013 tout ministre doit déclarer ses responsabilités présentes et passées, si celles-ci sont susceptibles de présenter un risque de conflits d’intérêts et d’influencer sa prise de décisions futures. Elle oblige même à déclarer ses activités rémunérées actuelles ou exercées dans les cinq ans avant la déclaration d’intérêts. À part être au conseil d’administration d’un club de belote, il n’y a guère d’activités qui ne soient pas visées par le contenu de la loi.
Déclarer ses activités, a fortiori ses rémunérations, relève du bon sens et de l’honnêteté la plus élémentaire. À charge de la Haute Autorité de mesurer le degré d’incompatibilité entre ces activités, passées ou présentes, et la fonction attribuée. Notons que ce n’est, séparation des pouvoirs oblige, ni au Premier ministre ni au président de la République d’apprécier cette compatibilité.
Peut-on admettre les propos de Edouard Philippe qui estimait samedi « « "que la bonne foi de Jean-Paul Delevoye [était] totale". "Il a fait une erreur, il l’a corrigée, il l’a reconnue. Il ne cherche absolument pas à dissimuler quoi que ce soit" », car relevons deux choses : si la presse n’avait pas révélé les faits la magouille continuait, et qu’il ne suffit pas de rembourser pour effacer la faute. Force est ici de reconnaître qu’en 2017 François Bayrou et les deux autres ministres issues du MODEM ont fait montre de plus d’intégrité en démissionnant immédiatement dès lors que la presse avait fait état de soupçons quant à l’utilisation des « assistants parlementaires européens ». Le fait que JP Delevoye, contrairement à ce qui se fait dans les pays nordiques, n’est pas immédiatement démissionné contredit fortement les propos, sur Europe 1 lundi 16 décembre, de Jean-Baptiste Djebbari, le secrétaire d’État aux Transports, pour qui « Jean-Paul Delevoye était quelqu’un d’extrêmement responsable, extrêmement engagé pour l’intérêt général ».
L’appréciation de la valeur « responsabilité » par les membres de ce gouvernement, y compris le président de la République, est bien à la dimension de l’inculture politique, historique et sociale des membres de La République en Marche. N’a-t-on pas entendu un de ses députés pleurnicher que l’opposition et les médias instrumentalisent cet « évènement malheureux » ? La presse, une fois encore et heureusement pour la démocratie, a mis en évidence une faute commise par un homme politique ; elle n’a fait que cela et c’est son rôle. L’opposition s’est emparée de l’évènement ce qui est naturel (politiquement parlant) et si ce député avait ne serait-ce qu’une once de culture historique et politique il saurait que depuis la nuit des temps il en est ainsi et c’est heureux sinon nous serions dans une dictature. Qu’il se penche sur un livre d’histoire et il apprendra ce que fut l’affaire des décorations : « le scandale des décorations est un scandale politico-financier de trafic de décorations qui éclaboussa le président de la République Jules Grévy et le contraignit à la démission le décembre 1887. »
Comment ne pas être en colère face à l’attitude de JP Delevoye et face à la désinvolture des membres du gouvernement et des parlementaires LREM. Dans d’autre pays que le nôtre le président aurait exigé la démission du gouvernement et, peut-être, dissout l’Assemblée nationale. En France, nouveau monde oblige, on continue comme dans l’ancien à bafouer les principes démocratiques et républicains et à mépriser les citoyens.
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