Amnistie pour les automobilistes ? C’est niet
La dernière étude du ministère des Transports recense 4703 morts sur les routes en 2006. En 2002, Jacques Chirac fraîchement réélu annonçait la politique de sécurité routière comme « grand chantier national ». Dans cette lignée, la tendance des candidats à la présidentielle est donc plus à une « tolérance zéro » qu’à une clémence, même pour les infractions de stationnement. L’amnistie c’est donc niet pour la plupart d’entre eux. Pourtant, l’élection d’un nouveau président ne devrait-elle pas être l’occasion du « grand pardon », ou plus simplement de la pacification des tensions dans la société ? Un instant un peu sacré où l’on remet les compteurs à zéro ?
Le magazine Auto Plus a posé la question suivante aux candidats : Si vous étiez élu(e), proposeriez-vous une loi d’amnistie pour les automobilistes ? Les réponses sont éloquentes par leur inflexibilité : Sarkozy et Bayrou sont contre toute amnistie, le premier parce qu’il est par principe contre une amnistie, et cela vaut pour tous ceux qui contreviennent à la loi ; le second parce qu’il trouve que cette manière de présenter le nouveau chef de l’État comme un père Noël est incivique. On voit donc bien que le principe prévaut sur toute volonté d’apaisement républicain. Ségolène Royal, quant à elle, avoue ne pas se sentir prête à s’exprimer sur ce sujet et que sa réflexion se poursuivait. Face au désarroi provoqué lors de la publication de cette non-réponse, il semblerait que la phase de réflexion soit enfin mûre deux jours plus tard puisque son porte-parole Julien Dray annonce aujourd’hui qu’en ce qui concerne la question de la violence routière, il n’y aura aucune amnistie, ajoutant dans la foulée ce qui veut dire que, sur ces principes-là, on pourra élaborer un certain nombre de choses concernant le stationnement. Autrement dit, on verra plus tard pour la question des stationnements. Le clan des « pour » est celui des extrêmes : Le Pen est le plus catégorique : Le projet de loi d’amnistie doit effacer toutes les amendes, sauf en cas d’infraction ayant entraîné des blessures ou le décès, volontaires ou involontaires, d’un usager de la route ou d’un tiers. A gauche, Besancenot et Buffet sont favorables à l’amnistie pour les stationnements payants et gênants.
Il est bien évident que le nombre de morts sur les routes est insupportable. Néanmoins, le lien avec la loi d’amnistie est ténu, et la démonstration fort paternaliste. Dire que la pratique de l’amnistie incite certains usagers de la route à relâcher leur vigilance, persuadés qu’ils bénéficieront d’une mesure de clémence est un parti pris moral, plus que justifié. Et au-delà du simple domaine routier, cette intransigeance sur la loi d’amnistie masque un revirement de la pratique politique et du caractère sacré de l’élection présidentielle. En effet, la loi d’amnistie était jusqu’alors la première mesure prise par le nouveau président et, à ce titre, elle avait force de symbole (comme toute première fois) : cette mesure nous disait en substance, je sais, vous n’êtes pas parfaits, moi non plus d’ailleurs, mais à nous tous réunis, rassemblés par le pouvoir des urnes, nous allons construire une nouvelle société pleine de promesses et d’espoirs... Alors bien sûr on y croyait et ça s’appelait l’état de grâce pour le nouveau président, et pendant quelques jours voire quelques semaines les Français pensaient que tout pouvait redevenir possible. Un rêve un peu fou en somme, mais pourquoi la politique ne pourrait-elle pas faire un peu rêver ? Enfin... nos candidats semblent ignorer le pouvoir qu’ils pourraient en retirer. Ce pouvoir, c’est celui du sage face au général. L’impression qui ressort de cette minipolémique sur l’amnistie, c’est finalement un grand sentiment de déréliction. En 2007, les candidats ressemblent à des mères supérieures pète-sec qui disent non à tout, ou à des vieux généraux décatis de l’ère Khrouchtchev qui n’ont qu’un mot à la bouche : niet
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