Analyse et enseignements de l’élection législative partielle de Villeneuve-sur-Lot
En dépit de sa portée théoriquement locale et du faible nombre de l'échantillon électoral (un peu moins de 40 000), l'élection partielle de Villeneuve-sur-Lot est riche d'enseignements à plusieurs titres :
- Elle est la conséquence locale directe de la mise en lumière au plan national d'une grave affaire de fraude fiscale touchant le député local socialiste Jérôme Cahuzac. Elle informe donc sur l'impact de l'affaire sur l'électorat.
- Elle informe sur l'état de l'opinion après 1 an de vie politico-médiatique et économique dans le pays.
- Elle préfigure de manière relative les grandes tendances à venir notamment pour les municipales.
- Elle force les acteurs politiques à se positionner sur les justifications à apporter aux résultats et permet donc de mesurer les stratégies politiques.
Les résultats définitifs viennent de tomber et peuvent être comparé aux résultats d'il y a 1 an :
Élections de 2012 (Cf : 3ème circonscription)
Élections de 2013 : 1er tour et second tour.
On aboutit aux faits suivants :
Pour le 1er tour :
- On assiste à un effondrement de la participation entre 2012 et 2013 : Puisqu'on passe de près de 50 000 votants à moins de 35 000. Mais malgré cette baisse, le nombre de votes blancs et de bulletins nuls a doublé en 2013 par rapport à 2012.
- Au titre du pourcentage de votes exprimés pour les 3 grands partis (et posant le postulat d'une certaine stabilité dans les autres formations politiques) on aboutit à la comparaison suivante (la différence du nombre de suffrages rend difficile une comparaison en nombre absolus) dans l'ordre UMP / PS / FN : 2012 : 27/47/16 2013 : 29/24/26
Pour le second tour :
- La participation reste faible comparé au 2ème tour : On passe de 48 000 à 34 000.
- Le candidat UMP l'emporte avec 54% et 18 200 votants contre 46% et 15 600 votants au candidat FN alors qu'en 2012, Jérôme Cahuzac l'avait emporté avec 28 000 votants contre 17 800 à son adversaire (vainqueur aujourd'hui).
On peut analyser dans un premier temps les chiffres de la façon suivante :
- Le premier tour traduit un effondrement de la participation et du soutien en faveur du candidat socialiste. Le candidat de l'UMP, le même qu'en 2012 obtient 2% de suffrages exprimés supplémentaires en obtenant 4 000 votes de moins que lors de la première élection dans un volume de participants plus faible. Le candidat du Front National double son score relatif en obtenant 1 000 électeurs de plus.
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Au second tour, dans un volume de participation réunissant un échantillon électoral différent du fait d'une confrontation entre l'UMP et le FN. Le candidat de l'UMP obtient 400 voix de plus qu'au second tour de 2012 tandis que le candidat front national double son score absolu de 2012 au premier tour. Les électeurs ayant voté UMP se sont mobilisés un peu plus en valeur absolue et modérément plus en valeur relative si l'on pondère par la différence du nombre de suffrages exprimés par rapport au second tour de 2012.
Si on doit tirer quelques conclusions sur les chiffres par nature imparfaites je crois que l'on peut dire ceci :
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Le PS subit une lourde défaite sur cette élection. l'érosion de son électorat dans le cadre de cette élection peut s'expliquer par de multiples facteurs d'inégale importance que je classerais personnellement de la manière suivante par ordre d'importance :
- Le traumatisme de l'affaire Cahuzac est un élément substantiel mais il ne peut pas tout expliquer dans la mesure où il ne s'est pas représenté, les électeurs n'ont pu manifester leur désapprobation envers Cahuzac en sanctionnant le PS que dans une certaine mesure.
- Le contexte économique et l'ambiance politico-médiatique classique en période de crise qui conduit à taper sur le pouvoir en place joue également une part substantiel.
- La différence de charisme et de poids politique entre Jérôme Cahuzac et le candidat Bernard Barral. -
L'UMP ne recueille pas de profit politique sur cette élection locale pour plusieurs raisons encore une fois :
- L'analyse du premier tour montre une mobilisation quasi identique de l'électorat UMP en valeur relative (en termes de pourcentage de suffrages exprimés).
- La progression croisée relative et absolue au second tour dans un contexte ou il avait été appelé à faire barrage est ultra minoritaire encore plus quand on part du principe qu'au premier tour l'électorat UMP était assez homogène par rapport à 2012. -
C'est clairement le FN qui capitalise au niveau politique sur cette élection pour diverses raisons :
- Du fait de la configuration UMP contre FN, le FN n'aurait normalement pas pu engranger près de 7000 voix supplémentaire entre les 2 tours. Sauf à imaginer une sur-mobilisation d'électeurs FN cachés au second tour ou que des électeurs centristes, socialistes ou de gauche se déporter massivement pour lui pour des raisons politiques.
- La précédente affirmation gagne à être nuancée en raison des circonstances particulières d'un scrutin local ou le charisme d'un candidat peut transcender plus aisément les tendances politiques que lors d'un scrutin national.
- La jeunesse du candidat frontiste face aux vieux barons locaux contaminés par le virus de la politique politicienne est séduisante pour les électeurs.
- Enfin, l'idée d'UMPS infuse dans les esprits avec la multiplications des affaires, ce qui rend le vote FN "utile" au sens politique du terme. Le parti ayant atteint la "taille" critique pour sortir du carcan "extrême" dans lequel il était enfermé.
Conclusion générale consécutives aux réactions politiques :
- Le PS réagit de manière assez virulente pour "parler aux électeurs" en affirmant que le FN ne peut que prospérer sur la misère, que le parti a besoin de la crise et du chômage pour exister, que le gouvernement fait ce qu'il faut pour que cela change etc... Il insiste également sur le faible score du candidat UMP de manière assez "politiciennement" logique.
- L'UMP insiste sur la victoire, se gardant de remercier la gauche (sauf pour le candidat élu) pour le "barrage républicain".
- Le FN exploite le score de son candidat pour se poser encore une fois de manière plus que crédible comme une alternative à l'UMPS y compris dans une zone qui n'est pas traditionnellement très à droite.
Le parti au pouvoir dans une position défensive de justification de son action, le parti d'opposition en quête d'une capitalisation inexistante, le parti politiquement émergent qui souhaite poursuivre son renouvellement et sa "mue" pour s'affirmer comme un concurrent direct de tous les autres partis. La situation politique va être celle ci pendant un moment tant que que la confusion UMP-PS s'auto-entretiendra par une identité de comportements politiciens et de contentieux judiciaires tandis que s'estompent les différences fondamentales aux racines de chacun des partis (notamment dans l'adhésion pleine et entière à l'Europe) et que se poursuivra le contexte de crise économique.
Source : http://points-de-vue-alternatifs.over-blog.fr/analyse-et-enseignements-de-l-%C3%A9lection-l%C3%A9gislative-partielle-de-villeneuve-sur-lot
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