Analyse stratégique de la présidentielle 2007
Analyse stratégique détaillée de la présidentielle en l’état actuel, illustrée par des sondages, afin de déterminer les dynamiques en présence et leurs possibles évolutions.
Cet article a été rédigé en réponse à celui Vicnent (sic) "François Bayrou de Condorcet" afin d’élargir l’analyse à l’ensemble du champ politique. Je procèderai en analysant l’espace qu’occupent les différents courants et les interactions à leurs frontières en tenant compte de la posture des candidats qui les composent. J’essayerai de passer en revue un maximum de paramètres sans en pondérer la valeur d’impact. Ne vous attendez donc pas à trouver en conclusion le nom de votre prochain président mais plutôt la dynamique actuelle et ses possibles évolutions futures.
Tout d’abord, je voudrais revenir sur l’article de Vicnent (t’aurais pas fait une faute de frappe dans ton login, mec ?). Je partage tout à fait l’hypothèse selon laquelle Bayrou est le Condorcet du fait qu’il se trouve au point d’équilibre de la société et que Le Pen est l’anti-Condorcet du fait qu’il se situe en une extrémité. En revanche, Vicnent conclut que tout supporter de Sarkozy se doit de supporter Ségolène ; or j’estime cette conclusion réductrice car ne prenant en compte qu’un point de vue, le point de vue militant. Pour ma démonstration je m’attacherai donc à formuler pour chaque candidat deux hypothèses. L’une établie depuis un regard militant, et l’autre depuis un regard affranchi. Avant de commencer, définissons ces deux notions.
Le vote militant
Le vote militant : l’hypothèse du vote militant considère que l’électeur a déjà pris parti pour un candidat et que, donc, il souhaite plus que tout l’élection de ce candidat et de ce seul candidat. Son vote se fera donc en faveur de la configuration qui garantira au mieux l’élection de son candidat.
Le vote affranchi
Le vote affranchi : l’hypothèse du vote affranchi considère que l’électeur hésite entre plusieurs candidats ou bien qu’il n’a pas de préférence absolue pour un candidat particulier.
Nuances
La frontière qui sépare les deux cas n’est ni imperméable, ni pleinement distincte. Chaque individu peut à tout moment passer de l’un à l’autre. Le passage de l’affranchi vers le militant étant le plus courant, l’autre n’est toutefois pas à exclure.
La différence caractéristique notable entre ces deux types d’électorat est leur facilité à passer d’un à un autre (volatilité) qui est bien entendu plus grande dans le second cas que dans le premier.
Je pars donc sur la base de deux postulats qui sont :
-#Seuls les candidats à plus de 8% dans les sondages à l’heure actuelle peuvent prétendre au second tour. Sont donc concernés : Sarkozy, Royal, Bayrou et Le Pen.
-#Parmi ces candidats, Bayrou est perçu par les électeurs comme le Condorcet et Le Pen comme l’anti-Condorcet. Contexte : une extrême gauche dispersée.
Contexte :
Une extrême gauche dispersée
En pariant sur l’union, l’extrême gauche a cristallisé la dispersion. Une branche forte d’une représentation nationale de près de 15% (13,4% en 2002) sur laquelle seront probablement assis entre trois et cinq candidats dont aucun ne semble se détacher à en croire les intentions de vote. L’échec du rassemblement a été psychologiquement très difficile à accepter pour une majorité d’électeurs votant traditionnellement pour l’extrême gauche. Quelle sera alors la réaction de ce corps électoral lors des prochaines élections ?
Des écolos vulgarisés
Depuis la fracassante tentative de Nicolas Hulot d’imposer l’écologie dans le débat, les Verts ne peuvent plus se proclamer uniques défenseurs de notre planète. Certes, ils restent le premier parti à vocation environnementale (Cap21 restant un peu dans son ombre) mais les autres ont aussi étudié la question. Evidemment, elle ne reçoit pas la même attention (intention ?) de la part de tous mais désormais les positions de chacun sont connues. Peut-on donc envisager une dispersion de l’électorat « écolo » ? Si oui, au profit de qui ?
Une gauche rassemblée
S’il y a bien une chose sur laquelle Ségolène a fait ses preuves jusqu’ici, c’est sur sa faculté à rallier à elle les autres partis de gauche. PRG et MRC ; voici deux partis ayant totalisés 7,6% aux dernières présidentielles désormais présents aux côtés du PS. Les directions de ces partis n’ont pu que succomber au charme de la madone. Un charme qui par ailleurs se quantifie en nombre de circonscriptions. Cependant il faut savoir faire la part des choses entre l’ambition d’une direction et les attentes d’un électorat. Nous tenterons donc de déterminer si l’électorat de gauche est réellement homogène.
Un centre décomplexé
A force d’efforts prononcés, le centre s’est créé un espace à part entière au sein du paysage politique français. Pour preuve un sondage [1]IFOP paru fin janvier dans lequel il est dit que 53% des Français situent Bayrou au centre, 11% à gauche, 10% à droite et 22% ni à gauche ni à droite. De plus, les médias prennent de plus en plus en considération le centre dans leur discours. Comment donc cette nouvelle force émergente peut-elle s’affirmer électoralement ?
Une droite accoutumée
La guerre des chefs étant de coutume à droite, elle se voit représentée par le grand (façon de parler) empereur Sarkozy exerçant de plein droit sa supériorité et un trublion de service, Dupont-Aignan, prêt à en découdre jusqu’à la mort. Un schéma classique, sans grande surprise donc. Seulement, cette fois-ci, la droite va devoir combattre deux courants à sa gauche du fait de la rébellion centriste autrefois acquise à sa cause. Nous tenterons donc d’identifier la relation qu’entretient la droite avec son aile gauche.
Une extrême droite dépossédée
Le 21 avril 2002 sera douloureusement passé dans les esprits mais aura permis l’éveil d’une certaine conscience politique. De l’insécurité et de l’immigration, thèmes personnifiés de l’extrême droite, les autres (inquiets, convaincus, opportunistes ?) se sont emparés. Alors même si Le Pen a encore la plus grosse part, il ne peut plus prétendre au gâteau tout entier. Nous décortiquerons donc l’état du vote frontiste pour en jauger la portée.
La stratégie électorale :
Je vais commencer par balayer le paysage politique en partant des extrêmes pour repiquer au centre (là où tout va se jouer).
Vote utile et inutile
Tout d’abord intéressons-nous à la notion de vote utile. Ce terme sera régulièrement employé, c’est pourquoi nous nous attacherons à bien nous entendre sur sa définition et sur son importance présumée. Je pourrais débattre durant des heures sur la nature même du vote utile mais je vous l’épargnerai. Nous considèrerons donc le vote utile comme le remède d’urgence contre la gangrène « lepenisante ». Interrogeons-nous sur la valeur du niveau d’alerte de la menace Le Pen pour ces prochaines élections.
Le vote Le Pen est bien plus qu’un vote d’adhésion. En effet, au fil des élections et des échecs politiques à répétition, Le Pen a su emmagasiner la colère de la société jusqu’à l’incarner. Son électorat se manifeste donc sous deux formes. Une partie qui vote par adhésion à ses thèses xénophobes et l’autre qui vote par contestation envers la société. La proportion occupée par chacune n’est pas formellement établie, notamment parce que la frontière qui sépare ces deux électorats n’est pas distincte. Toutefois, on peut raisonnablement penser que le vote contestataire en représente la plus grosse part.
Le Pen canalise donc la colère populaire. Seulement, il n’a pu empêcher l’explosion du 21 avril 2002 avec les conséquences que l’on connaît et notamment la sacralisation du vote utile. Cependant plusieurs raisons me laissent penser qu’elle est excessive. Pourtant, la société semble aller toujours aussi mal. Alors pourquoi donc le vote contestataire devrait-il s’arrêter ?
Oui, le vote contestataire veut s’exprimer mais il hésite. En effet, quelles ne furent pas les bien brefs enseignements tirés du second tour Chirac-Le Pen. Chirac élu avec plus de 80% des voix, le constat est sans appel : le vote Le Pen est un vote contestataire inutile. On peut alors douter de la volonté des contestataires, quelle que soit leur colère, à reproduire ce schéma improductif, car, oui, de fait Le Pen est le candidat anti-Condorcet.
Cependant, la colère doit être évacuée car toujours présente. Cet électorat particulier (mais représentatif d’un malaise généralisé) sera donc à la recherche d’une nouvelle bombe capable de faire voler en éclat le système contesté. Actuellement, le mieux placé pour semble être Bayrou, à la différence qu’il n’est pas un candidat destructeur mais refondateur. Cependant il est difficile de certifier la capacité de Bayrou à capter l’électorat contestataire. Certains lui reprocheront d’avoir été depuis toujours dans le système puis, il est dans le fond à l’opposé de Le Pen (tolérant/sectaire, européen/nationaliste, progressiste/rétrograde...). Si Bayrou ne peut réellement nuire à Le Pen, qui le peut ? Bové ? Vraisemblablement pas plus que Bayrou.
Non, ce n’est pas tant l’électorat contestataire de Le Pen qui risque de filer ni ses fidèles de longue date, mais plutôt celui qui se trouve entre ces deux eaux. Celui qui n’en peut plus de cette société française perméable. Une société qui donnerait plus aux étrangers qu’aux Français. L’opération séduction lancée par Sarkozy à cet électorat a indéniablement portée ses fruits. Sa popularité chez les électeurs frontistes est depuis 2004 constamment au-dessus de 60% passant même parfois la barre des 70% [2] ! Le Pen pourrait alors compter sur l’absence de Mégret qui l’avait tout de même privé de 2,3% aux dernières élections, malheureusement pour lui c’est de Villiers qui jouera cette fois-ci le rôle de soupape de sécurité.
Plus encore qu’un candidat, son plus grand ennemi sera sans doute la participation. En effet, un fort taux de participation nuit catégoriquement aux extrêmes, or cette année les inscriptions sur les listes électorales ont connu une très nette augmentation notamment dans les quartiers difficiles. On voit alors mal comment cette nouvelle masse électorale pourrait profiter à Le Pen. De plus l’abstention sera très certainement faible car cette élection sera une élection majeure du fait de l’arrivée d’une nouvelle génération politique (Le Pen faisant d’ailleurs un peu tache à ce niveau) et d’un changement probable de cap.
Ajoutons à cela que le thème de l’insécurité sera moins présent, la somme de cette addition semble affaiblir considérablement le potentiel de Le Pen et c’est sans compter sa nouvelle place faite dans les médias. Certains y voient un risque, moi je crois davantage que cela lui nuira, car il glisse petit à petit dans le système, la diabolisation laissant place à la banalisation qui fait de Le Pen un candidat presque « ordinaire ».
Alors que reste-t-il à Le Pen ? En apparence plus grand-chose, mais ce serait une erreur de ne plus s’en méfier (c’est justement dans ces moments-là qu’il resurgit). Toutefois, l’argument du vote utile semble de faible portée. Puis le meilleur remède contre Le Pen, c’est de proposer de nouvelles voies pour sortir le pays de la situation dans laquelle il s’est enfermé, car le meilleur dopant de Le Pen n’est autre que l’immobilisme.
Avec ou contre moi
Gesticulateur de première, Sarkozy est par conséquent farouchement opposé à l’immobilisme. La valeur qu’il accorde à l’effort semble toucher une grande partie des Français. Depuis son intronisation officielle, il paraît intouchable dans les enquêtes d’opinion, fait la quasi-unanimité au sein des militants et n’a pas de véritable adversaire en face de lui. Dupont-Aignan parviendra peut-être à exhorter les derniers survivants gaullistes, mais certainement pas de quoi l’inquiéter. Le premier tour sera certainement pour lui une formalité et Sarkozy se positionne donc déjà pour le second en prônant l’ouverture. Erreur stratégique ?
Impossible de l’affirmer, le changement qu’il amorce pourra lui être utile pour le second tour s’il est perçu comme sincère (mais l’est-il ?). Rassembleur, Sarkozy ne l’a jamais été. Son discours est systématiquement fondé sur une opposition binaire de la société (lève-tôt/fainéant, patriote/déserteur...). Ce qui est sûr c’est qu’il ne laisse pas indifférent.
D’un autre côté, ses multiples références faites au socialisme peuvent désarçonner et trahir sa sincérité. Mais Sarkozy parie sur la fidélité que lui accorde son électorat. Une fidélité qui ne fait pas de doute en ce qui concerne l’électorat militant, mais qu’en est-il de l’électorat de droite affranchi ? Les écarts de Sarkozy dans son positionnement, combinés au fait que sa présence au second tour est quasi acquise (il recueille constamment près d’un électeur sur trois selon les sondages), pourraient pousser l’électorat affranchi à se disperser.
Deux choix sont possibles. Voter pour Dupont-Aignan histoire de donner du poids à la branche gaulliste, ou bien voter pour Bayrou pour tenter le coche et éliminer Ségolène. Car oui, ce que craignent avant tout les électeurs de droite, c’est de voir Ségolène à l’Elysée, alors que Bayrou, par sa volonté de réanimer les PME et l’Europe, est en mesure de séduire cet électorat. Finalement, ces derniers se diraient qu’un second tour Bayrou-Sarkozy écarterait tout risque de déception. Mis à part l’électorat 100% sarkozyste, les électeurs de droite auraient donc tout intérêt à voter Bayrou. Par conséquent, l’UMP se devrait alors de ne pas trop faire de critiques anti-Ségolène comme c’est le cas actuellement (bien que cela semble se calmer). A moins que l’intention ne soit de la victimiser, en tout cas, à ce stade, l’UMP en a fait suffisamment pour la décrédibiliser du moins temporairement.
La belle et la bête à moustache
Venons-en désormais à l’extrême gauche. Par rapport à 2002, rien ne semble avoir changé en apparence. Mais en réalité, un profond malaise s’est installé au sein de son électorat. La volonté commune de se réunir pour défendre les mêmes idées a été anéantie par les intérêts de partis.
C’est pourquoi je pense que l’électorat militant ne s’exprimera pas de la même manière que l’électorat affranchi de sensibilité antilibérale. Je pense que le premier soutiendra le parti d’extrême gauche auquel il adhère le plus. En effet, avec peut-être cinq candidats, les moindres dixièmes de pour cent ne seront pas de trop et le parti qui se retrouvera en tête sera aux yeux de la majorité le plus légitime pour incarner la cause antilibérale. En revanche, l’électorat affranchi excédé par ces luttes intestines risque fort de soutenir un combat plus serein. Qui peut en profiter ?
A n’en pas douter, la gauche et donc, Ségolène. D’autant plus que depuis Villepinte, cette dernière a marqué un virage clairement à gauche. Seulement, Bové (s’il est candidat) pourrait bien jouer les trouble-fête. Il est le seul représentant antilibéral à ne pas s’inscrire dans une logique partisane (quoi qu’en pense Buffet). Il est le seul véritable et digne héritier des collectifs antilibéraux. En se plaçant entre l’extrême gauche traditionnelle et la gauche, Bové joue le rôle d’éponge, un rôle qui pourrait porter un fort préjudice à Ségolène.
Car oui, l’électorat du PS demeure l’un des plus indécis de la campagne. Malgré l’unité (de façade ?) de la direction, l’électorat n’a jamais été aussi tenté d’aller voir ailleurs. Le positionnement de Ségolène n’a jamais vraiment été clair et ce qui aurait dû, à Villepinte, matérialiser définitivement l’aura latente autour de Ségolène n’a fait que cristalliser le doute dans les esprits socialistes. 100 propositions donc. 100 propositions pour relever la France. 100 propositions 100% socialistes, mais 100 propositions à caractère homéopathique. Un long discours qui a certes pu convaincre l’aile gauche du parti mais qui laisse sans voix le restant, qui s’est senti abusé. Pourtant, la parole, elle nous l’avait donnée, Ségolène. Seulement, elle n’a été que peu considérée. Les 100 propositions semblent avoir été pour la majorité piochées (au hasard ?) dans le projet socialiste.
Pourtant on la voyait se rapprocher du centre, mais la présence de Bayrou lui a certainement paru menaçante, d’où ce repli stratégique. Un repli qui aurait bien servi Jospin en 2002, ça, Ségolène ne l’a pas oublié, mais aujourd’hui la donne est différente. Si Jospin n’a pas atteint le second tour, c’est en partie parce que son électorat a été capté par d’autres partis de gauche. Ségolène ayant rassemblé, quel est l’intérêt de s’affirmer plus à gauche que nécessaire ? A sa gauche, il n’y a que l’extrême gauche... Un transfuge de l’électorat de l’extrême gauche vers la gauche est a priori envisageable étant donné la situation sinistrée des premiers. Sauf si Bové parvient à se présenter, car cela mettra en place une zone tampon entre elle et eux. Or à sa droite, de zone tampon, il n’y en a pas ! La position de Ségolène laisse donc le champ libre à Bayrou et le centre-gauche du PS se sent tenté.
Toutefois, il n’y a pas que le positionnement qui compte. Le projet et la crédibilité sont deux facteurs déterminants dans le choix des électeurs. Or on ne peut pas vraiment dire que Ségolène fasse l’unanimité sur ces deux points. Les 100 propositions (heureusement qu’ils n’ont pas eu l’idée de trop au PS, sinon ça ne faisait plus un compte rond) manquent de cohésion et aucun projet de société ne semble se dégager. L’autre perfectibilité touche au discours de Ségolène peu cohérent. Il est très honorable de commencer par aborder le problème de la dette, mais ça en devient vide de sens, s’il n’est pas pris en compte. Puis, Ségolène navigue en eaux troubles accumulant les revirements, ce qui affecte sa crédibilité.
L’autre considération majeure dont il faut tenir compte est l’ancrage de Ségolène dans le cercle politique. Personne ne pourra contester qu’elle est née des sondages. Elle n’aurait sans doute jamais été désignée candidate si elle n’avait pas en son temps une cote de popularité aussi forte dans l’opinion et, on le sait, ce qui nous fait peut aussi nous défaire. Or depuis mi-janvier, sa cote s’effrite. Une perte de 7 points l’amenant aux alentours de 25% d’intentions de vote. Depuis cette tendance continuellement à la baisse, Ségolène n’arrive plus à passer, à l’emporter au second tour face à Sarkozy, pire, l’écart s’est dernièrement considérablement creusé [3](46%-54%). Si la tendance se confirme dans les prochaines semaines, le « TSS » (Tout sauf Sarko) semblera ne plus pouvoir passer par Ségolène. Un fait qui pourrait bien provoquer un effet boule de neige, notamment sur l’électorat de gauche affranchi, qui déjà n’est retenu par aucune barrière et qui n’hésitera donc pas à voir ailleurs, si Ségolène se révélait être dans l’incapacité de battre Sarkozy. En proie au doute, l’électorat militant sera-t-il prêt lui aussi à franchir le pas ?
Le vote utile est brandi bien haut par Hollande qui affirme que Le Pen est le seul troisième homme possible. L’électorat sera-t-il dupe de la méthode Coué ? Je vois donc mal par quels leviers Ségolène pourrait se relever. A moins que... Ecolo un jour, écolo toujours : grâce à Hulot et à son pacte, l’écologie est devenue politiquement tendance. Une mouvance dont Ségolène semble vouloir s’emparer. En effet, elle a toujours affirmé sa volonté de faire de l’écologie l’une de ses priorités. Le problème est qu’Hulot s’est déjà retiré mais les 10% d’intentions de vote dont il était crédité semble s’être évaporés comme du CO2 dans l’atmosphère... En effet, le report de ces voix ne semble pas bénéficier à tel ou tel candidat [4]. Pire, même les écolos restent au ras des pâquerettes. A croire que le score d’Hulot n’était dû qu’à un savant dosage médiatique.
Le centre maître
Stratégiquement Bayrou a donc une carte à jouer. Positionné au centre, entouré d’une gauche inquiète et d’une droite tentée, Bayrou a théoriquement toutes les cartes en main pour créer la surprise. Soutenu à plus de 90% par l’électorat militant malgré les désertions de quelques barons, il n’a plus qu’à tirer sur les deux fronts afin de rejoindre les deux bouts. Une position certes non évidente mais facilitée par l’instabilité de Ségolène et par l’inaptitude de Sarkozy à fédérer au-delà des clivages de droite. L’absence totale de zone tampon sur sa gauche jouera en sa faveur. Par contre, à droite, il est à craindre que Dupont-Aignan puisse occuper une zone tampon entre lui et l’UMP. Ce dernier pourrait pourtant être situé davantage entre Sarkozy et de Villiers du fait de sa position européenne, mais en dehors de ce point il est en accord avec Bayrou sur tous les sujets et devient donc un danger potentiel pour lui. Le « TSS » à l’esprit de chaque côté jouera certainement un rôle.
Bayrou adopte une posture unique. Un choix à double tranchant qui semble trouver un écho positif [5], (71% des sondés sont favorables à un gouvernement d’union nationale comme le propose Bayrou) vers un électorat qui aspire au changement. Bien que la situation puisse encore beaucoup évoluer, il reste à faire et, comme le montrent les sondages des précédentes présidentielles, le début du mois de mars sera très certainement révélateur.
Une chose est sûre, il peut incarner la surprise. En revanche, je pense qu’il ne devra pas se contenter de grignoter d’un bord et de l’autre. Son succès résidera dans sa faculté à capter ceux qui ne se sentent ni à gauche, ni à droite, ceux qui bien souvent s’abstiennent ou votent blanc, voire protestataire. C’est la base de l’électorat français, c’est l’électorat centriste affranchi. Un électorat encore muet car n’ayant jamais pu vraiment s’exprimer. Pour cela, il doit attirer son attention en suscitant chez ce dernier un nouvel intérêt pour la politique. Pour cela, il faudra hausser le niveau de la campagne car l’intérêt est latent (notamment chez les jeunes [6] et ne demande qu’à être reconnu pour ce qu’il est.
Les autres candidats s’embarqueront dans cette voie mais seul Bayrou, par sa volonté de faire de la politique autrement en s’affranchissant des clivages, semble doté d’une certaine crédibilité.
Et les autres ?
Oui, les autres, les petits candidats comme on les appelle. Quel rôle ont-il à jouer ? Difficile de le déterminer. Déjà, combien seront-ils ? Aucune idée. La seule variable sur laquelle ils peuvent réellement influer est le réservoir d’indécis. Une branche semble-t-il davantage convoitable par Bayrou, d’autant plus que ces électeurs sont souvent des centristes qui s’ignorent faute d’avoir pu être représentés dans le passé par manque de visibilité.
Les cartes déjà distribuées ?
Je ne peux donc pas avancer plus de certitudes que les faits déjà évoqués. Malheureusement, la banque d’enquêtes d’opinion à ma disposition n’est pas suffisamment pertinente pour une évaluation poussée de l’impact cumulé de l’ensemble des hypothèses émises.
Excepté en cas de retournement majeur, mon sentiment est que la dynamique actuelle va se poursuivre. C’est-à-dire que la cote de Ségolène va continuer à s’effriter et celle de Bayrou à grignoter. Pour imager cette hypothèse, on peut se baser sur le potentiel électoral des candidats [7] qui montre très clairement que Bayrou a un plus fort potentiel électoral que celui de Ségolène et que la dynamique se poursuit dans ce sens (Bayrou : 59% (+14), Ségolène 56% (-6)). Tous les voyants sont donc au rouge pour Ségolène et au vert pour Bayrou. Tandis que, de son côté, Sarkozy va très probablement baisser sans pour autant être menacé, d’où un possible report d’une partie de son électorat sur Bayrou. On comprend bien alors que la dynamique entamée par Bayrou risque fort d’être décuplée par différents effets de levier. La question est de savoir si cette dernière sera en fin de compte assez puissante ? Le TSSES (Tout sauf Ségo et Sarko) pouvant d’ailleurs aider à l’augmenter encore plus puisque Bayrou est le Condorcet.
Quant à Le Pen, je le vois en quatrième position mais assez en retrait du trio de tête, le vote utile est donc pour moi un argument fallacieux mais il n’est pas à exclure que l’électorat populaire tombe dans le panneau, ce qui offrirait un second souffle à Ségolène (et si ce n’est pas le cas, elle se consolera sur Second Life). En tout cas, ça donne matière à réfléchir sur le fossé séparant les intérêts partisans des intérêts populaires.
Il convient toutefois de relativiser tous ces sondages et analyses, car n’oublions pas que le résultat d’une élection n’est pas que question de stratégie et de posture. Il est aussi, et surtout, la conséquence d’une synergie, même plus, d’une alchimie entre un peuple et un homme ou une femme. Un homme ou une femme qui le représentera pour cinq années.
[1] http://www.ifop.com/europe/sondages/opinionf/candidaturebayrou.asp)
[2] http://www.la-croix.com/article/index.jsp ?docId=2258964&rubId=4076
[3] http://www.ifop2007.fr/cms/intentiondevote/PM-PRESI7-0207.html
[4] http://www.ipsos.fr/canalipsos/articles/2035.asp
[5] http://www.orange.fr/bin/frame.cgi ?url=http%3A//presidentielle.actu.orange.fr/
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