Avis de grand frais sur le conseil régional de Poitou-Charentes
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH246/medium_sgolne_royal-632b0.jpg)
Nous, Picto-Charentais, nous le savions : les relations entre
Ségolène Royale, présidente de région, et Jean-François Fountaine, premier vice-président en charge des finances, ont toujours été tendues. Il
s’agit, certes, de deux fortes personnalités.
D’un côté Ségolène Royal, qu’on ne présente plus, et à qui ce n’est pas
faire offense que de dire que la souplesse de caractère n’est pas sa qualité première.
De l’autre, Jean-François Fountaine, peu connu politiquement hors de la région, mais d’une renommé internationale dans un autre
domaine : le nautisme.
Cet ancien coureur, sélectionné pour les Jeux olympiques en 470 est le
PDG des chantiers Fountaine Pajot, premier constructeur mondial de
catamarans de plaisance. Il fut également président de la Fédération
des industries nautiques. Autant dire une figure incontournable d’un
milieu dont la capitale est La Rochelle, où tout le monde connaît et
apprécie ce fin régatier, toujours accessible et attentif.
Au-delà d’une vie professionnelle et sportive bien remplie, Jean-François Fountaine s’est engagé en politique depuis de nombreuses
années, d’abord sur La Rochelle et sa communauté d’agglomérations, puis
il a usé son ciré sur les bancs de l’opposition à J.P. Raffarin, ce qui
forge le caractère.
Deux personnalités fortes donc, du même bord politique, mais de courants différents.
Lors de la campagne présidentielle, le magazine Marianne avait ainsi pu
dresser, dans une "brève", un portrait de Jean-François Fountaine
intitulé : "Fountaine, le meilleur ennemi de Ségolène".
Pour autant, les divergences entre la présidente de région et ce proche
de Lionel Jospin semblaient s’être estompées. Certains y voyaient un
résultat positif de la volonté de "démocratie participative", un
fonctionnement cher à Ségolène Royal, basé sur un processus
décisionnaire consécutif à une écoute élargie. Las, il semble que ce
principe, mis en application dans la région Poitou-Charentes, le soit
beaucoup moins au sein du conseil régional...
Lundi dernier, lors d’une séance exceptionnelle du conseil régional, un clash violent sur la forme comme sur le fond s’est produit, faisant ressurgir l’image cassante et individualiste que Ségolène Royal s’attache pourtant à gommer dans sa course à la tête du PS.
Un désaccord de fond opposait les protagonistes depuis le mois de
décembre. Jean-François Fountaine souhaitait augmenter les impôts pour "éviter d’endetter la collectivité". Il avait, de son expérience
d’opposant à J.P. Raffarin, le souvenir que celui-ci avait creusé un
gouffre dans les finances régionales en recourant massivement à
l’emprunt pour boucler des budgets mis à mal par des dépenses
discutables.
Seulement Ségolène Royal s’y est opposée "pour ne pas aggraver les
difficultés de nos concitoyens face au pouvoir d’achat". De même
qu’elle a refusé la levée de la TIPP afin de se donner des ressources
nouvelles. Le regard des médias sur une présidente de région qui
souhaite une destinée nationale, n’est sans doute pas étranger à des
choix économiques moins impopulaires que l’augmentation d’une fiscalité
par ailleurs très raisonnable en Poitou-Charentes...
Une différence d’appréciation que J.F. Fountaine pensait réglée, à partir du moment où il avait voté le budget...
Quelle ne fut pas sa surprise lors de la réunion extraordinaire du 27 janvier de se voir privé de parole !
Alors qu’elle ouvre les débats par le vote du budget, Jean-François
Fountaine, ainsi qu’un élu de l’opposition, demandent la parole. Accordée au second, mais pas au premier ! Du moins différée à l’issue du
vote, explique Ségolène Royal, la présidente. "Je demande la parole maintenant", se récrie Fountaine. "C’est moi qui donne la parole", rétorque-t-elle cassante, ajoutant : "Vous ne me déstabilisez pas."
Le ton monte, les huées aussi, à écouter le reportage de Vincent Hulin pour France Bleu Poitou.
"Si la privation de parole fait partie de vos prérogatives... Je ne peux pas rester. Je demande la parole",
insiste l’élu. Comme la présidente ignore ses requêtes, le premier-vice
président chargé du budget sort alors de l’enceinte, non sans avoir
lâché auparavant : "C’est une parodie absolue du fonctionnement démocratique d’une assemblée."
Une grande partie des élus, de plusieurs tendances politiques, a
accompagné Jean-François Fountaine qui a quitté la séance et improvisé
une conférence de presse devant le conseil régional. Jusqu’à présent président délégué de la commission des finances, du plan et de la
synthèse, Jean-François Fountaine a été déchargé du budget, au profit
de l’ancien préfet de région Bernard Grasset, maire et candidat à sa
succession à Rochefort (17)...
Il était pourtant à prévoir que le premier vice-président du conseil
régional de Poitou-Charentes ne "se laisserait pas faire" sans mot dire. En
bon marin, il ne redoute pas le gros temps...
Dans le journal Sud-Ouest, Ségolène Royal a justifié sa décision au nom "de la cohérence dans le pilotage de la région" et qualifié l’incident
de tempête dans un verre d’eau.
Il n’en reste pas moins que la candidate à la direction du PS a sans
doute intérêt à mettre justement de l’eau dans son vin et à recoller
les morceaux. Ne pas écouter son premier vice-président et, pire, ne pas
lui donner la parole ne paraît pas réellement en adéquation avec le
discours maintes fois assené sur la "démocratie participative".
De même, le secrétariat national du PS nécessite d’autres compétences
que le règlement autoritaire des conflits. il est important qu’elle
apprenne à louvoyer plutôt que bout au vent. Parole de matelot...
Et c’est en temps que militant socialiste que j’engage notre
camarade Ségolène à démontrer sa capacité à nous rassembler en faisant
en sorte de déjà rassembler son conseil régional autour d’elle. En ne
faisant pas l’erreur d’écarter ceux qui ont toujours œuvré, tant dans
l’opposition qu’au pouvoir, pour le développement de la région, sans avoir jamais été guidés par une ambition nationale.
C’est suffisamment rare pour être précieux !
Même sur un bateau, si le capitaine est seul maître à bord, c’est quand même l’équipage qui manœuvre...
Alain Renaldini
43 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON