Barack Obama vu par la presse d’extrême droite
Alors que la planète entière célébrait la victoire de Barack Obama le mois passé (voir ici), j’ai voulu aller faire un tour du côté de la presse d’extrême droite française pour voir comment cette élection avait été reçue. Je me suis tourné vers les trois journaux qui font référence en la matière depuis la fin de l’ère National Hebdo, c’est à dire : Rivarol, Le Choc du Mois et bien sûr Minute. J’ai essentiellement parcouru les articles publiés en novembre par ces trois revues, même si je suis parfois allé piocher dans quelques autres articles des mois précédents.

Trois conclusions. La presse d’extrême droite française n’a pas « voté » pour Barack Obama ; ce n’est pas important d’avoir élu un noir président des Etats-Unis mais ce qui est dommageable c’est qu’il soit musulman ; son élection n’est en rien un événement.
Les trois journaux font preuve d’une certaine unité dans le traitement d’une certaine élection. Tout d’abord, ce n’est pas un événement de premier plan. Ils consacreront chacun au maximum une « une » au sujet, avec des articles moins étayés que ceux traitant de la carrière de Dieudonné (que l’on appelle volontiers « Dieudo ») ou de l’avenir du F.N.. On affiche un certain soutien à la candidature de Sarah Palin qui a été « honteusement lynchée » par les médias et surtout on n’aime pas, mais alors pas du tout, l’admiration que suscite Barack Obama dans la presse mondiale. Un journaliste de Rivarol pense d’ailleurs que « quiconque ne bée pas d’admiration devant Obama [sera considéré comme] raciste ». Il est vu comme une pure création des médias, « le produit de l’année, secteur grande distribution ».
Dans les quelques caricatures qui lui sont accordées (à côté d’une caricature d’un immigré qui apprend le français en commençant par les mots Allocs, sécu, chôm du, CMU, RSA [sic]) on le voit représenté en pantin manipulé par les lobbies. On le présente comme un « fumeur de hash » qui fait « honneur à la pègre », pire encore il est ça et là qualifié de Marxiste, de Trotskiste ou de Maoïste… Dans les colonnes de Minutes on affirme déjà qu’il va se planter sur tous les grands sujets et que la déception ne va pas tarder à se faire sentir.
Les trois journaux se voient aussi obligé de commenter la couleur du candidat (comme beaucoup de journaux par ailleurs). Elle n’est pas toujours traitée frontalement, parfois les journalistes préfèrent un biais détourné comme les jeux de mots. C’est notamment le cas de Pierre Villedary dans Le Choc du Mois dont l’article intitulé « Quand l’Obamania altère la raison ; un loup déguisé en agneau » est paru avant l’annonce de la victoire d’Obama. Pour annoncer le suspens du résultat il utilise l’expression « Roulez tambours, résonnez gospels », une manière déguisée de renvoyer à la couleur du candidat. C’est aussi le cas d’articles parus dans les autres journaux où l’on retrouve par exemple l’idée que l’Amérique est tombée dans « le pot au noir (économiquement bien sûr) » ou quand on ironise sur le nom de la Maison Blanche que d’aucun voudrait renommer la « maison noire » et que François Couteil propose de renommer la Maison du Café. Un humour que chacun appréciera. Il n’est pas rare de trouver aussi de l’ironie autour de la couleur du candidat. Dans l’article que nous citions auparavant l’auteur utilise à trois reprises l’expression « noir (ou métis) » mais aussi le terme de « demi-noir » raillant ainsi les commentaires que l’on peut lire dans le reste de la presse. Minute renchérit en écrivant : « Il possède une particularité physique épatante : il est noir. ». Pour les journalistes de ces trois rédactions (qui sont parfois les mêmes d’un journal à l’autre) il s’agit d’une « négritude très politique » Pour Jean Sageret du Choc du Mois les conseillers de Barack Obama le rendent plus ou moins noirs selon les circonstances… Après avoir ajouté un jeu de mot à la liste - « Soyons clairs (pardon) » - le journaliste conclut que « sa couleur n’est pas un héritage mais un calcul politique ».
En fait, ce que les journalistes entendent surtout dénoncer c’est que Barack Obama n’est pas le chrétien qu’il prétend être. Le premier procédé employé est d’utiliser (presque) systématiquement le second prénom de Barack Obama que l’on écrit Hussein ou Husseyn selon les journalistes. Ces derniers n’oublient pas de noter qu’Hussein rappelle l’ex-dictateur irakien aussi surement qu’Obama rappelle Osama (Bin Laden). Dans une enquête parue en février dans Le choc du mois intitulée « Quand Obama rime avec Allah » les journalistes notent que le père de Barack était un polygame musulman (il était marié à une autre femme quand il a mis au monde le futur président !), que Barack Hussein a étudié dans une medresa,… Ils vont même jusqu’à retrouver un de ses camarades d’écoles qui affirme avoir vu le nouveau président américain dans une mosquée… Dans Rivarol, on le qualifie de « frotté d’Islam » et de « mutant emblématique du village planétaire », pour insister un peu davantage il est même nommé Obamessiah (de messiah le messie). Le journaliste conclut son article en affirmant qu’Obama préfèrerait surement porter serment sur le Coran que sur la Bible et finit son article par ces mots : « Pour tous ceux qui croient en lui dont nous ne sommes pas, souhaitons que « God Bless Obama » ou plutôt qu’Allah protège Obama. » Ironie du sort quelques mois plus tard, le même journaliste critiquera Obama pour être « A la botte des lobbies israéliens », on n’est pas à une contradiction près…
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