Basses-eaux
Une société à pieds secs.
L'actualité ne me donne pas l'envie d'écrire sur le triste spectacle qui se donne à nous sans que rien ne change vraiment, sans que les tricheurs, les menteurs, les prévaricateurs et autres fraudeurs aient un jour la plus petite sanction. Il faut se faire à l'idée d'un monde à plusieurs vitesses, d'une société de l'iniquité systématique, de l'injustice élevée en principe de base.
J'ai le moral en berne et mes convictions ne se satisfont guère de cette inéluctable dégradation éthique de tous nos systèmes sociaux. La vie publique, les institutions, la justice, l'école, la santé, les médias et tant de choses encore sombrent dans un affairisme abject, une forme de pensée qui rabaisse tout à une simple valeur marchande. L'humain est désormais mis en équation, quantifié, évalué, mesuré à l'aune d'un système qui se moque des hommes, qui se moque de l'avenir.
Le débat sur les retraites va encore nous leurrer. Le seul but de la manœuvre est d'appauvrir un peu plus encore la grande majorité des gens pour que quelques-uns continuent de vivre bien au dessus de ce qui pourrait sembler raisonnable. Les écarts sont désormais astronomiques entre les nantis et le commun des mortels. Plus rien ne semble arrêter ce grand écart délirant.
On pourrait croire que nos modestes existences échappent alors à cette injustice extravagante, que les sommes faramineuses dont nous entendons parler ici ou là, ne sont que des exemples à la marge d'une sphère qui ne sera jamais la nôtre. Pourtant, quand nous regardons autour de nous, nous nous rendons compte qu'au quotidien, les mêmes iniquités se font jour, dans des proportions certes moindres mais qui n'en demeurent pas moins sources de frustration et de colère.
Pire même, dans les bouches des privilégiés, les notions d'égalité et de justice sont désormais devenues des gros mots, des concepts ringards, des expressions d'un mode de pensée qui ne peut plus expliquer la société. Ces belles idées ont été boutées hors de la sphère conceptuelle de ces tenants d'un pragmatisme tous azimuts, d'une régulation par le marché et de je ne sais quelle autre idée creuse et vide d'humanité et de sens.
Il faut pourtant nous habituer à ne plus être que des variables d'ajustement, des pions qu'on déplace ou qu'on jette au gré des restructurations en tous genres, des refondations ou des rénovations qui ne sont à chaque fois que des reculs de plus en plus violents de notre pouvoir d'achat, de notre modèle social, de notre idéal républicain.
Des êtres dénués d'empathie gouvernent des hommes comme des entités abstraites. Ils mettent en équation des vies, des espérances ou des désirs. Ils anéantissent des années entières de labeur d'un trait de plume, ils déplacent des entreprises, cassent les outils de travail, condamnent bientôt au travail jusqu'à ce que la mort survienne, des populations entières de salariés qui ne sont plus que des esclaves des temps modernes.
Cette nouvelle inhumanité s'appuie sur une casse systématique de l'école, d'un affadissement honteux des médias devenus de simples objets d'abrutissement collectif, d'un conditionnement savamment orchestré pour faire de chacun de nous des bêtes à consommer, des voraces de la dépense inutile. Nous sommes réduits à une sous-humanité tournée exclusivement vers la seule satisfaction des gourmandises consuméristes.
Pourtant, au train où vont les choses, ils finiront par se tirer une balle dans le pied. À force de nous ponctionner, de nous racketter, de nous imposer, de nous mettre au chômage, de nous verbaliser, de nous taxer, de nous baisser nos salaires, de nous priver de ressources, ils finiront tôt ou tard par tarir leurs propres revenus. Ils ne pourront plus s'enrichir quand ils auront fait de nous des miséreux, des mendiants, des indigents.
Les basses eaux actuelles vont un jour refluer. Il n'est pas possible de continuer ainsi sur un modèle économique qui vise désormais à enrichir une toute petite minorité en appauvrissant l'ensemble de la population. Le risque est grand d'un cataclysme. Il est grand temps de leur signifier que nous ne pouvons plus accepter un système démoniaque fondé sur l'injustice et l'exploitation. Le discours des économistes et des banquiers, des spéculateurs et des valets des grands groupes industriels ne peut plus être audibles. Nous sommes désormais sourds à toute démonstration fallacieuse qui se fonde sur la théorie abjecte de l'effort permanent et de la privation systématique pour les plus nombreux.
Insupportablement leur.
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