Bayrou au centre des centristes. Le MoDem requinqué grâce à Sarkozy ?
Les positions politiques anti-bipartistes du François Bayrou de 2007 sont-elles encore partagées par ceux qui ont quitté, lâché, abandonné, renié et même combattu, leur leader ?
Puis voilà un autre homme qui, sans le dire, vient s’ajouter à la liste des porteurs d’alternative « ni gauche ni droite » ou plutôt « les deux à la fois », avec République Solidaire : Dominique de Villepin ne se démarque pas ostensiblement des thèses des autres ce qui lui vaut des mises en garde de ses amis, surtout quand il sont récemment entrés au gouvernement.
Sur ce large éventail des candidats potentiels d’un Centre encore introuvable, lequel, à terme, sera capable d’émerger ? Si tant est qu’il y ait un seul centriste patenté.
Une mosaïque floue.
Pour le moment rien n’est prévisible, surtout quand on sait que les positions des deux partis dominants sont fluctuantes, incertaines. Les éditorialistes les plus chevronnés s’y perdent en conjectures gratuites feignant souvent d’avoir des « tuyaux » préférentiels.
Mais il n’est pas interdit au citoyen de réfléchir à haute voix (ici) et de tenter de faire le point dans la conjoncture.
Hervé Morin doublement renégat ou de retour à la case départ ?
Reconduit à la tête du Nouveau Centre (NC) à 93,4%, le Ministre de la Défense a obtenu implicitement un adoubement de ce parti et ne se dérobe pas : il « assumera ses responsabilités » en 2012 et les positions extrêmement délicates qu’elles impliquent vis à vis de l’Elysée. Nicolas Sarkozy pourrait bien lui lancer le fameux « qui t’as fait prince ou baron ? », parodiant Philippe Seguin qui l’avait envoyé sans retenue à Edouard Balladur, lui reprochant jadis de se présenter contre Jacques Chirac, « l’ami de trente ans ». Qui, est–on tenté d’ajouter, a permis par des désistements favorables, l’élection des députés centristes ralliés à la majorité présidentielle ? Il n’y avait pas de bannière NC aux élections législatives et pour cause…
Plus tard, dans les autres consultations, celle-ci est apparue sur les scrutins de listes mêlées aux UMP, Gauche Moderne, Radicaux et « civils », comme il est convenu d’appeler les non-encartés. Comment dans ces conditions peut on faire des comptes arithmétiquement ? Impossible. Et même, où classer Jean-Christophe Lagarde, élu sous l’étiquette MoDem et immédiatement rallié à la majorité via le NC ? Bizarre !
Au moins les scores modestes du MoDem ont-ils le mérite d’être clairs. C’est pourquoi ils mériteraient une analyse plus fine.
Comme le rappelle de Villepin, l’élection présidentielle est la rencontre d’une femme ou d’un homme avec le peuple. En d’autres termes, les futurs candidats crédibles devront d’abord concilier « pédigrée » et CV politiques avec un programme porteur d’avenir raisonnable, mais surtout jouir d’un charisme hors du commun si toutefois aucun événement exceptionnel ne vient susciter le recours à un homme « providentiel ».
Enfin, en tout état de cause, en dépit de son ambition, Hervé Morin ne remplit aucune de ces conditions. Les réactions des aficionados et autres seconds couteaux du Président qui fourbissent leurs armes ne se feront pas tendres. Ils seront d’autant plus féroces que la candidature de son ministre (pour combien de temps encore ?) n’entre pas du tout dans la stratégie de l’Elysée.
Jean-Louis Borloo, le bien-aimé ?
On sait que le Président aime bien ce ministre d’Etat populaire et estimé par une grande partie des Français, particulièrement des « indécis » du centre mou. Jean-Louis Borloo est sans doute un personnage protéiforme, capable de susciter beaucoup d’intérêts dans des directions diverses : il fut apparenté UDF, il est président du Parti Radical et conjointement vice-président de l’UMP.
Avocat recherché, professeur et homme d’affaires comblé (il est 4 fois licencié - droit, philosophie, histoire et sciences économiques -), il n’est pas péremptoire, plutôt jovial avec un zeste de gouaille qui n’est pas fait pour déplaire. Les humoristes le brocardent parfois gentiment pour un supposé petit penchant pour la « dive » mais cette accusation, due sans doute à l’interprétation d’une élocution particulière, ne nuit pas forcément quand il ne s’agit que d’un péché mignon, d’ailleurs invérifiable.
C’est dire qu’il ferait bien l’affaire pour attirer, au premier tour, un électorat de droite déçu du sarkozisme, une partie du centre droit déçu du bayrouisme et des écologistes déçus par la gauche. Mission : créer un réservoir de voix de déçus qui, en désespoir de cause, reviendraient au deuxième tour à la droite, donc à Sarkozy.
Même si c’est « un type bien », J-L Boloo aura toutefois du mal à apparaître sérieusement comme un représentant de l’« alternative centriste ».
Les « outsiders ».
On a évoqué aussi le retour de Gilles de Robien. L’élégant comte, bientôt septuagénaire, a été battu aux élections municipales d’Amiens en 2008, alors qu’il avait renoncé aux législatives de l’année précédente, précisément pour ne se consacrer qu’à sa ville. En maigre compensation, il est resté le représentant permanent du gouvernement français à l’OIT (Organisation Internationale du Travail de l’ONU). Il doit s’y morfondre et rêve de jouer un rôle de premier plan dans la réorganisation du Centre dont il a été le seul représentant au gouvernement en 2005. Partagé entre son parti (l’UDF) et sa fidélité à Jacques Chirac, il n’en prend pas moins parti en 2007 pour François Bayrou, « seul candidat UDF légitime » à ses yeux. Il se rallie néanmoins en dernier au candidat Sarkozy, n’appréciant pas le caractère d’électron libre de son ami béarnais. Reviendra-t-il au bercail ou plutôt dans l’écurie de départ ?
On évoque aussi le sénateur Jean Arthuis, expert-comptable de formation et ex-collaborateur de François Bayrou pour l’élaboration du programme économique de ce dernier dont il s’est affranchi par la suite pour créer « Alliance centriste ». Président de ce nouveau parti, cet expert en économie n’est pas connu du grand public et n’aura guère l’opportunité dans les prochains mois d’apparaître sur le devant de la scène. Retour à l’écurie Bayrou ?
Bayrou se « représidentalise » avec l’aide de Sarkozy.
Il y a quelque chose d’étrange dans cette tête de mule de Béarnais. Résolu, obstiné, difficile à décourager, il n’a jamais jeté l’éponge.
Curieusement, les médias n’ont jamais lâché le troisième homme des élections présidentielles de 2007, le sollicitant plus souvent que sa situation politique ne le réclamerait par souci d’équité. Pourtant le MoDem a peu d’élus et ce à tous les niveaux ; après nombre de ses leaders, il a perdu un grand nombre de ses adhérents ; les dissensions internes perdurent dans des querelles de personnes ; la pratique ouvertement démocratique y est récusée dans de nombreuses fédérations qui voient fuir des membres dirigeants ; les échecs électoraux y sont mortifères ; la main tendue pour une ouverture vers la gauche a échoué ; l’esprit de Seignosse ne souffle plus que sur les plus tenaces… et voilà son président qui parvient encore à se tenir à la une, cette fois grâce à Nicolas Sarkozy avec lequel il est « en désaccord parfois violent… mais ce n’est pas la guerre civile ». François Bayrou prétend « ne pas changer de ligne ». Il persiste et signe à nouveau le réquisitoire développé dans son livre « Abus de pouvoir » et revendique la clarté et la justesse de ses analyses exprimées il y a trois ans.
Mais, fidèle au principe fondamental par essence de son parti, il approuve aussi des réformes programmées sur les retraites si elles sont raisonnables « après une réflexion collaboratrice » (l’âge de 62 ans n’est pas un tabou), la loi sur la burqa à condition qu’elle se contente d’exiger simplement « que nul ne dissimule son visage dans l’espace public »et d’autres sujets plus techniques.
En récompense de cette attitude d’opposition constructrice ou par pure stratégie électorale, Nicolas Sarkozy lui a offert une formidable fenêtre médiatique (80 journalistes), mardi, lors de l’inauguration à Bordes dans le fief du député Bayrou de la nouvelle usine Turboméca, la plus importante au monde pour la fabrication de turbines d’hélicoptères. Quasiment courtisé, « dragué » comme titre Libération par un « Allez, viens » du Président, ce dernier a réussi à se mettre en vedette parfois au détriment de Alain Rousset, président (PS) de la Région Aquitaine.
Alors, compères, les deux hommes ? Non, mais…voudrait-on croire.
Bayrou campe fermement sur son exigence d’indépendance absolue, mais considère sans doute comme Sarkozy que « tendre la main n’est pas preuve de faiblesse mais une force » et « qu’il ne faut tirer aucune conclusion définitive sur la présence du député des Pyrénées ». Tant mieux, car celui-ci s’empressa auprès des journalistes de nier tout « rapprochement ». Dont acte !
L’obstination, la persévérance dans les idées peuvent payer davantage qu’une soumission intéressée. Au moins, elles forcent le respect.
A terme, le MoDem pourrait en profiter s’il vide ses querelles avec l’aide ferme du chef, directement et hors des tergiversations de l’appareil parisien souvent contesté.
Retour à la case départ de 2007 en 2012 ? Cette fois, le troisième homme qui ira sûrement à la bataille, pourrait bien se taire au deuxième tour, à moins que…
Et François Hollande et Bayrou, compères ? Pourquoi pas dans la situation que nous connaîtrons bientôt.
Allez savoir !
Antoine Spohr.
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