Bayrou mord, se défend, mais ne dérape pas. Lisez pour comprendre.
L’incident entre Cohn-Bendit et Bayrou hier (jeudi 4 juin 2009) sur France 2 me met mal à l’aise, évidemment. Alors j’ai pris le temps de me renseigner, d’écouter ce matin (vendredi 5juin 2009) Cohn-Bendit sur France inter et Bayrou sur RMC. Non, je ne crois pas que Bayrou ait « dérapé » - mais les choses sont assurément plus compliquées qu’elles n’y paraissent.
J’ai été surpris par l’absence de réaction de Cohn-Bendit quand il a été mis en cause sur le plateau de France 2 : "Ha, je savais que tu en viendrais à ça", et puis plus rien. Le lendemain matin sur France Inter, il a presque évacué le sujet et repris son angle "Bayrou omni opposant". Clairement il n’est pas à l’aise avec ça. En fouillant un peu, j’ai mieux compris la génèse de son mal aise, la "legèreté insoutenable" dont il a fait preuve dans les années 70 et qu’il a mentionné dans un livre : ce qu’il a écrit l’a exposé à des accusations de pédophilie. [Voir ici sur l’Internaute (23 février 2001) et chez Marc Reisinger (25 février 2001).]
Sur RMC, Bayrou a expliqué comment il n’avait pris connaissance que récemment de cet épisode du passé de Cohn-Bendit ; comment ce sujet le révolte ; il a expliqué l’importance "dans ses tripes" qu’il attache à la protection des enfants, de l’enfance, de l’accompagnement. Il aussi expliqué comment les attaques lancées par Cohn-Bendit contre lui au sujet de la religion l’ont blessées ("Il a vu la Vierge" a souvent rigolé Cohn-Bendit) - en particulier parce que lui en tant que chrétien attache une importance forte à la laicité, parce que c’est la République. Mélanger les deux est indigne, pense Bayrou - mais c’est pourtant ce qu’a fait Cohn-Bendit, depuis des semaines. Sur RMC Bayrou a expliqué qu’ainsi quand Cohn-Bendit lui a dit qu’il était "ignoble", il a rétorqué en évoquant cette "ignominie qu’il avait porté". Parce que le sujet, les enfants, frais dans sa mémoire, l’avait choqué profondément. Quand il a quitté le plateau, Bayrou aurait maugréé "Il m’a cherché".
Si c’était juste un coup de campagne, ça n’aurait pas d’importance. Mais c’est un échange violent entre deux personnages qui pourraient surement se parler intelligemment dans d’autres circonstances, autour d’un sujet très grave (maintenu tabou longtemps, par une certain intelligentsia) qui ne peut pas être écarté d’un geste. Même si Cohn-Bendit a l’air de regretter ses écrits, et que sa relative "mesure" est à noter (il dit toujours que Bayrou a "pété les plombs", mais il disait ça avant l’incident).
Bayrou apparait rigide - et sur ce sujet (les enfants) il semble bien l’être. A son honneur. Ses explications m’ont convaincu. (L’alternative, selon laquelle il aurait prévu cette "sortie" ne tient pas la route : qu’aurait il eu a gagner à lancer un "fil de fer" auquel il allait risquer de se prendre lui même, comme on voit ?).
Compliqué, mais ça n’empêche pas les éditorialistes de tomber sur Bayrou à bras raccourcis, pas très intéressés par le coté complexe, humain, de l’affaire. Tout ça me laisse un gout amer. Et il y en a un qui doit bien rigoler à l’Elysée...
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