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Accueil du site > Actualités > Politique > Bayrou : Refonder l’Europe en Urgence

Bayrou : Refonder l’Europe en Urgence

Plus de bricolage possible. Pour Bayrou, l’Europe doit être absolument refondée sur de nouvelles fondations, si elle ne veut pas s’écrouler. Le sujet qu’on sait cher au cœur du président du Mouvement Démocrate, centriste aux ailes plus largement déployées que jamais, a été le thème principal sinon unique du « Discours de Strasbourg » lors du meeting du 6 mars. Une page à inscrire dans les moments forts de la construction européenne, de son succès ou de son échec.

 Ici, ce n’est qu’un essai de compte-rendu qui ,forcément, s’inscrit dans la campagne électorale mais qui, modestement, devrait inviter aussi à une réflexion plus large pour tous les Européens.

La salle du Palais des Congrès était comble comme les abords équipés d'érans. Bayrou s'est dit ravi de retrouver sa famille unie. Vite dit !

« Nous aimons l’Europe parce que nous aimons la France. » 

 Et réciproquement, aurait-il pu ajouter, car il croit les destins des deux entités politiques intimement et fatalement liés. Même si « la Nation, la Patrie, le destin commun, c’est la France » (partage des coups durs et des beaux jours, lieu de l’école, lieu de la solidarité première, celle des services publics, tout ce qui touche, en gros, au quotidien…) , la France seule ne peut pas être assez forte et se condamnerait à l’insignifiance, idée qui lui est insupportable. Elle doit donc naturellement s’inscrire dans une Europe puissante qu’elle contribuera grandement à animer. En clair : Français oui, mais pas sans être Européen ; Européen oui, mais sans renoncer à être Français. Les fédéralistes purs et durs baissent un peu le nez .

 Et il affiche davantage encore d’ambitions nationale et européenne liées, fondues : prendre part au rayonnement de l’Europe et de ses héritiers, des Amériques, d’Afrique, d’Asie, les filiales en quelque sorte. On ne peut s’empêcher de penser au débat déjà vieux sur le préambule de la Constitution (2005) : « l’héritage chrétien » qui est devenu« héritages culturels, religieux et humanistes » dans la version définitive présentée aux électeurs. Va pour tout le monde !

 Le chrétien connu et laïc intransigeant ne s’en est pas offusqué.

Une audace un peu imprudente cependant dans une conjoncture de politique préélectorale exacerbée, sans doute involontaire mais explicable dans le contexte strasbourgeois de capitale européenne( Parlement, Conseil, Cour…) où le candidat a travaillé au côté de Pierre Pflimlin. C’est dans ce contexte que Bayrou fait sienne une déclamation solennelle de l’avant dernier Président du Conseil de la IV° république( avant de Gaulle) puis maire de Strasbourg et président de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe et plus tard du Parlement Européen. La voici  : « Que l’Europe redevienne ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être, je veux dire la lumière du monde  ! ». Fermons discrètement le ban !

Au-delà de l’un de ces pères fondateurs (Schumann, Monnet…) d’autres grands Européens français sont évoqués, de gauche à droite : Delors, Mitterrand, Giscard d’Estaing et stop… L’ordre énoncé est celui-là et s’arrête là, les honneurs ne primant pas sur le travail car « la fidélité n’est pas dans les hommages à leur rendre…. mais dans la refondation…dans l’action et la pensée…manches retroussées ». Le paysan béarnais perce sous l’agrégé de lettres ! Obstiné à produire même si, comme cette année, souvent le blé d’hiver qui avait poussé trop vite par un automne trop clément, a été prématurément détruit par un rude hiver. Que font alors tous les laboureurs de France et d’ailleurs ? Ils retournent à nouveau la terre et sèment une fois encore, espérant cette fois qu’il ne pleuve pas trop. Ils ont « refondé ». C’est ce que veut le candidat pour l’Europe.

 « Et l’Euro ? Une zone de solidarité. »

 La crise est grave, profonde. Une Europe un peu plus fédérale, au moins celle d’une orthodoxie libérale partagée, est entrain de se profiler à l’horizon : « l’Europe de l’Euro est par nature une zone de solidarité et, si elle cessait de l’être elle exploserait ….et c’est l’Europe du premier cercle, celle des 17. » Plus loin «  La maladie ou la fragilité de l’un serait aussi celle des autres ». Certes, certes, mais il fallait que cela soit dit pour réclamer la transparence. Et de fustiger la France et l’Allemagne « qui ont refusé l’extension d’Eurostat en 2005 et Nicolas Sarkozy qui est allé lui-même, dès 2007 devant l’Eurogroup pour récuser la discipline dictée par les traités. »

En condensé, une règle s’impose : « Transparence avec des instances communes de contrôle, donc Eurosat avec une association des parlements nationaux en continu et 

 OUI aux règles d’or » . Les drames grecs et autres auraient pu être évités ; à présent il faut assumer.

Oui aussi aux politiques communes de croissance, d’équipement, d’innovation mais portées par une autorité légitime, « une gouvernance économique efficace, concertée, déterminée de la zone euro » Le tout doit s’appliquer à la politique agricole commune comme à une réelle politique énergétique concertée, audacieuse et raisonnable.

Pour la politique de recherche, sans oublier aucun des domaines de pointe, Bayrou se dit convaincu que rien qu’en ménageant le temps des chercheurs, on pourrait réaliser de substantielles économies. Et il s’amuse un tantinet dans une caricature pourtant juste  : « Par la double obsession des autorités européennes et des autorités nationales, on en est arrivé à un point où le temps des chercheurs est dévoré par l’innombrable paperasse destinée à l’évaluation, à l’évaluation des évaluations, à l’évaluation consécutive des évaluateurs…  »

Mais rien de nouveau ni même le retour à une Europe plus solidaire ne peut se faire sans changements profonds… Du coup, se posent des questions sur le fonctionnement démocratique de l’Union qui fonderait cette conversion.

La légitimité démocratique.

« Légitimité est le mot clé : nous sommes des démocraties, nos règles sont démocratiques mais une seule chose échappe aux principes d’une démocratie de plein exercice, et c’est l’Europe . »

Pour réparer cette funeste faiblesse et reconquérir le cœur des citoyens, « il faut que les dirigeants soient identifiés, démocratiquement désignés, et responsables, personnellement devant les peuples » Il faut en finir avec les tractations nébuleuses et le labyrinthe des responsabilités avec des présidents, commissaires ou hauts représentants de toute sorte.

 Et le candidat accuse les dirigeants des principaux Etats d’entretenir ce flou pour mieux s’accaparer la scène politique et les médias. Une seule solution efficace serait celle d’une autorité élue, un président de l’Union connu et élu le même jour que le Parlement Européen. Enfin un débat généralisé dans toute l’Europe, en même temps.

 Mais François Bayrou imagine un pis-aller applicable plus rapidement en attendant..

Le président dans un premier temps pourrait être élu par « un congrès des parlements réunissant à parts égales les membres du parlement européen et des délégations des parlements nationaux. » On voit qu’une fois de plus, est dénoncée la méthode intergouvernementale dans laquelle le Conseil des chefs d’Etats décide (en sommet) en collaboration avec la Commission dont les membres ont été désignés par eux-mêmes puis enfin adoubés par le Parlement. La première critique de cette méthode concerne la disparité de poids des 27 dirigeants. On le voit bien avec la toute puissance de Mme Merkel, flanquée de Nicolas Sarkozy.

Il faut donc en revenir à l’Europe réellement communautaire « sans ukase des uns et la docilité des autres » dans le respect réciproque. Et tout de même, avec les peuples au beau milieu ce qui n’était pas le cas dans la méthode des pères fondateurs, les circonstances d’après-guerre étant bien différentes.

Enfin Bayrou ne serait pas Bayrou s’il n’y était allé d’un coup de griffe aux médias, accusés de faire trop peu de cas des Affaires Européennes. Les peuples seraient-ils davantage demandeurs ?

On en doute dans les rédactions mais il y a des persévérants, obstinés, qui savent que depuis la mondialisation et l’affirmation des pays émergents il n’y a pas d’autre issue qu’une Europe unie et donc forte.

Parmi ceux-ci, certains ont regretté que le Conseil de l’Europe,( où M.Bayrou n’a jamais travaillé), et la Cour Européenne des Droits de l’Homme, n’aient pas fait l’objet d’une attention plus grande. Surtout lorsqu’après avoir succinctement évoqué une politique commune de la défense, il a tenu à marquer son adhésion au pluralisme culturel avec un hommage à Erasmus et Erasmus Mundus. Mais bon, le discours a duré bien plus d’une heure et la conclusion s’imposait  : « Le temps de la refondation est venu, celle de l’Europe, lumière du monde ». Une belle hauteur de vue par rapport à d'autres !

Antoine Spohr.( article paru également sur Médiapart)


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9 réactions à cet article    


  • musashi 12 mars 2012 11:12

    Savoir anticiper, une hauteur de vue et une vision de long terme, c’est en effet ce qui manque à la France et à l’Europe.


    • credohumanisme credohumanisme 12 mars 2012 12:34

      Il semble presque honteux aujourd’hui d’être pro-européen tant les démagogues de droite ou de gauche rivalisent de propositions et d’accusations « contre » l’Europe.

      L’Europe est un bouc émissaire facile.

       

      Certes la construction européenne est un défi et les erreurs sur le parcours n’ont pas manqué : une expansion trop rapide, des institutions à revoir, la crise grecque probablement mal gérée.

       

      Mais l’Europe reste un objectif magnifique. La paix entre des peuples en guerre quasi continue depuis deux millénaires. Une force politique et économique qui peut (qui pourrait ?) peser sur l’avenir du monde avec des valeurs communes.

       

      L’Europe c’est une force, une cohérence, une union. Sur ce point, je pense comme vous et comme François Bayrou, l’Europe mérite d’être refondée pas d’être vilipendée ou détruite.

       

      Ce n’est ni en annonçant que la France reniera un accord qu’elle vient de signer, qu’elle n’inscrira pas la règle d’or dans sa constitution, ni en mettant un ultimatum au terme duquel on abandonnerait les accords de Schengen que l’on favorisera une politique commune propice aux indispensables progrès.

       

      La démagogie envers les français, l’arrogance envers nos partenaires sont indignes d’un candidat à la fonction présidentielle. Merci à François Bayrou d’avoir le courage de la vérité.


      • A. Spohr A. Spohr 12 mars 2012 14:21

        Eh bé ! Si vous aviez été dans la salle, vous auriez senti d’ immenses sympathies.Moins démonstratives qu’à Villepinte mais plus sincères parce que spontanées

        C’est vrai que sur l’Europe, Bayrou est le N°1.

        • Hussein Hussein 12 mars 2012 15:11

          « Le temps de la refondation est venu, celle de l’Europe ... mais aussi celle du Centre ».

          François BAYROU ne peut plus être que le représentant du MODEM, il doit fédérer autour de lui, peut être dans le cadre d’un nouveau parti politique plus large, une Fédération, tous les amis centristes du MODEM, du Nouveau Centre, du Parti Radical, de Gauche Moderne, d’Alliance Centriste et même des Radicaux de Gauche qui s’offusquent de voir les accords de Schengen et 2 autres traités européens si promptement remis en cause par la droite UMP.


          • Soi Même 12 mars 2012 17:01

            Que veut dire un système auto bloqué ?


            • A. Spohr A. Spohr 12 mars 2012 17:11

              Question non comprise.


            • Soi Même 12 mars 2012 17:24

              Chercher que diable dans les traités.


            • mbdx33 mbdx33 12 mars 2012 17:49

              Après avoir fait campagne avec L’UMP de Nicolas Sarkosy en faveur du Oui à la constitution. Il nous a expliqué pour quelles raisons les français avaient voté Non au référendum.

              « ce vote sanctionne d’abord et avant tout une gravissime crise française (...) cette crise de confiance sanctionne tout le gouvernement (...) La crise est devenue raz de marée, crise
              morale, crise économique, crise sociale. »

               Puis il nous il changé d’explication en 2007 :
              « Le “non” français, le 29 mai 2005, ne s’explique pas par des raisons de politique intérieure, mais bien par le texte de la Constitution “absolument illisible pour tout citoyen normalement constitué”. »

              Curieux quand même pour un gars que l’on dit fin lettré et qui défendait un texte illisible !


              • mbdx33 mbdx33 12 mars 2012 18:01

                Par ailleurs Sans vouloir défendre à tout pris le bilan de NS ( c’est impossible !!!)

                Alors que la politique de rigueur de la banque centrale européenne a été dénoncée de toutes parts en 2007, FB fut le seul politique français à continuer à défendre la politique ultralibérale de la banque centrale
                « Je ne partage pas les critiques et les affirmations négatives qui ont été faites autour de la BCE par Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy. […] La banque centrale est indépendante et il est heureux qu’elle le soit. » 23 février 2007.

                Aujourd’hui on voit les effets de cette rigueur, la Grêce plombée a vu sa dette exploser etc.

                Certes la politique grecque était loin d’être claire et honnête, mais une partie de la dette grecque c’est nous qui allons devoir la payer, et je ne parle pas des autres pays.

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