Bayrou : une défaite admirable
« La situation financière de la France est catastrophique. » Ainsi, s’exprimait, le 18 juin sur France Inter, un journaliste du Monde malgré sa satisfaction devant les résultats des législatives. Ce qui nous renvoie au discours de celui qui fut qualifié de prophète par un hebdomadaire : François Bayrou.

Je suis de ceux qui se réjouissent de la victoire de la gauche, et de la punition infligée à Marine Le Pen, à son admiratrice Nadine Morano, ou à l’exécutant du programme du FN Claude Guéant. François Hollande a fait un bon début de mandat présidentiel. Désormais revêtu des « pleins pouvoirs », il va devoir affronter la réalité des comptes publics et avoir soin de répartir équitablement la charge de leur redressement.
S’il réussit, la voix de François Bayrou y aura largement contribué. S’il échoue, François Bayrou pourrait être appelé à la rescousse. Bayrou a échoué à devenir De Gaulle. Son parti est en lambeaux. Il a été largement trahi par ses amis ; d’autres vont le quitter. Son avenir politique personnel est plus qu’incertain. En revanche, il est déjà le Mendès-France de ce début de siècle. Mendès a été un météore de la politique française, mais il est et restera très respecté pour avoir volontairement sacrifié son destin politique à la proclamation de la vérité. En annonçant qu’il voterait Hollande, Bayrou a sacrifié sa carrière politique, risqué et accepté la sanction lamentable de son électorat, échoué dans son rêve de construire un Centre qui soit autre chose qu’un laquais de la droite ; mais il a refusé de vendre son âme au sarkozysme lepénisé (ce qui est presque un pléonasme). Il est l’anti Morano.
Quitte ou double
Sans doute, Bayrou n’est-il pas un bon stratège. Sans doute y a-t-il une part d’orgueil mystique chez lui, et un individualisme tel que, sans Bayrou, il n’y a plus de MoDem. Tout cela est vrai. Cependant, quelle dignité chez cet homme-là ! Il suffit de comparer les discours de Morano et de Royal, accusant les autres de les avoir fait perdre, alors que la première est châtiée pour ses compromissions (restons charitable), et la seconde pour sa propension exagérée à croire que tout le monde l’aime. Bayrou, lui, assume ses choix, pleinement. Et il ne regrette rien. Ce qui est parfaitement cohérent quand on n’a agi qu’en fonction de ses convictions profondes.
Il est possible que Bayrou soit politiquement fini.
Il est possible que son langage intègre fasse de lui un recours si jamais la gauche ne se montre pas à la hauteur de la situation. Si jamais François Hollande souhaite un jour lui confier une mission d’envergure, je souhaite que François Bayrou ait la modestie nécessaire pour accepter de servir le pays à une place certes nettement plus humble que celle à laquelle il rêvait d’accéder.
J’ai fait partie de ceux qui ont été les « tracteurs » de Bayrou pendant la campagne présidentielle. Et je considère comme un honneur d’avoir milité pour un perdant de cette qualité-là. Perdant politiquement, oui. Mais sur le plan des idées, il a déjà gagné. Le ministère du Redressement productif est inspiré par le « produire en France », et la moralisation de la vie politique, si elle réussit, lui devra beaucoup. Reste la question économique. Et là, le feuilleton ne fait que commencer…
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