Benjamin Lancar, un bilan en forme de mea culpa
On ne le connaissait pas il y a 4 ans, ni lui, ni vraiment les jeunes de la majorité qu'il préfère appeler les Jeunes Pops. Benjamin Lancar, à la tête des jeunes UMP depuis 2008, a travaillé dur pour rendre visible tous ces militants en herbe. Il a le parcours de l'élève modèle. Diplômé d'HEC, de Sciences Po, il est aussi conseiller régional d'île de France et souhaite intégrer l'ENA. Un C.V béton, dirait-on. Ce jeune garçon de 26 ans est prêt à devenir une bête politique. Et pourtant, Benjamin Lancar ne transmet pas cette certitude. Ambitieux, il l'est, mais il manque quelque chose. Une sorte de fragilité et d'immaturité vient gâter le tableau.Portrait de campagne.
On était prévenu, Benjamin Lancar arrive systématiquement en retard. Pire, le jour du rendez-vous, le président des Jeunes Pops, envoie un sms une minute avant l'heure prévue :
"J'aurai plus de 20 minutes de retard, peut-on remettre l'entretien à un autre jour ?"
Et l'autre jour convenu, 15 minutes de retard plus tard, l'interview a pu se faire, interrompue malgré tout par le Blackberry de ce jeune politique. C'est en effet ce petit outil technologique qui lui "sauve la vie". C'est avec ce smartphone que Benjamin Lancar peut "gérer sa vie politique, étudiante et privée".
De la communication à la politique...
La politique n'est pas une vocation pour lui. Ce n'est ni un héritage familial, ni un rêve de gamin. Il lui a fallu deux événements majeurs pour y rentrer : le 11 septembre 2001 et le passage de Jean-Marie Le Pen au second tour en 2002. Deux tournants qui l'ont poussé de façon presque forcée dans ce milieu hostile et qui lui ont fait accepter ses idées de droite.
Il crée assez rapidement l'UMP-HEC puis l'UMP-Grandes Ecoles. En 2008, il accède à la présidence des jeunes UMP et n'a qu'un but : rendre visible le mouvement, à n'importe quel prix… parfois même jusqu'à la critique et la moquerie. Comme pour le lip-dub dont il a été l'instigateur. Ce play-back ministériel qui a fait le bonheur du petit journal de Yann Barthès, au grand dam des ténors de l'UMP :
Il l'avait assumé partout, et se pavanait d'avoir réalisé son objectif : que tout le monde parle des Jeunes Pops. Pourtant aujourd'hui il nuance ses positions et admet que "ça a fait partie des choses que l'on fait quand on est jeune."
En effet, on lui a reproché de "transformer le parti jeune en agence de com'", il dit qu'il a changé, et que d'ailleurs "ça va beaucoup mieux avec Jean-François Copé".
Benjamin Lancar est troublant par son double discours. Il semble sincère, presque trop pour un homme politique. Et en même temps adepte de la langue de bois. Il y a le jeune étudiant et l'homme politique en devenir. Cette double vie lui joue parfois des tours :
Il sait qu'il est maintenant surveillé, qu'il doit faire attention à ce qu'il dit et justifie même sa langue de bois :
Pour illustrer son propos, il compare la communication politique avec celle d'un papa qui ne dit pas tout à son enfant, "pour lui faire découvrir la vie petit à petit". Pas sûr que la métaphore fasse l'unanimité.
"Je regrette mes erreurs médiatiques"
Benjamin Lancar sait que c'est bientôt la fin d'une époque. Son mandat se termine fin 2012, et l'entretien sonne comme le temps du bilan. Après un petit discours sur son engagement, la passion qu'il éprouve à vouloir "changer le monde" et son soutien infaillible à Nicolas Sarkozy, il admet quelques erreurs.
C'est vrai que de Benjamin Lancar, on retient surtout quelques polémiques et des petites phrases qu'il n'aurait peut-être pas dû dire. "Laval par exemple, c'était une connerie". En effet, il avait écrit un passage sur son blog louant le travail de Pierre Laval, l'un des principaux maître d'œuvre de la politique collaborationniste de l'État avec les nazis :
Il fait aujourd'hui ce que peu de politiques osent faire : une autocritique. Maintenant, quand il écrit un billet il se relit plusieurs fois, s'assure de ce qu'il écrit de façon "beaucoup plus attentive" :
S’il n'a pas l'expérience de certains, il a assurément l'humilité que d'autres de ses mentors n'ont pas. N'étant pas à une confession près, il reconnaît aussi ses erreurs en tant que président des Jeunes Populaires. Ainsi, il regrette son côté autoritaire. Quand par exemple, il avait envoyé un mail aux directeurs UMP régionaux pour les obliger à adhérer au site UMP sous peine d'être "virés". Benjamin Lancar trouve ça"pas très malin" aujourd'hui en mettant encore une fois son jeune âge en avant :
"Un élève appliqué, mais qui sait rester fun"
Pour Laurianne Deniaud, présidente du Mouvement Jeunes Socialistes (MJS), comme pour d'autres de ses adversaires, Benjamin Lancar manque cruellement d'autonomie dans sa façon de penser. Comme elle l'avait confié à libération, il est"toujours réfugié dans ses fiches", ne pense pas par lui même, mais apprend par cœur les idées de son parti. C'est vrai qu'il y a encore du travail pour que l'un des plus jeunes conseillers régionaux apparaisse plus mature et sûr de lui. Il concède d'ailleurs avoir des sujets qu'il ne manie pas bien :
Ceci explique peut-être cela. Par exemple, lorsque Benjamin Lancar reprend les propos d'Alain Finkielkraut pour dénoncer l'islamisation de l'équipe de France sans aucun argument pour étayer cette absurdité.
Il est souvent comparé, soit à Nicolas Sarkozy, soit à Frédéric Lefebvre. Il accepte, ne prend pas cela comme une insulte mais tient à préciser qu'il "est autonome et qu'il a sa propre pensée".
Le problème avec Benjamin Lancar, c'est que son point godwin à lui, c'est son âge. Pour admettre ses faiblesses, il met en avant son manque d'expérience :
Alors à chaque veille de discours, il lit, relit et apprend ses notes. Il n'y a ni impro, ni trous de mémoire possibles. Il pense à ce que lui répétait son directeur, lorsqu'il était moniteur en colonie de vacances : "Si tu ne te prépares pas, prépare-toi à être oublié".
Son ami, Yann, qui le connaît depuis la classe préparatoire n'est pas d'accord avec l'idée que les médias donnent de lui. Pour résumer, "Benjamin, c'est un mec sérieux, appliqué, endurant dans le travail, mais qui sait rester fun".
Déjà, en prépa, il est populaire et est élu délégué de classe dès la première année. Après les cours, il organise une petite équipe, s'investit pour l'UMP et part distribuer des tracts. Au quotidien "Benjamin est très second degré" mais a une faiblesse selon son ancien camarade : "au premier abord, il est réservé, un peu trop timide."
Au fur et à mesure de l'entretien, on découvre tout de même des certitudes. Le futur candidat aux législatives prévient qu'une seule alliance UMP-FN le fera quitter le parti immédiatement. Il défend une idée coûte que coûte, le mariage et l'adoption pour les homosexuels. Ce dernier point lui a valu des critiques, notamment de la droite populaire. Il "s'en fiche", répète que les personnes qui ont des propos homophobes "n'ont pas leur place à l'UMP", visant directement Christian Vanneste.
Son rêve ? Devenir député. "Pas pour 20 ans mais un peu, le temps de se rendre encore plus utile". Après, il ne sait pas trop quoi faire, mais une chose est sûre : il ne craint pas d'arrêter la politique. Il pourrait être ministre mais lui, ne veut pas"s'enflammer". Benjamain Lancar prépare l'ENA pour 2013 et sait qu'il fera autre chose car le milieu est très dur et parce que comme il dit "je ne fais pas partie de ceux qui pensent que la politique est une sorte de mur qu'il faut escalader".
Pour son ami Yann, il pourrait intégrer une entreprise, "avoir un poste stratégique, car il a une vision bien à lui". Benjamin Lancar s'écarte des codes de communication et n'hésite pas à dire de lui qu'il est "un bébé politique", qui a une"réflexion très amatrice". Les uns y verront de la sincérité. Les autres déploreront une forme de fragilité.
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