Bonnet rouge et blanc portique
Avec l'aide des médias dominants et à la faveur d'une division syndicale, une partie du Medef et de la FNSEA Bretagne a fait très fort. Du moins en apparence. Ils sont parvenus à donner l'illusion qu'ils avaient réussi à transformer une manifestation ayant soi-disant au départ la défense de l'emploi comme revendication, en un raout contre l'écotaxe (l'autre partie du patronat local, le « Collectif des acteurs économiques de la Bretagne », satisfaite par la suspension de l'écotaxe, n'appelait pas à participer). Quand en fait ils ont sans doute obtenu ce résultat bien involontairement. Et sans doute grâce à FO et au NPA.
Car en réalité, et depuis le départ, le Collectif "Vivre, décider, travailler en Bretagne" organisateur de la manifestation de Quimper (appelé aussi dans les médias " Collectif pour l'Emploi", voire "Collectif pour l'emploi en Bretagne") n'avait qu'un but affiché : la suppression définitive de l'écotaxe. Ce collectif est composé d'employeurs (PME, artisans, commerçants, patrons-pêcheurs) d'agriculteurs et d'élus.
Curieusement le syndicat FO et le NPA avaient appelé également à manifester à Quimper. Sans doute parce que ces employeurs au travers de « Produit en Bretagne », la plus importante association française gérant une marque collective de territoire, avaient appelé les 100.000 salariés des quelque 300 entreprises qu'elle regroupe à participer à la manifestation.
Et pourtant pour qui voulait bien s'informer il n'y avait aucune ambigüité. « Le Collectif appelle à un rassemblement pacifique, unitaire et dépolitisé. "Il n’y aura pas de place à la récupération politique. La Bretagne n’est ni de droite ni de gauche, elle est au-delà de cela. Pas de combines, pas de politisation, juste de l’action" » indiquait par exemple Le Télégramme. Nul n'ignore ce que cet apolitisme de façade cache habituellement.
Il n'y a donc jamais eu de récupération d'une manifestation ouvrière par le patronat local. Ceci est de la désinformation ou de l'incompétence, les journalistes ayant probablement interprété la défection du "Collectif des acteurs économiques de la Bretagne", comme un abandon de la lutte par le patronat local.
Si de nombreux employés, ouvriers et petits paysans se sont finalement associés à cette manifestation c'est non seulement en raison de l'appel de leurs employeurs, mais également grâce à la conjonction de trois facteurs majeurs consensuels. Et de l'apparition subite d'un bonnet particulièrement fédérateur. Tout d'abord un très légitime nationalisme ambiant qui débouche sur une apparente solidarité hors classe et une marée de drapeaux bretons ("riches et moins riches ou désespérés, on est tous bretons et on se serre les coudes"). Ensuite le sentiment que la France, et au delà l'Europe et le Monde, sont responsables de la crise économique traversée par la région (ce qui évidemment n'est pas faux). Et enfin la jacquerie des patrons à l'égard d'une nouvelle taxe (partagée par tout le monde parce que personne n'aime les impôts).
Un bonnet rouge
Là-dessus apparait un symbole fédérateur et totalement inédit, donc forcément séduisant : le bonnet rouge. Il avait été commandé par le Collectif à une entreprise locale de grande notoriété (et bien "française" grâce à Montebourg), pour la manifestation du samedi précédent au pied d'un portique écotaxe (Le bonnet rouge d'Armor-Lux mis en avant par la révolte bretonne. Le Figaro).
Un bonnet rouge : bonnet et rouge comme le bonnet phrygien, avec ou sans petit drapeau breton. Donc révolutionnaire, et éventuellement nationaliste mais pas trop.
Bonnet rouge comme celui des paysans bretons de 1675, qui iront jusqu'à l'insurrection en raison d'une hausse des taxes décidée par Colbert, le ministre de Louis XIV. La répression, semble-t-il, aurait été féroce.
Bonnet rouge comme celui d'un certain commandant, une des personnalités préférées des français, et dont l'engagement écologique en faveur des océans sied parfaitement à une région on ne peut plus maritime et sérieusement polluée.
Enfin rouge comme la gauche ; et le NPA s'est apparemment laissé séduire malgré les signes qui auraient dû l'alerter (mais qui s'en étonnerait ?).
Donc finalement avec peu de moyens et au départ un petit cadeau (les 900 bonnets offerts le samedi précédent), le patronat local est parvenu à remporter la mise médiatique. Du moins dans un premier temps. Car apparemment ils n'ont pas imaginé la suite en dehors de l'abandon définitif de l'écotaxe. Or comment se pourrait-il qu'un autre effet n'apparaisse pas bientôt ? On ne manipule pas les symboles impunément. La droite actuelle ne voit décidément pas plus loin que le bout de son nez (la culture du profit immédiat). Et apparemment on en est seulement à la partie émergente de l'affaire.
Un blanc portique
Il existe une autre dimension, moins immédiatement perceptible, peut-être plus souterraine, quand elle devrait pourtant être au devant de la scène, et matérialisée elle aussi par un objet. Et il n'est pas improbable que celui-ci pourrait lui aussi dans un avenir proche intégrer le stade du symbole. Il s'agit du portique écotaxe. Les bretons sont en train de les détruire, les uns après les autres. Et apparemment l'exemple s'étend à d'autres régions de France.
Mais quels bretons ? Des bretons de toutes les sensibilités politiques apparemment. De la droite la plus populiste à l'extrème gauche, en passant par le petit patronat, les petits paysans, les anarchistes. Pour des raisons très différentes. Les uns pour lutter contre l'écotaxe, d' autres contre la "gauche" au pouvoir, d'autres encore contre Ecomouv' et les oligarchies industrielles et financières, et finalement tout le monde contre Big Brother.
Un combat sans frontières sociales finalement, l'essentiel étant qu'ils détruisent ces portiques du "diaouled", du diable.
Car une taxe, même bonne dans son principe, mais dont la collecte, insane nouveauté, est confiée à une entreprise privée, et qui en plus, seconde insane nouveauté, nécessitent des portiques avec caméras sur nos routes pour surveiller nos allées et venues, est une très mauvaise taxe. Quand en réalité c'est la forme qu'ont prise son application et sa gestion dont la nocivité est majeure. Mais pouvait-on s'attendre à autre chose d'une taxe initiée par Sarkozy ?
Ainsi semblent dire nos frères et sœurs bretons : « Holl asambles (tous ensemble) détruisons tous les portiques ! ». Il y va apparemment de l'avenir de l'Humain.
Et l'Humain, da gentañ eo !
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