Bretagne, l’impossible indépendance
Le thème de l'indépendance est à ce jour d'actualité, en effet, la manifestation des bonnets rouges, à Quimper a été l'occasion pour certains de relancer l'idée, sans toutefois permettre de réussir à imposer le débat. De toutes manières l'idée d'indépendance est indéfendable.
La Bretagne détient une histoire ancienne, qui va des champs de menhirs de Carnac (Morbihan) aux manifestations des bonnets rouges de 2013, en passant par la présence romaine et son rattachement à la France par l’Union d’Anne de Bretagne et de Charles VIII de France. Elle a une empreinte culturelle forte, sa langue et un grand nombre de patois locaux. Malgré cette richesse culturelle, la Bretagne ne saurait prétendre à l’indépendance et ce pour plusieurs raisons. Accorder l’indépendance à la Bretagne serait la condamner à un retour en arrière catastrophique, bien que cela pourrait être un symbole fort pour la région, ce serait justement uniquement un symbole, coupé de toutes les réalités actuelles et entraînerait la région à sa propre perte. La région de Bretagne ne peut donc pas prétendre à l’indépendance pour plusieurs raisons, d’ordre politiques et économiques et même culturels.
La raison économique semble d’emblée la plus évidente, en effet, si jamais la Bretagne venait à être indépendante, qu’adviendrait-il de son économie ? Le modèle breton, et ce depuis des millénaires, est basé sur l’agriculture et la pêche. Bien que l’agriculture bretonne se soit modernisée en particulier après la seconde guerre mondiale (et le problème est justement de savoir qui a permis cette amélioration de l’agriculture bretonne), le modèle de production agricole à la bretonne est en train de s’effondrer. En effet, d’une part, que l’on soit écologiste ou non, force est de constater que l’agriculture bretonne pollue les plages des Côtes d’Armor avec des océans d’algues vertes nauséabondes, à cause des déjections de porcs riches en nitrates qui favorisent leurs proliférations.
Au delà de l’aspect écologique, on peut aussi commencer à douter du rendement de l’agriculture bretonne. Elle est concurrencée de plus en plus par, les Etats Unis, mais cela va sans dire, mais de plus en plus par les pays émergents (Brésil, Chine), car eux produisent les aliments nécessaires à l’élevage sur place, les agriculteurs bretons quant à eux sont obligés de les importer. L’autre secteur traditionnel de l’économie bretonne, est celui de la pêche bien évidemment, toutefois, là encore l’économie de la région ne saurait se reposer sur cette activité, car le plus grand port de pêche de la région est Lorient, si la Bretagne devait devenir indépendante subirait la concurrence du port de Boulogne Sur Mer, car le port de Lorient Keroman devrait se tourner vers l’exportation pour survire, hors, on peut penser, qu’à tarifs égaux, la France choisirait ses propres ports.
La Bretagne n’a pas les atouts pour survivre économiquement au processus d’indépendance, en effet, elle n’est pas au point sur le secteurs de la recherche, que ce soit dans des domaines comme l’aéronautique, la recherche médicale, la recherche spatiale... Et quand bien même elle compterait dans ses terres de telles infrastructures, la région (au sens administratif) ne pourrait les financer seule. La question n’a à la rigueur même pas lieu d’être tant l’économie bretonne est dépendante de sa capitale. De plus les grandes entreprises qui étaient des foyers d’emplois en Bretagne, par exemple PSA désertent la France, la Bretagne (PSA Rennes) n’est pas épargnée.
Le problème politique peut aussi se poser, et à certains égards rejoindrait le problème économique tant les deux sont liés. En effet, la Bretagne, si elle devenait indépendante devrait se priver de tout un tas d’avantage que lui accorde la France, ne serait-ce que les subventions accordées notamment à l’emploi, l’aménagement du territoire... D’ailleurs c’est grâce à Paris que l’Agriculture bretonne a pu se refaire une jeunesse après la seconde guerre mondiale via un organisme national : la DATAR ( Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale ), et c’est grâce à cette même DATAR que la Bretagne s’est modernisée (électricité, eau courante), car les entreprises privées françaises trouvaient la région trop nécessiteuse en équipement pour être rentable, c’est donc à la France que la Bretagne doit sa modernité actuelle. Au delà de la simple modernité, la Bretagne serait totalement perdue si jamais elle venait à quitter la France. Car la France donne à la Bretagne, comme à toutes les régions d’ailleurs des subventions annuelles par exemple pour le chômage elle concentre 9,1 % de l’aide totale* !
Si la Bretagne devait être indépendante, elle renoncerait du même coup à la présence de l’État français, facteur de stabilité dans la région, voire même de survie. Pourquoi de survie ? On peut prendre l’exemple des bases ou régiments de l’armée française ou de la marine nationale qui dynamisent certaines villes (le port militaire de Brest) ou empêche certaines de s’éteindre (l’Ecole des officiers de Saint Cyr CoËtquidan dans le Morbihan ( inclus dans le Centre Bretagne, une région d’ailleurs ravagée, en perte d’activité, mourant avec ses habitants vieillissants), or si la Bretagne devient indépendante, elle perd du même coup la présence de l’armée française et de ses bases. En plus de l’aspect « vitalisateur » de la France dans cette région, on peut aussi ajouter son aspect régulateur. En effet, à l’heure actuelle la question n’a pas lieu d’être, le poids de Paris est tellement écrasant, que les régions n’ont aucun réel pouvoir au niveau de leurs autorités, ce qui prémunit de toute rivalité intra-régionale. Or, si la Bretagne devient indépendante, on peut craindre des querelles entre les principales villes (Rennes, Brest, Lorient, Quimper, Vannes, Saint-Brieuc), querelles portant sur la suprématie tant départementale (il faudrait redéfinir un maillage administratif hérité de la Révolution), que régionale, quelle capitale pour l’État potentiellement indépendant ? Et autre question cruciale, Nantes doit-elle intégrer ce nouvel ensemble, si oui, alors la concurrence pour la suprématie serait encore plus intenable car Nantes est une ville bien plus importante que les autres tant historiquement, qu’économiquement et démographiquement.
Enfin, on peut objecter à l’idée d’indépendance, l’argument souvent mis en exergue, celui de la culture bretonne. Cette conscience culturelle à l’échelle régionale ne s’est développée qu’au 19ème siècle, et au plus tôt durant le 18ème. En effet, la culture bretonne telle qu’elle est connue, ne représente pas celle qu’elle a toujours été, une conscience culturelle à l’échelle locale, on se définissait en Bretagne, comme partout d’ailleurs, comme appartenant à un « pays », je prends l’exemple de l’emblématique pays Bigouden, ou encore celui du Léon (Nord Finistère), l’identité ne dépassait pas de ce cadre, de plus le patois variait d’un pays à l’autre renforçant cette identité à l’échelle restreinte. La musique bretonne et ses célèbres « bagad » sont aussi des créations récentes, d’ailleurs le tout premier Bagad, a été créé par Hervé Le Menn en 1932 à … Paris ! Enfin, historiquement, on peut dire que le régionalisme est une création assez récente, parce qu’elle implique une conscience régionale, qui n’existait pas auparavant, face à sa « métropole ». Or, la remise en question de l’attachement à la France ne date que du milieu 20ème, et 21ème siècle. La contestation, pour avoir une quelconque légitimité aurait dû être immédiate et significative dès le rattachement, comme la Contre Révolution l’a été avec la Révolution, deux points de vue donc indéfendables.
* source : JT de France 2 du 20/10/2013
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