Brice Hortefeux : les bons comptes font les bons reconduits
Brice Hortefeux, ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale, a présenté ce mercredi, les résultats de son action. A l’écoute de ceux-ci, on peut en conclure que la dénomination de son ministère peut être simplifiée. Exit l’identité nationale et le codéveloppement. Brice Hortefeux l’avoue lui-même, il est avant tout ministre des expulsions. Une politique limitée aux chiffres qui suscite de vives réactions.
L’ami de trente ans de Nicolas Sarkozy est content de lui. A période de référence égale, les expulsions des irréguliers ont fait un bond spectaculaire. Le nombre de retours des immigrés illégaux dans leur pays d’origine sur les cinq premiers mois de 2008 serait en hausse de 80 %. Dans le même temps, les cartes de séjour délivrées ont augmenté de 16 %, pour des raisons de travail et le nombre d’étrangers sans papiers est en baisse sur une année (-8 %). Des chiffres lâchés sans retenue, avec une certaine indécence, en omettant volontairement que, derrière ceux-ci, on parle d’hommes et de femmes.
Brice Hortefeux fait froid dans le dos. Le malaise ne touche pas seulement les traditionnelles associations de droits de l’homme. Le syndicat des gardiens de la Paix, l’Unsa-police a dénoncé « une pression et une course aux chiffres ». La méthode est clairement pointée du doigt, accusée de se faire au détriment du travail de fond qui doit être fait sur les filières d’immigration ou les ateliers clandestins de confection et qui ne l’est pas ». Des chiffres sujets à controverse, pour l’Unsa-police « ils ne veulent rien dire puisque dans les 80 % de reconduites, il y a presque la moitié de départs volontaires. »
Une politique du chiffre « incompatible avec un traitement humain » qui crée « un climat épouvantable », selon Christophe Deltombe le président d’Emmaüs. Dans le quotidien La Croix, le successeur à l’abbé Pierre et Martin Hirsch ne cache pas son agacement. « Je ne critique pas la méthode de la régularisation au cas par cas. Nous-même, à Emmaüs, nous défendons en préfecture des dossiers de compagnons qui ont fait la preuve de leur volonté et de leur capacité à s’intégrer en France. On obtient ainsi, dans la discrétion, des régularisations, mais j’estime que la politique du chiffre sur les expulsions crée un climat épouvantable. Beaucoup de sans-papiers qui ne sont pas des délinquants vivent au quotidien avec la peur au ventre. Cette politique du chiffre est incompatible avec un traitement humain de ce dossier ».
“Nous parvenons à mieux maîtriser les flux”, a lancé le ministre lors de sa conférence de presse. Il ne s’agit bien là que d’un effet d’annonce. Le bateau prend l’eau de toute part et le ministre parvient juste à écoper. Soumis à de vives critiques lors de sa création, le ministère de Brice Hortefeux confirme la réalité des craintes qui avaient été alors émises. Force est de constater aujourd’hui que ce triste ministère est lourdement bancal.
A la sévérité, voire l’intransigeance sur les étrangers en situation irrégulière sur le territoire national, ne répond pas l’intégration de ceux qui respectent les règles et surtout l’absence totale de politique de codéveloppement. Or, c’est une évidence partagée par tous, la maîtrise des flux migratoires passe par un décollage économique des pays du Sud.
On s’aperçoit en fait que Brice Hortefeux arrive au terme de la mission confiée par Nicolas Sarkozy. Une opération de communication sur un candidat qui tient ses promesses. Un bel exercice de langue de bois lorsque le ministre évoque une « politique claire, cohérente et équilibrée ». Pire c’est ce seul aspect répressif que veut vendre aujourd’hui la France à l’Union européenne dont elle assurera dans deux semaines la présidence. Un encouragement aux instincts les plus bas, à cette haine quasi instinctive de l’étranger que le vernis culturel de quelques décennies avait permis d’estomper.
Le projet d’Union pour la Méditerranée constitue sur le papier une réponse concrète à la maîtrise des flux par l’aide au développement qu’elle sous-tend. Trop ambitieux, mal ficelé, il a peu de chances aujourd’hui d’aboutir. Il constitue pourtant le pendant indispensable à une Europe qui se rêve en forteresse imprenable.
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