Campagne présidentielle ou le déni de démocratie
Voici un billet traitant de rumeurs, d’humeurs et d’horreurs ... Depuis quelques jours, la campagne électorale pour la présidence de la République prend une tournure qui rend difficile l’exercice du journalisme citoyen qui voudrait pour bien faire que les papiers publiés le soient sur le contenu des programmes politiques des douze candidats. Pour autant, près de 40% des électeurs seraient encore indécis. De l’absence de débats sur le fond aux questions de stratégie politicienne, les Français sont face à un déni de démocratie.
Au lieu de cela, l’actualité de cette campagne fait la part belle aux vadrouilles des uns et des autres (on comprend mieux le sens profond de l’expression « battre campagne » appliquée aux élections), aux invectives, aux provocations. On les voit serrant des mains, mangeant des merguez, faisant du tracteur ou invectivant tel ou tel autre candidat en réponse à une autre invective, mais au final l’analyse comparative des programmes est renvoyée quasiment aux oubliettes. L’essentiel est de se montrer mais surtout pas de démontrer.
Cette façon de faire de la politique, dont les Français ont pourtant chacun à leur manière exprimé qu’ils n’en voulaient pas ou plus, ressurgit de plus belle avec force et vigueur rendant, par exemple, impossible l’audition de la problématique d’un vrai débat avant le premier tour. José Bové a pourtant dénoncé cette situation, mais avec tout le respect que nous lui devons ici, il porte sur lui l’étiquette du petit candidat antilibéral défendant la ruralité crédité d’un faible pourcentage par les sondages. Dès lors, son discours en devient inaudible et n’est relié par les journalistes que de manière partielle (« les grands médias associés au processus se sont bornés à une attitude attentiste » - source) sans mesurer le fond du problème posé : il n’y a eu aucun débat de fond avant le premier tour entre les douze candidats et aucun journaliste professionnel n’a pris clairement la peine de s’insurger contre ce qui constitue un déni de démocratie ! La même remarque faite par Nicolas Sarkozy ou Ségolène Royal aurait eu plus d’impact. Seulement voilà, ce n’est pas le cas. C’est donc que cette situation d’évitement réciproque sur le fond des programmes arrange bien nos candidats (Sur la question du débat avant le premier tour qui n’aura pas lieu, je vous invite à lire l’article de Carlo Revelli sur le site d’Agoravox).
Les journalistes professionnels tels Arlette Chabot et Gilles Leclercq sur France 2 ce lundi 16 avril 2007, interrogeant François Bayrou, ou Jean-Jacques Bourdin sur RMC dans « Entretien d’embauche » avec Ségolène Royal n’ont de cesse, par exemple, de leur poser des questions autour de la stratégie politicienne, notamment sur ce que François Bayrou compte faire pour rendre crédible aux yeux des Français ce qu’il a nommé « une utopie », à savoir rassembler les Français au Centre, ou ce qu’en pense Ségolène Royal. Il est vrai que cette perspective novatrice dans le paysage politique français mérite une analyse mais pourquoi passer plus des trois quarts du temps déjà restreint à interroger le candidat sur la forme de sa campagne et non sur le fond alors que cela aurait pu être traité "hors interview" ?
Ma réponse risque d’être peu appréciée - c’est un avis personnel - c’est à se demander si les grands médias n’ont pas d’autres stratégie que de faire de l’audience alors qu’une fois tous les cinq ils pourraient faire de l’éducation politique.
Or, quoi de plus pertinent que de traiter de la forme, le fond des questions politiques est on ne peut plus ardu, c’est vrai, et donc peu rentable pour capter l’audience, notamment à la télévision. Pour preuve, c’est encore sur la radio, média où l’on peut prendre plus de temps, que Jean-Jacques Bourdin passe du temps à analyser le programme de la candidate. Et pourtant, il n’échappe pas à l’envie de tirer le candidat sur sa personnalité, permettant à celui-ci de jouer sur le côté sentimental de l’élection.
C’est cela aussi la campagne électorale à la présidence de la République, obligeant Ségolène Royal à en rire jusqu’à la question fatale sur le manque de crédibilité de cette candidate en tant que femme. Le seul scoop peut-être : François Hollande ne s’installera peut-être pas à l’Elysée, en tout cas la réponse de Ségolène laisse planer bizarrement le doute : « Nous verrons ». Question : que signifie ce botté en touche ? Y aurait-il de l’eau dans le gaz du ménage en pleine campagne ? Non, ça fait désordre... Il est vrai que la rumeur veut que la candidate ne soit plus avec le secrétaire national du PS mais avec Louis Schweitzer, président de la Halde !
D’autres rumeurs circulent également sur Nicolas et Cécilia Sarkozy, et plus particulièrement sur l’absence médiatique de la femme du plus médiatique des candidats. Bonne question ! A vous de chercher et donnez-moi la réponse ...
Puisque c’est cela aussi la campagne présidentielle, on se demande bien pourquoi les journalistes en disent trop peu tant sur le fond que sur la forme. Qu’est-ce qui explique cette frilosité des médias français à l’égard des femmes et des hommes politiques ? Pour les questions personnelles, on nous explique que c’est le contexte français, pas d’attaque personnelle ! Certes... Mais alors, pourquoi les médias n’ont aucunement agi en faveur d’un vrai débat ? Ce n’est pas une question personnelle ! Et c’était porté par un collectif citoyen dont le seul défaut est peut-être d’avoir été un collectif !
Réponse : parce que ce n’est pas leur intérêt, aux médias classiques !
Entre-temps, la déception des Français grandit et risque de faire le lit ou la lie d’horizons dont on dira qu’on les avait pourtant bien prédits. Il n’est pas sûr que la stratégie de Nicolas Sarkozy soit suffisamment efficace pour endiguer une montée du candidat de l’extrême droite. Par ailleurs, son comportement manifestement opportuniste à traiter au vol tous les sujets susceptibles de lui ramener quelques voix de plus me faire craindre qu’il finisse sa course comme un papillon attiré par les lumières trop fortes. On finit par se brûler les ailes. Alors, madame Simone Veil a beau défendre "l’humanité" du candidat de l’UMP, cela ne me convainc pas. Le seul fait de devoir le faire conduirait au contraire à m’interroger.
D’absence de débat en débat tronqué, on en arrive à se faire les dents sur les rumeurs, sans taire pourtant les humeurs des Français, alors il faut craindre l’horreur ...
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