Caresser le mammouth
Les problèmes de Ségolène Royal sont résolument pachydermiques. Outre ses difficultés relationnelles avec les « éléphants » du PS, la candidate doit reconquérir un électorat enseignant, qui délaisse la gauche au profit de François Bayrou. En 2002, la dispersion de ces 800 000 voix avait coûté cher à Lionel Jospin.
Traditionnellement acquis à la gauche et à l’extrême gauche, les profs (surtout dans le secteur public) sont aujourd’hui en plein doute, et leur comportement électoral est loin d’être sans effets sur l’issue du scrutin. Ainsi, en 1995, Lionel Jospin avait fait le plein des voix des enseignants, mais leur dispersion entre les différents candidats sept ans plus tard avait coûté électoralement au leader socialiste. Il n’avait recueilli que 27% de leurs suffrages sur les 67% réunis par l’ensemble de la gauche. L’étiage de la gauche étant aujourd’hui le plus bas depuis 1969, c’est moins aujourd’hui cet éparpillement des bulletins qui inquiète Ségolène Royal que la concurrence du candidat UDF, qui la talonne dans les intentions de vote de la corporation. Tous deux passés rue de Grenelle, Ségolène Royal et François Bayrou ont beau jeu de définir l’éducation comme un enjeu prioritaire au sein de leurs programmes présidentiels, pour se rallier les 800 000 voix potentielles. Et si l’on y ajoute les voix de leur entourage, le poids électoral de la profession dans les urnes s’alourdit d’autant plus...
L’école, "c’est ma vie"
Ainsi, le vote Bayrou, que son profil d’ancien ministre de l’Education et d’agrégé de lettres classiques avantage, semble être le choix-refuge de tous les déçus du socialisme. Interrogé par Le Monde de l’éducation, le candidat UDF se manque pas de s’en targuer : "Pour les enseignants, la période où j’ai été ministre était une période de confiance. Ils ne l’ont pas oublié. Ils m’ont toujours entendu parler de la vocation et de la transmission de manière positive. Ils savent que tout ça n’est pas électoral. Entre l’école et moi, il y a un lien. C’est ma vie. Ils l’ont vu quand j’étais ministre." Et Snes, le principal syndicat enseignant, peu suspect de complaisance envers les ministres, reconnaît en effet au candidat "des marques de respect vis-à-vis des enseignants que l’on ne trouve pas ailleurs". (Pour l’anecdote, le centriste n’a pourtant pas le meilleur bilan aux yeux du métier : les profs lui attribuent un 10,4/20, contre 11/20 pour Jack Lang, quand Ségolène Royal doit se contenter d’un petit 8,4/20).
L’heure est donc à la reconquête pour l’élue du Poitou, dont la campagne avait bien mal commencé en la matière. On se souvient de la vidéo pirate circulant sur le Net en pleines primaires du Parti socialiste, où la candidate à l’investiture estimait lors d’une réunion publique d’une fédération à Angers que "la vraie révolution" serait que les profs "restent vraiment 35 heures au collège". Depuis, la candidate soigne ses déclarations à la profession -encore hier soir sur France 2- et multiplie les déplacements dans les collèges et lycées, pour renouer le lien privilégié de la gauche avec cet électorat. Un lien rendu plus ténu notamment par le socialiste Claude Allègre, dont l’intention de "dégraisser le mammouth" -réduire le nombre de fonctionnaires de l’Education nationale NDLR- avait provoqué en 1997 un beau tollé général..."Je ne voterai pas Ségolène Royal", a-t-il par ailleurs annoncé il y a quelques jours sur RTL, précisant que "le socialisme, c’est d’être avec le progrès. Or, à mon grand désespoir, je me retrouve avec un programme qui est l’inverse de ça. Donc, je ne peux pas le soutenir. Ça n’a rien à avoir avec des questions de personne." Une déclaration à laquelle la candidate socialiste a opportunément répliqué que "les Français se moquent totalement" de cette défection. Et, Ségolène Royal, qui se dit aujourd’hui "libérée", après avoir été malmenée au sein de son propre camp, peut légitimement ironiser, au vu du mauvais souvenir laissé par Allègre lors de son passage rue de Grenelle, que ses critiques pourraient même "l’aider vis-à-vis des enseignants"...
- "Le vote du monde enseignant" (Enquête IFOP)
- "Présidentielle : pour qui votent les enseignants" (Dossier du Monde de l’éducation)
- "Ségolène Royal reprend sa liberté" (Libération)
- "Chez les profs, Bayrou talonne Royal" (Le Figaro)
- "Défection de Claude Allègre : ’les Français s’en moquent totalement’, selon Ségolène Royal" (Associated press)
- Evolution du vote enseignant en 1995,2002 et 2007 (Infographie LeMonde.fr)
- "Interview d’un chercheur du CEVIPOF sur le vote des fonctionnaires" (Site de l’INA)
- Comparatif des programmes des différents candidats en matière d’éducation
- Vidéo intégrale de l’émission "A vous de juger" sur France 2
- "Un rapport remis à l’UMP dénonce la "lassitude" des profs" (Nouvel Obs)
- Toute l’actualité de l’Education nationale (Dossier Yahoo actualité)
- "Les profs menacent Royal d’un vote sanction"
- Vidéo de Ségolène Royal sur les profs et les 35h (Google vidéo)
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