Ce que le peuple défait, seul le peuple peut le refaire
La République est trop belle, trop grande, trop indispensable pour ne pas profiter de la moindre occasion de la fêter et de la respecter. Aussi, lorsque nous lisons ici ou voyons là ces hommages qui lui sont rendus, 220 ans après sa naissance en ce mois de septembre 2012, A gauche pour de vrai ! ça nous fait quelque chose. Ce quelque chose qui n’est autre que le frisson provoqué par la conscience de vivre chaque jour ce privilège de la liberté et de la souveraineté du peuple.

Nous n’avons pas participé au renversement de l’ancien régime, qui d’autorité organisait le privilège de si peu en affamant au besoin tous les autres. C’est en criant “du pain, du pain” que les femmes de la future république enclenchèrent cet incroyable mouvement révolutionnaire du peuple. Chaque fois ce souvenir de nos leçons d’histoire nous procure le frisson.
Nous n’avons pas participé aux barricades que les communards érigèrent dans l’espoir de sauver l’idéal de leur vie, cette république fraternelle, égalitaire, qui rend chacun libre de ses choix et de ses actes. C’est sous la charge des bataillons en armes et de leurs canons guidés par la soif d’un ancien régime totalitaire qu’ils tombèrent les communards. Chaque fois, ce souvenir de nos leçons d’histoire nous procure le frisson.
Nous n’avons pas participé non plus à l’incroyable progrès d’une loi qui engagea la république dans une modernité précieuse, une modernité qui sépare la loi du religieux, dans le respect absolu de la loi, dans la tolérance absolue de la religion. Mais chaque fois, ce souvenir de nos leçons d’histoire nous procure le frisson.
Nous n’avons pas participé à l’engagement résistant de nos grands parents, dans les villes, dans les maquis de France, simplement pour sauver les idées de la république, simplement pour les protéger des souillures de l’idéologie fasciste. Des souillures qui finissent toujours par la tentative de tuer l’humanité. Chaque fois, intensément, ce souvenir de nos leçons d’histoire nous procure le frisson.
Chaque fois, la république s’est construite et fortifiée par son peuple, qui a conquis et protégé son bien le plus précieux : faire et défaire, par le vote et la loi, les règles qu’il entend voir appliquer dans la république.
Il ne peut en être autrement lorsque la question qui est aujourd’hui posée à la république par le traité européen est celle de son devenir économique, social et politique. Déjà, le président Mitterrand, alors que tous le poussaient à ne pas consulter le peuple, pris cette décision majeure d’organiser un référendum sur Maastricht, comme le rappelait Jean-Marc Ayrault à l’Assemblée Nationale lors des discussions sur les modes de ratifications du traité de Lisbonne. Car c’est au peuple de faire et de défaire lorsqu’il est question d’engager son destin. Déjà, le président Chirac, alors que tous le poussaient à ne pas consulter le peuple, pris également la décision de faire vivre le débat populaire et de voir ce débat sanctionné par un référendum lors du projet de Traité Constitutionnel Européen. Car c’est au peuple de faire et de défaire lorsqu’il est question de toucher aux institutions fondatrices de la République.
Seulement voilà, un jour Nicolas Sarkozy a été élu président. Et pour cet homme, la République et son projet vieux de 220 ans, avaient moins d’importance que la défense des intérêts de quelques privilégiés. Avec ce président là, plus question de débat populaire, plus question de demander au peuple de faire ou de défaire son avenir. Avec cet homme là, la République devient un jouet au service d’une oligarchie auto proclamée. Alors toute la gauche, absolument toute la gauche appelle à ce que la République redevienne irréprochable. Alors toute la gauche, absolument toute la gaucheinterpelle ce président monarque afin que le peuple fasse ou défasse le traité de Lisbonne. Car c’est comme ça dans la république lorsque le destin du peuple tout entier est en jeu. De droite ou de gauche, de gauche ou de droite, les présidents de la république française n’avaient jamais dérogé jusque là à cette grande tradition citoyenne.
Aussi, lorsque le président socialiste, aujourd’hui en fonction, marche dans les pas de Nicolas Sarkozy plutôt que dans ceux de François Mitterrand, il est normal, il est indispensable que la gauche, qui l’a porté au sommet de la Ve république, lui rappelle que c’est le peuple qui seul peut faire ou défaire son avenir.
Lorsque le premier ministre socialiste, en fonction aujourd’hui, menace la gauche qui rejette le TSCG, y compris dans ses propres rangs, et lui fait un procès d’intention parce qu’elle refuse de voir s’appliquer les règles d’or et autres dispositions qui dénaturent les fondements même de la république, il est normal que nous lui rappelions que c’est le peuple qui seul peut faire ou défaire son avenir.
Aussi, ne résistons nous pas et lui posons la question qui nous brûle si douloureusement les lèvres : comment se fait-il que l’appareil socialiste soit le seul qui se revendique de la gauche à approuver le TSCG ? Car désormais cet appareil est seul, absolument seul à gauche, à considérer que ce traité est favorable au peuple. Il est seul, absolument seul à gauche, à considérer que ce n’est pas au peuple de faire ou de défaire son devenir. Et c’est une vraie douleur de voir ainsi le parti de Mitterrand, le parti de Blum, le parti de Jaurès épouser les thèses et les méthodes du funeste Sarkozy.
Sydne93
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