Cécilia disperse les manifestations
Voilà, c’est fini. Le temps des rumeurs est clos, le couple présidentiel a vécu : Cécilia et Nicolas se sont séparés, en toute cordialité. La République s’en relèvera sans doute, la croissance on ne sait pas et les régimes spéciaux... quels régimes spéciaux ?
On nous avait promis un président moderne, en phase avec son temps, on est servi. Après le jogging, la famille recomposée, les vacances people, voici venu le temps du divorce. Rien que de plus banal, répandu, non exceptionnel qu’un divorce. L’idéal donc, pour un président qui s’est toujours voulu, dès le début, proche des gens, parlant comme eux, joggant comme eux, ayant des amis riches comme eux, aimant Mireille Mathieu et Michel Drucker comme eux. Et Enrico Macias aussi, et Bernard Laporte, bien sûr, et les pauvres, qu’il veut aider, en leur donnant, entre autre, la prime de Noël, mais pas seulement.
Nicolas Sarkozy, président aimé, était ces derniers temps en baisse dans les sondages. Son état de grâce semblait connaître un définitif coup de mou, les syndicats lui promettaient sa première journée « noire » et le XV de France de son ami Bernard se ramassait en demi-finale de la Coupe du monde de rugby après avoir sorti les Blacks. Tout semblait donc se colorer soudain en gris, surtout que l’ouverture sonnait soudain faux, avec certains « traîtres » (ou traîtresses) se laissant aller à quelques écarts de langage ou de conduite disgracieux. Et puis, ces rumeurs. Ces rumeurs d’abord, comme toutes les rumeurs d’aujourd’hui, issue d’internet, de ces blogs « citoyens » qui agacent tant les tenants du « vrai journalisme » (qui recoupent, comme on le sait, les informations avant de mettre les pieds dans le plat). Ces rumeurs donc, de séparation, de rupture définitive entre la première dame de France (déjà très intermittente dans son rôle) et son coureur (de jupons ?) de mari. Des rumeurs insistantes, auxquelles les sérieux patrons de presse (comme Laurent Joffrin) tentèrent de résister quelques jours avant d’y céder enfin, hier. En effet, hier donc, en lieu et place d’une une sur la grève massive qui s’annonçait, Libération « nouvelle formule » faisait ses gorges chaudes, et consacrait ses six premières pages (toutes travaillées en profondeur par de vrais journalistes bossant huit heures par jour, pas des glandeurs de blogueurs) au divorce annoncé entre Cécilia et Nicolas. Le temps des rumeurs avait vécu, les certitudes pointaient. Le Nouvel Observateur, sur son site avait vendu la mèche 24 heures avant Libé, mais tous étaient très en retard sur L’Est républicain (des amis de Cécilia) qui avait pondu l’info en début de semaine.
Hier, donc, ce pauvre David Martinon, prépubère porte-parole de l’Elysée, dut se résoudre à ravaler sa langue de bois et admettre que oui, bon, c’est bien vrai, Monsieur et Madame ne feront plus ménage ensemble. Divorce avec consentement mutuel, comme on dit, et tout s’est « très bien passé » selon l’avocate de l’ex-couple présidentiel. Un divorce, et alors ? Rien qui ne concerne que la vie privée, non ? Oui, mais comme notre rapido président avait fait de sa vie un roman, de ce roman son histoire et de son histoire la nôtre, tout cela nous concernait bien évidemment au plus haut point. Les Sarkozy qui divorcent, évidemment, c’était bien plus important, capital, passionnant et vertigineux qu’un énième mouvement de grèves des cheminots ou de je ne sais quelle corporation inquiète pour ses « régimes spéciaux ». Les Sarkozy qui divorcent, et voilà qu’une bonne partie de ce que JF Kahn appelle notre « monarchie » tangue soudain. Ciel ! Monsieur sera donc sans Dame ! Et que vont faire les enfants ? Bon on sait bien sûr que tous ne sont pas du Monsieur, mais quand même, comment tout cela va-t-il donc se goupiller ? Et Nicolas s’en remettra-t-il ? Dans quel état psychologique se trouve-t-il ? Est-il encore en mesure de tenir la barre ? Autant de questions qui font saliver les journalistes, les vrais, ceux qui en font profession bien sûr, de la presse people, c’est-à-dire de la grande majorité de la presse française, Libération « nouvelle formule » compris, Le Figaro compris, et même Le Monde. Tous ne parlent et n’écrivent que sur ça. Le divorce des Sarkozy. Qui intéresse bien plus les lecteurs que les régimes spéciaux de retraite. TF1 l’a bien compris (TF1 comprend plus vite que ses confrères où se situe le temps de cerveau disponible) qui hier soir a consacré au bas mot son premier quart d’heure (soit la moitié du journal) à cette affaire conjugale.
Pour une fois, et ça fait mal de l’écrire, Noël Mamère a raison de s’indigner. Henri Emmanuelli aussi. Ils ont raison de dire que Sarkozy, sur la communication autour de son divorce, a joué la montre, et s’est arrangé pour que son annonce squeeze sa première grosse confrontation sociale. Tout cela était très bien arrangé, calculé, subtilement chronométré. L’annonce officielle, en début d’après-midi, a même précédé de fort peu la mise en route de la plus grande manifestation à Paris. C’est que notre président, non content d’orchestrer et de mettre en scène ses joies, ses vacances, ses courses, sa transpiration, ses lunettes de soleil et ses tee-shirts, a aussi choisi d’orchestrer ses difficultés. Ses difficultés personnelles s’entend, celles qui sont à même de lui faire remonter la pente. Lui qui joue sans cesse de la compassion entend bien en attirer sur son dos. Nicolas Sarkozy savait depuis longtemps, plusieurs mois au moins, que Cécilia ne l’accompagnerait pas très loin dans son quinquennat. Restait à choisir le bon moment pour l’annoncer. Attendre le bon moment, c’est très politique cela. Le bon moment, c’est celui qui va changer le problème en profit. Gagner, gagner, ne jamais perdre. Ni la face ni autre chose. Nicolas Sarkozy a perdu une épouse, hier, mais il a étouffé la grève, comme on souffle sur une flamme. Pschiiit, ou pas loin.
Moderne, oui, Nicolas Sarkozy est un président moderne. Et sa famille recomposée a beau se décomposer à nouveau, il reste tout autant moderne, de l’époque. Mitterrand et Chirac apparaissent un peu plus antiques soudain, leurs premières dames bien sages et leurs maîtresses bien dissimulées. Sarkozy, lui, n’a jamais cherché à cacher ses difficultés, et s’est risqué aux faux bonds, répétés, de Cécilia, chez les Bush ou en Bulgarie. Il a risqué le ridicule, il l’a frôlé parfois. Mais ça sonne « authentique », et seul cela compte. L’authentique, c’est fédérateur en politique, c’est le tracteur de Bayrou ou les agneaux de Ségolène. Chez Sarkozy, c’est « mon divorce avec Cécilia », une cinglante « rupture » qui pourrait bien, pourtant, lui rapporter quelques points de popularité. Quant aux régimes spéciaux...
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