Chez Sanofi, les lobbyistes ne font pas les 35 heures !
Cette photo illustre un partenariat conclu il y a peu entre le président de Sanofi, Chris Viehbacher et André Syrota, directeur de l'INSERM. Ah au fait ! André Syrota est également celui qui a été fraichement mandaté pour diriger une mission ministérielle sur l'avenir du centre de Toulouse. Pratique !
Dans mon billet précédent, j'évoquais l'article hallucinant du Monde annonçant le recrutement par la Direction de Sanofi de l'un des plus grands cabinets de lobbying de Paris, très proche de François Hollande, Boury-Talon & Associés pour faire pression sur le gouvernement et retourner l'opinion publique contre leurs propres salariés. Quelques journaux ont alors spontanément publié des articles, le même jour, pour expliquer que Sanofi va mal, que la R&D ne trouve jamais rien alors qu'elle coûte très cher, et donc que Chris Viehbacher et Christian Lajoux n'ont d'autre choix que de se séparer de ces "bons-à-rien".
Acte I - Ils ne fichent rien !
Je vous prédisais dans mon article précédent que sous l'influence du cabinet Boury-Talon, nous devions assister à une vague médiatique structurée en 3 points destinée à déstabiliser les salariés de Sanofi.
Point 1 : Sanofi va mal
Point 2 : les chercheurs ne produisent rien et coûtent cher
Point 3 : il faut "restructurer"
Le Monde du 11/10/2012 illustre à merveille le point numéro 2 par un article intitulé "Sanofi accuse sa R&D de ne pas sortir assez de nouvelles molécules"
La première phrase de l'article n'est autre que : "La recherche de Sanofi va mal, très mal". Souvenez-vous, c'était le point 1.
La Direction de Sanofi vient de démarrer une opération d'envergure en utilisant leurs outils de lobbying contre leurs propres salariés. Les hostilités sont à présent largement engagées.
Acte II - Que la magie opère !
Le gouvernement de François Hollande qui s'affichait rappelons-le car c'est nécessaire, pendant la campagne présidentielle sous des couleurs socialistes vient comme par magie d'accepter le plan social de près d'un millier de personnes. Que voulez-vous ! Les temps sont durs pour la future première entreprise du CAC 40 !!!
Humilié, lâché par les siens, Arnaud Montebourg qui en s'accrochant avait pourtant réussi à rendre fous de colère Chris Viehbacher et Christian Lajoux les patrons Monde et France de Sanofi, doit à présent faire profil bas, limite s'excuser, et présenter les fruits du deal.
Que s'est-il donc passé ?
Jusqu'ici il était question de 914 licenciements auxquels s'ajouteraient probablement après réflexion les 640 salariés de Toulouse.
Et maintenant ?
"Sanofi annonce désormais zéro licenciement, se contentant exclusivement pour ses mesures de restructuration d'un plan de départs volontaires limité à 914 postes."
Il va falloir à présent les trouver les 914 "volontaires"... Et pour Toulouse ?
Le ministre a indiqué que Sanofi avait accepté que le site de Toulouse, dont l'avenir était incertain, fasse l'objet d'une mission ministérielle. Ce site de recherche emploie 640 personnes. « Sanofi intègrera la recommandation de la mission dans sa réflexion avec —je cite—+la volonté d'étudier toutes les solutions pour que le site garde, à terme, une vocation scientifique et technologique+ », a-t-il souligné.
Selon Le Monde du 11/10/2012, André Syrota, directeur général de l'INSERM dirigera cette mission ministérielle.
Le conflit d'intérêt qui tue
Sur le site même de Sanofi, nous apprenons que le labo a signé un partenariat avec la AVIESAN le 17 février 2010. Or le président d'AVIESAN n'est autre que ... André Syrota ! Je vous laisse apprécier l'émouvante photo où il se tient aux côtés de Chris Viehbacher.
Un autre communiqué plus récent, datant de juillet 2012 figure ici !
Quel subtil enfumage ! Montebourg nous explique donc que cette mission ministérielle présidée par un partenaire de Sanofi se contentera de donner à titre consultatif ses conclusions à la Direction de Sanofi qui en fera ce qu'elle veut ! Les politiques aux ordres des "patrons voyous", comme dirait le maire de Toulouse, on n'avait plus vu ça depuis l'ère Sarkozy.
En clair, absolument rien ne change.
Les syndicats ne s'y sont pas trompés. Ils se sont dit en "colère", mercredi 10 octobre, après les déclarations du ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, estimant qu'il n'y avait "absolument rien de changé" par rapport aux projets initiaux de la direction du laboratoire.
C'est le moins qu'on puisse dire !
Grâce à l'intervention du lobbyiste Paul Boury, Viehbacher a enfin obtenu auprès de François Hollande et Jean-Marc Ayrault ce qu'il voulait et offre une sortie honorable à Montebourg, le dindon de la farce en remplaçant les licenciements par des "départs volontaires". Il n'y a plus qu'à demander à quelques journalistes d'habiller cette victoire pour la Direction de Sanofi, qui au final n'a rien cédé, de telle sorte à ne tout de même pas nuire au gouvernement.
Et effectivement, depuis l'entrée en scène du cabinet Boury-Talon & Associés, le ton adopté par les médias commence comme prévu à changer. A des titres plus modérés et nuancés s'ajoutent des omissions salutaires.
"Sanofi : le site de Toulouse sera épargné" titrent les Echos.
Les Sanofi Toulouse attendent la confirmation de la bonne nouvelle
Reuters de son côté titre "Sanofi a retiré Toulouse de son plan, selon Montebourg"
"SUSPENSE autour d'UN SAUVETAGE - sanofi Le site toulousain devrait être épargné"
Dommage que les auteurs de ces quelques articles aient omis de mentionner cette mission ministérielle et surtout la nature des liens d'intérêt de son président chargé de soumettre ses conclusions à la direction de Sanofi "pour qu'elle y réfléchisse".
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