Chirac ou les feux de l’amour
Chirac part sur une ultime pirouette, après quarante ans de présence politique au plus haut niveau. Il s’en va sur une déclaration d’amour à la France et aux Français, une déclaration de midinette comme il n’en a jamais fait à sa femme.
Comme peut-être, il n’en fit jamais à aucune autre femme non plus. Même pas à son grand amour, une ancienne journaliste du Figaro pour laquelle il faillit tout envoyer promener, comme le révèle Giesbert dans son livre La Tragédie du président.
Ou alors on nous aurait menti, trompés, pendant ces quarante dernières
années. Et les journalistes politiques, si familiers du pouvoir
chiraquien, n’ont rien vu, rien entendu pendant tout ce temps. Car si Chirac finit sa carrière en romantique à la Chateaubriand,
faisant de l’amour le cœur de son message, il n’en a rien laissé
paraître auparavant. Douze ans à la tête de l’Etat, deux fois Premier
ministre (Giscard et Mitterrand), déjà ministre sous Pompidou, maire de Paris dès 1977, fondateur du RPR...
Une carrière riche, bien remplie, mais dans laquelle on cherche un
autre fil conducteur que l’appétit pour la conquête du pouvoir. Un
appétit carnassier chez un homme longtemps dénoncé par ses adversaires
comme un agité incontrôlable (tiens, comme Sarkozy aujourd’hui), mais pas comme un amoureux transi.
Un tiers-mondiste, deux tiers politicien
Car Chirac comme Mitterrand est un pragmatique, très peu idéologue, même si dans les entretiens avec Pierre Péan, (l’inconnu de l’Elysée)
il tente de se faire passer pour un tiers-mondiste de la première
heure. La vérité est que ce radical-socialiste à l’ancienne a oscillé
au gré de l’opinion publique, des alliances et de ses nombreux
conseillers qu’on lui reprocha souvent de trop écouter. Des affreux Juillet-Garaud à sa fille Claude aujourd’hui, en passant par Pasqua, Juppé, Balladur et Villepin,
Chirac a toujours eu besoin d’un alter ego, d’un « copain » dirait-on
dans la cour de récré, pour asseoir ses convictions politiques. Libéral
à l’époque Reagan-Thatcher, contempteur de la fracture sociale en 1995, tiers-mondiste et écolo aujourd’hui, il préparait sa sortie depuis plusieurs mois.
Contre les extrêmes
Seules convictions jamais démenties à ce jour, son opposition farouche
aux extrémismes et sa condamnation nette de l’antisémitisme et de la Shoah. Même s’il rencontra bien Le Pen comme le dit Pasqua, il n’eut de cesse de combattre toute idée d’alliance avec le Front national,
alors que ce mouvement le mettait plusieurs fois en difficulté. Sa
spectaculaire remontée dans l’opinion aux élections de 1995, alors qu’il
partait battu, l’a définitivement vacciné contre les sondages. Et il le
répète à tous, notamment à Nicolas Sarkozy, obsédé par les instituts et leurs chiffres quotidiens.
L’amour toujours
A l’heure où Chirac souhaite plutôt se consacrer à une grande cause
mondiale, comme la protection de la planète, la création d’une ONU
de l’environnement, on le voit mal rester dans la politique
franco-française. Contrairement à ceux qui l’imaginent président du
Sénat... Une fonction purement honorifique de rond-de-cuir qui irait mal
à un ancien président, tout comme le Conseil constitutionnel, où il a
nommé son fidèle Jean-Louis Debré.
Non, le romantique amoureux de la France qui fit sa déclaration à 74 ans passés veut maintenant que le monde entier l’aime. On fait difficilement plus narcissique. D.A.
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