Claude Allègre : de moins en moins seul contre tous
Avec superbe et fermeté, le géophysicien peut-être le plus médiatique de la planète, climat-sceptique ardent, répond, laconique, à ses détracteurs :
« Seul, j’ai plus de reconnaissance dans la communauté scientifique internationale que ces 400 pétitionnaires réunis » (voir plus loin). Bien qu’il eût préféré qu’on ne parlât pas trop de cette polémique qui bat son plein, il ne put s’y soustraire, en fin de conférence.
Invité par les amis des Universités de Strasbourg, l’ancien ministre de l’Education Nationale avait accepté de plancher sur un thème qui lui est cher à : « La science est la clé du XXI° siècle ».
Dans le grand amphi de la faculté de médecine, il a parlé plutôt que discouru, sans ésotérisme obscur, plutôt avec bonhomie, avec pour toute note une petite feuille jaune mystérieuse, devant un auditoire de forte concentration en matière grise de haute qualité comptant un prix Nobel de Chimie ( M. J-M Lehn), des membres de l’Institut, des directeurs de recherche, moult professeurs et assistants, toutes disciplines scientifiques confondues et des amateurs passionnés par le sujet ou intrigués par le personnage.
Pour Claude Allègre, la science est le moteur de l’Histoire.
Sans avoir recours à des rappels supposés acquis comme les révolutions antérieures ( néolithique, agricole, industrielle, informatique…), il a présenté d’emblée « un état des lieux » et les perspectives offertes par les progrès effrénés de la science qui en découlent dans tous les domaines.
Sobrement, il évoqua les incidences sur la vie sous toutes ses formes ( les biotechnologies en particulier), sur la terre, notre planète et le rapport à la nature, sur la structure de la matières (les nanotechnologies), sur les problèmes de l’énergie ( économies et innovations) etc … le tout de bon aloi mais sans palpitantes révélations.
Plus discutables, en toute bonne foi, sans doute un peu hâtives, les conclusions qu’il en tire pour les incidences sur la vie de nos sociétés. A titre d’exemple, l’allongement de la durée de la vie que ces progrès induisent, devrait permettre bientôt l’apparition de cellules familiales s’étendant sur six générations. Comment se transmettra alors le patrimoine ? Cet aspect peut tout de même être relégué au dernier rang des bonheurs et des préoccupations que cette nouvelle donne apportera. Non ?
Mais le scientifique donne peu dans l’affectif, il reste dur ( hard). Mais conscient de cette raideur parfois troublante, il ne se refuse pas une embardée sur les territoires réservés de ses collègues démographes, historiens, sociologues… médecins, mais là, il est plus réservé. On est en fac de médecine et les carabins sont nombreux.
Retour au « hard » pour ne pas omettre le problème des matières premières : il ne s’agit bien sûr pas de celles de la première révolution industrielle ( charbon, fer, plomb, cuivre …) mais de celles qui ne se trouvent dans l’écorce terrestre qu’à l’état de traces avec des noms compliqués, parmi lesquels le non initié ne retient que le lithium, et que requièrent en abondance les technologies les plus innovantes.
En ce qui concerne l’énergie, pas de carences à redouter avant quelques décennies : économies d’abord, recherche de consommations moins gourmandes et bien sûr, les énergies nouvelles dont il ne faut tout de même pas attendre des miracles ( hormis les réacteurs de 4° génération).
Mais les scientifiques doivent rester vigilants, intransigeants et se battre pour faire entendre « la vérité vraie », dans l’indépendance de l’Université qui doit être la garante de l’éthique. On boit du petit lait…
A toutes ces fins, un préalable pour l’ancien ministre de Lionel Jospin : une école renouvelée.
La rénovation de l’école ou de l’enseignement.
Le maître mot de cette rénovation serait : « retour aux fondamentaux ». Pour l’école primaire cela va de soi puisque Claude Allègre la « saute » allègrement pour en arriver au secondaire, premier et deuxième degré confondus sans que cela soit dit, car visiblement, sa préoccupation concerne surtout le supérieur et encore, en particulier le « hard », entendez les sciences dures en comparaison avec le « soft » des sciences dites humaines.
Ainsi pour lui, la chimie doit devenir une discipline centrale ( il y a un prix Nobel de chimie dans la salle) ; la physique une discipline de base forcément incontournable mais dans laquelle les progrès à réaliser sont moins impérieux tandis que les mathématiques, constituent l’élément fondamental de la formation de l’esprit et du raisonnement, en plus de l’outil indispensable bien sûr.
De surcroît, introduire des sciences humaines ( soft) dans le cursus universitaire « hard » ou dans les Grandes Ecoles, lui paraît indispensable. Et pour montrer sa belle…détermination, il rappelle que lors de son « ministère », il avait créé cinq postes de philosophie par an dans les universités scientifiques « hard ». Dont acte et silence !
Une particularité française consiste bien à n’accorder de crédit en toute matière qu’aux spécialistes patentés qui, de leur côté, doivent s’en tenir à leur domaine. Ceci est d’ailleurs tout aussi vrai dans les arts. Pas de violon d’Ingres donc !
On ne peut s’empêcher pourtant de penser à « l’honnête homme » de Montaigne, à la tête bien faite et désormais bien pleine dans sa discipline d’excellence. Comme Claude Allègre en somme.
La polémique.
Après la parution de « L’imposture climatique » livre dans lequel le géophysicien n’accorde qu’une moindre part à la responsabilité de l’homme dans ce qu’il préfère nommer changement plutôt que réchauffement climatique, l’iconoclaste réfute ipso facto les thèses forcément consensuelles du GIEC (Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’évolution du Climat). Il apporte d’autres explications ou tentatives d’explications à un phénomène trop complexe et trop mal connu pour aboutir à des conclusions aussi péremptoires. D’aucuns dans les milieux du « totalitarisme vert » l’ont traité de « négationniste ». C’était le cas de ces contradicteurs qui pour tout argument ne citaient que des extraits de Libération, journal qui a relayé largement les doléances adressées à la ministre Pécresse par plus de 400 experts pétitionnaires, blessés dans leur amour-propre par les réfutations de l’auteur. A sa réplique citée plus haut, Claude Allègre a ajouté à l’endroit des signataires : « Ils devraient avoir honte », estimant qu’on était revenu au temps des anathèmes… et peut-être un jour au retour des bûchers. Enfin l’homme est de taille à se défendre et rappelle qu’il a raison puisque dans les faits, depuis 10 ans, on assiste à un refroidissement…
Les applaudissements nourris ont salué son plaidoyer, peut-être parce que les savants n’apprécient guère les anathèmes, peut-être aussi parce que le personnage est habile et sympathique ou encore que la contestation a été maladroite et haineuse.
Enfin une certitude : qu’il ait raison ou tort, Claude Allègre est un homme de conviction et sincère.
Antoine Spohr
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