Le 22 décembre 1997 Lionel Jospin, Jean-Pierre Chevènement, Elisabeth Guigou et Dominique Strauss Kahn cosignaient le décret no 97-1171 portant majoration du plafond des dépenses électorales. Le 13 février 2001 les mêmes ministres l'abrogeaient.
Sans doute avaient-ils découverts que la mention : « Vu la loi 62-1292 du 6 novembre modifiée relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel, notamment son article 3, paragraphe II ; » de leur décret n'était pas compatible avec la loi citée. L'article 6 de la Constitution dispose que les modalités d'application de l'élection du Président de la République sont fixées par une loi organique.
Le Conseil Constitutionnel le rappelle le 11 janvier 1990 dans sa décision 89-263 DC déclarant non conforme à la Constitution le texte, adopté en lecture définitive par l'Assemblée nationale le 22 décembre 1989, de la loi relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques :
« 1. Considérant que la loi organique relative au financement de la campagne en vue de l'élection du Président de la République et de celle des députés comporte deux séries de dispositions ; que les articles premier, 2 et 3 qui ont trait à l'élection du Président de la République ressortissent effectivement au domaine de la loi organique en vertu du deuxième alinéa de l'article 6 de la Constitution. »
3. Considérant que dans la mesure où les dispositions nouvelles du code électoral relatives au financement des campagnes sont destinées à régir des matières qui ressortissent à la compétence de la loi organique, elles ne pouvaient être rendues applicables à ces matières que dans le respect des règles de la procédure législative régissant les lois organiques »
Et le 4 mai 1990 dans sa décision n° 90-273 DC relative à la loi 90-383 du 10 mai 1990 :
« 3. Considérant que l'article 1er fixe les nouvelles règles régissant la campagne en vue de l'élection du Président de la République ; que sont rendues applicables à cette élection, sous réserve de diverses adaptations, plusieurs dispositions du code électoral relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales telles qu'elles résultent de la loi du 15 janvier 1990 susvisée ;
8. Considérant que ces diverses dispositions sont relatives à l'élection du Président de la République ainsi qu'aux conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel veille à la régularité de cette élection ; qu'elles relèvent par suite du domaine d'intervention d'une loi organique en vertu des articles 6, alinéa 2, 58 et 63 de la Constitution. »
Les modifications et changements concernant le plafond des dépenses électorales relatives à la présidentielle sont du ressort du législatif et non de l'exécutif. En conséquence, un décret ne saurait modifier le plafond des dépenses électorales relatives à l'élection du Président de la République.
Le Conseil Constitutionnel le confirme le 11 janvier 95 dans sa décision n° 94-353/356 DC :
« 1. Considérant que la loi organique relative au financement de la campagne en vue de l'élection du Président de la République comporte un seul article destiné à remplacer l'article 2 de la loi organique modifiant diverses dispositions relatives à l'élection du Président de la République et à celle des députés à l'Assemblée nationale, afin de tenir compte des modifications du code électoral postérieurement introduites par la loi relative au financement de la vie politique définitivement adoptée par le Parlement le 23 décembre 1994 ; qu'il y a donc lieu de joindre ces deux lois organiques pour y statuer par une seule décision.
« 6. Considérant que l'article 3 ramène à 90 millions de francs le plafond des dépenses électorales autorisé applicable aux candidats présents au premier tour de scrutin et à 120 millions de francs le plafond applicable, le cas échéant, aux candidats présents au second tour de scrutin ; » (il s'agit de la modification de la loi 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection présidentielle effectuée conformément à l'alinéa 2 de l'article 6 la Constitution en vigueur sous le gouvernement d'Edouard Balladur).
Ainsi le 26 septembre 2002 en 2002 le Conseil Constitutionnel publie sa décision concernant le compte Chirac 2002 :
« 1. Considérant que le compte de campagne de M. Jacques CHIRAC a été déposé, conformément aux prescriptions du deuxième alinéa de l'article L. 52-12 du code électoral, dans le délai de deux mois suivant le tour de scrutin où l'élection a été acquise ;
2. Considérant que le compte de campagne du candidat est présenté en équilibre pour un montant total de recettes et de dépenses de 18 007 061,41 euros ;
3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-12 du code électoral : "Chaque candidat... soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle, par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. »
Aucun décret portant majoration du plafond des dépenses électorales et mentionnant la loi 62-1292 du 6 novembre 1962 n'étant, à l'époque, promulgué depuis l'abrogation du décret Jospin du 22 décembre 1997 par le décret Jospin du 13 février 2001, il ressort de ce rapport du Conseil Constitutionnel que le montant de dépenses électorales n'excède pas le plafond de 18 300 000 €.
De la même manière, le compte Le Pen 2002 fait apparaître un montant de 10 485 067,72 € euros et le compte Jospin 2002, candidat au premier tour, un total de 12 506 834 €, cette somme est qualifiée d' « inférieure au plafond de dépenses résultant de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 susvisée », le plafond est en effet de 13,7 millions € pour le premier tour, si le candidat a obtenu 5% des suffrages exprimés.
Il apparaît ici de manière incontestable que toute modification constitutionnelle du plafond des dépenses de campagne à l'élection présidentielle passe par une loi organique. La loi n° 62-292 du 6 novembre modifiée relative à cette élection dans sa version du 22 février 2007 dispose à l'alinéa 2 du paragraphe II de l'article 3 : « Le plafond des dépenses électorales prévu par l'article L. 52-11 du code électoral est fixé à 13,7 millions d'euros pour un candidat à l'élection du Président de la République. Il est porté à 18,3 millions d'euros pour chacun des candidats présents au second tour. » et l'alinéa 4 du paragraphe V du même article complète cette disposition d'une sanction en cas de dépassement : « Le remboursement forfaitaire n'est pas versé aux candidats qui ne se sont pas conformés aux prescriptions du deuxième alinéa du II du présent article. »
Ces deux dispositions n'ont pas été modifiées par les lois organiques suivantes n°99-209 du 19 mars 1999, n° 2001-100 du 5 février 2001, n° 2006-404 du 5 avril 2006 et n° 2007-223 du 21 février 2007, elles sont donc en vigueur pour l'élection présidentielle 2007.
Comment, après que la loi organique du 5 avril 2006, modifiant la loi 62-1292 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel, ait substitué la Commission nationale des comptes de campagne et de financements politiques (CNCCFP) au Conseil Constitutionnel, pour surveiller approuver ou rejeter le financement des campagnes de cette élection, expliquer qu' un simple décret portant majoration du plafond des dépenses électorales suffise pour changer celui des dépenses à l'élection présidentielle fixé par la loi organique ? Impensable ! N'est-ce-pas ?
C'est pourtant au décret n° 2004-140 du 12 février 2004 portant majoration des dépenses électorales que se réfère la décision du 4 mai 2006 de la CNCCFP pour définir le plafond au premier et au second tour de l'élection présidentielle en 2007 :
« Sous réserve de l'actualisation devant intervenir en 2007, les plafonds des dépenses électorales s'établissent à :
- 15,481 millions d'euros pour le premier tour ;
- 20,679 millions d'euros pour le second tour. »
C'est aussi au décret 2007-140 du 1er février 2007 abrogeant le précédent et appliquant un coefficient d'actualisation de 1,18 au plafond légal (respectivement de 13,7 et 18,3 millions pour le premier et le second tour de la « présidentielle ») fixé par la loi 62-1292 du 6 novembre 1962 que cette honorable autorité fait référence :
« Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le compte de campagne de Mme Ségolène Royal s'établit en dépenses à 20 615 776 €, se décomposant en 13 013 400 € de dépenses payées par le mandataire financier et 7 602 376 € de contributions des partis politiques ; que, par suite, le plafond des dépenses fixé par le décret du 1er février 2007 susvisé n'est pas dépassé. »
Ainsi les dépenses de campagne de Monsieur Sarkozy s'élèvent à 20 962 757€ au lieu des 18 300 000€ fixés aux candidats par la loi 62-1292 en vigueur en 2007.
« Considérant qu'en vertu de ces dispositions le remboursement forfaitaire maximal auquel peut prétendre M. Nicolas Sarkozy, présent au second tour de scrutin, est égal à la moitié du plafond des dépenses applicable aux candidats du second tour, soit 10 797 000 € »
Le CNCCFP accorde, sans le support de la moindre loi organique, en contravention à la loi 62-1292 et à l'article 6 de la Constitution un plafond de dépenses supérieur de 3 200 000 € à la limite légale. Ceci a pour conséquence de majorer de 18% la participation de l'Etat aux dépenses de campagne de tous les candidats selon la classe de remboursement (1/20ème du plafond pour ceux qui ont obtenu moins de 5% des suffrages exprimés, 50% du plafond pour ceux qui en ont 5% et plus) Ainsi les candidats Bayrou et Le Pen, dont les dépenses ne dépassaient pas le plafond fixé par la loi ont bénéficié d'un trop perçu de 1 233 000€ chacun.
Dommage pour eux ! Les candidats Sarkozy et Royal ont dépassé le plafond légal et risquent les conséquences prévues en la circonstance.
L'Etat a ainsi remboursé trop à l'ensemble des 10 candidats éliminés au premier tour et des 2 présents au second tour. Soit, pour les 10 candidats du premier tour un total de 3 254 396 € et de 3 233 200 aux 2 candidats au second.
La situation est d'autant plus embarrassante que, parmi les cosignataires des deux décrets mis en avant par la CNCCFP, il y a un ministre de l'intérieur, lui-même candidat, et de surcroît déclaré élu en dépit de l'irrégularité évidente.
Une irrégularité qui constitue une fraude électorale, selon la définition de la Direction de l'information légale et administrative. En effet, conformément à la loi (al.3 article L. 52.15 du code électoral), un tel dépassement aurait dû conduire la CNCCFP, à la saisine du Juge de l'élection (le Conseil Constitutionnel) lequel doit dans un tel cas se prononcer dans le cadre de l'article 118-3 du code électoral :
« Saisi par la commission instituée par l'article L. 52-14 (CNCCFP), le juge de l'élection peut déclarer inéligible pendant un an le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales.
Dans les autres cas, le juge de l'élection peut ne pas prononcer l'inéligibilité du candidat dont la bonne foi est établie, ou relever le candidat de cette inéligibilité.
Si le juge de l'élection a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection ou, si l'élection n'a pas été contestée, le déclare démissionnaire d'office. »
Qui donc est responsable d'une telle situation qui jette un doute malsain sur la transparence du financement des campagnes électorales ?
Les signataires du décret ? La décision de la CNCCFP ? Les deux parties conjointement ?
Il est totalement inexplicable que les experts de la CNCCFP aient pu délibérément commettre une telle bavure. Que l'expérience de l'équipe Jospin, Strauss Kahn et consorts achevée par une abrogation en février 2001 n'ait servi à personne, est peu concevable même si la maladresse socialiste n'avait en son temps soulevé aucune protestation elle n'a jamais été appliquée à l'élection présidentielle.
Cette infraction à l'article 6 de la Constitution et à la loi 62-1292 du 6 novembre 1962 jette une ombre sur l'élection présidentielle 2007 et spolie le Trésor Public. Il est cependant étrange que pas un seul des 12 candidats bénéficiaires des prodigalités de la CNCCFP n'ait protesté auprès du Conseil Constitutionnel pour avoir reçu plus que son dû légal.
Fortuite ou non une telle irrégularité montrent la qualité morale et l'aptitude constitutionnelle des représentants qui briguent le suffrage populaire et prétendent parler et agir au nom du peuple.
Voici qui est bien désespérant de la classe politique. Pas un député, pas un sénateur n'a pris la parole pour contester la légalité de la décision pour le moins maladroite de la CNCCFP après sa parution au J.O le 5 mai 2006. L'enveloppe budgétaire consacrée à l'élection présidentielle est pourtant partie intégrante de la loi de finance 2007 votée au dernier trimestre 2006 par le Parlement.
Alors faut-il s'étonner que tout aille à vau-l'eau dans ce pays ? Les représentants du peuple sont-ils bien dignes la confiance des électeurs. Où sont les Dupont Aignan, Asselineau, Montebourg, Strauss Kahn et Mélenchon et autres exemples de vertu démocratique et républicaine ?
Pour certains d’entre, nous cette situation juridique confine à la machination. Si celle-ci est avérée elle pourrait aboutir à démissionner l’actuel Président, ce qui plairait à l'immense majorité de nos compatriotes. Toutefois s’il est évident que l’article 6 de la constitution et le II de l’article 3 de la loi 62-1292 du 6 novembre 1962 ont été violés et s’il est possible que ceci résulte d’une manœuvre cela suppose que le Conseil Constitutionnel soit saisi de la chose. Par qui ? 60 députés ou sénateurs ayant soutenus, l’un ou l’autre des candidats en dépassement de plafond ? Tant pis pour les brebis, les loups ne se mangent pas entre eux !
S’il est avéré, ce qui est une présomption forte, compte tenu des compétences juridiques des ministres et membres de la CNCCFP, que cette situation irrégulière qui nuit à l’élection et au Trésor Public est l’aboutissement d’une manœuvre : elle constituerait une infraction, un abus d’autorité contre l’administration. En effet, la décision du 4 mai 2006 de la CNCCFP, initiée par le décret n° 2004-140 du 12 février 2004, a fait échec à l’application du plafond de la loi relative à l’élection présidentielle, condition nécessaire pour constituer l'infraction, et l’ensemble décret du 1 février 2007 - décision de la CNCCFP du 10 janvier 2008 a violé l’article 6 de la Constitution en modifiant une loi par un décret ministériel en lieu et place d’une loi organique.
Cette infraction ayant été suivie d’effet, l’Etat ayant remboursé plus que prévu par la loi aux candidats, elle expose ses auteurs aux sanctions prévues à l’article 432-2 du code pénal (10 ans de prison et 150 000€ d’amende) pour autant qu’elle soit considérée criminelle et non délictueuse : la prescription des délits étant de 3 ans à compter du jour où l’acte a été commis.
Non content, le Trésor Public ayant été floué de quelques millions d’euros, avec notamment le remboursement illégal des dépenses de deux candidats ayant dépassé le plafond légal, s’il est démontré que l’infraction constitue une appropriation frauduleuse d’un bien public par l’un ou plus des auteurs et qu'elle a été perpétrée en bande organisée selon la définition de l’article 132-71 du code pénal :
« Constitue une bande organisée au sens de la loi tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’une ou de plusieurs infractions ».
Ceux qui composent cette bande organisée encourraient les dispositions prévues à l’article 311-9 du code pénal : « Le vol en bande organisée est puni de quinze ans de réclusion criminelle et de 150 000 euros d'amende. » La prescription d’une telle infraction est de 10 ans.
Pour ce qui est du volet pénal, une association de contribuables ou défense des droits de l’homme (la séparation des pouvoirs de l’article 16 de la déclaration de 1789 ayant été violée par le gouvernement qui s'est substitué au législateur pour influencer de manière prohibée l’élection) est habilitée à porter plainte auprès du Procureur de la République ou du juge d’Instruction. Une dénonciation solidement justifiée peut faire l’affaire pour autant que le procureur décide d’y donner suite.
Vive la démocratie !