Commission Attali : les 15 ans du macronisme
C’est un anniversaire qui est bizarrement passé inaperçu. Pourtant, la commission Attali était le prélude à l’avènement d’Emmanuel Macron. Non seulement Jacques Attali l’avait choisi, mais elle marquait une étape de plus dans la convergence PS-UMP, Sarkozy demandant les conseils d’un ancien conseiller de Mitterrand, ainsi que l’accélération de l’alignement de notre pays sur l’idéologie dominante anglo-saxonne.
Technoligarchisme et déconstruction sociale
Bien sûr, la commission Attali n’a pas été le premier moment de convergence entre les partis dits de gouvernement. Le soutien quasi-unanime à l’Acte Unique en 1986 a été une première étape, mais le moment fondateur a probablement été 1992, quand des membres du PS et de l’UDF de l’époque avaient fait meetings communs pour défendre le traité de Maastricht. C’était aussi l’époque de la convergence Bérégovoy-Balladur de politique économique, entre austérité et défense d’un franc cher, à la parité fixe par rapport au deutsche mark. Ce fut un moment très formateur pour moi, qui ai eu 18 ans en 1992 et me suis structuré idéologiquement lors des débats de l’époque. Cet oligarchisme était alors appelé « pensée unique », alliance de monétarisme fou qui enrichissait les plus riches et accélérait notre désindustrialisation, et de déconstruction des services publics qui étaient pourtant une belle spécificité française.
Mais la commission Attali marque une double accélération fondamentale, symbolisée par le rôle qu’y joue Macron, rapporteur des premiers travaux, livrés en janvier 2008, et membre à part entière des seconds travaux commandés en 2010 . Première accélération : la convergence PS-LR. Cette commission, lancée dès la rentrée 2007, renforce le surprenant et non annoncé parti-pris d’ouverture à gauche de Sarkozy, qui en troubla beaucoup. Pourtant il avait fait campagne à droite, mais, au pouvoir, il prit le contre-pied de son positionnement de 2002 à 2007, en nommant des ministres venus de la gauche, et en demandant au conseiller le plus en vue de François Mitterrand d’animer une commission chargée de le nourrir en idées, soulignant a posteriori le vide de sa pensée, le ministre, puis candidat, n’étant que dans des postures. Cette commission était le prélude à la grande convergence qu’a orchestré Macron à partir de 2016.
Deuxième accélération : la convergence idéologique avec la pensée oligarchiste globalisée, dont les propositions de la commission Attali sont une compilation. Bien sûr, le processus avait commencé dès les années 1980 avec la séduction exercée par les idées de Thatcher et Reagan sur la droite comme le PS, acquis au monétarisme et à la libre-circulatoin des biens, des capitaux et des personnes. Mais ici, voici plus de 300 propositions venues des deux côtés du spectre politique : mises en place ensemble, comme ses promoteurs le recommandent, cela représente une forme d’alignement de grande échelle de la France à l’agenda oligarchiste. Si Sarkozy refuse certaines propositions, comme la suppression des départements, bien de ces propositions, mais pas toutes, finiront par trouver une concrétisation, sous Sarkozy, et bien plus encore sous Hollande, qui prit les conseils de Louis Gallois, et efin Macron.
Pour couronner le tout, il faut rappeler le rôle de McKinsey, qui orchestra les travaux, même si Wikipédia semble avoir oublié de mentionner le point, se contentant de rappeler que le patron d’alors du cabinet de conseil en stratégie faisait partie des membres de la commission. Ce faisant, ce rapport distille une pensée que l’on pourrait qualifier de technoligarchisme, l’idéologie d’une élite technocratique qui croit sans doute sincèrement qu’il faut servir les intérêts des multinationales et des plus riches, en espérant vainement qu’un ruissellement s’en suive… C’est ce qui a mené à la création du « marché » européen de l’électricité et au début du démantèlement d’EDF, avec le succès que l’on sait aujourd’hui. C’est aussi ce qui a mené à l’appauvrissement dramatique de notre système de santé ou de notre éducation nationale, notamment en permettant aux multinationales de ne plus payer une juste part.
La commission Attali, c’est à la fois l’uberisation, à travers d’innombrables déconstructions du droit du travail, et donc la précarisation d’une immense partie de la population active, et une envolée des aides aux entreprises, passées de 100 à 200 milliards dans le même temps. Quinze ans après, le bilan est calamiteux : le coût social colossal n’a pas produit de richesse ou redresser notre commerce, au contraire.
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