Congrès de Reims : et un, et deux et trois candidats
La bataille des ego ne s’arrêtera pas avec le Congrès de Reims. Trois candidats ont en effet annoncé leur candidature pour prendre la tête du PS, les militants devront les départager jeudi. Le premier secrétaire se devant d’être élu à la majorité absolue, il est donc possible qu’un second tour ait lieu vendredi. Trois bulletins seront à leur disposition, Martine Aubry (motion C), Benoît Hamon (motion D) et Ségolène Royal issue de la motion E.

Ces trois candidats ont eu un quart d’heure pour annoncer leur candidature. Sans surprise Ségolène Royal s’est présentée en rassembleuse, Martine Aubry semble vouloir prendre la tête d’un nouveau TSS (Tout Sauf Ségolène) alors que Benoît Hamon se présente comme le candidat du renouvellement du parti.
Pour commencer par Ségolène Royal, elle a une nouvelle fois mis en pratique la technique du rabâchage. Passé le petit mot d’introduction pour remercier son équipe Ségolène Royal a réussi en l’espace de trois minutes à dire deux fois le mot rassembler, une fois rassemblement, une fois réunir, deux fois unité et à placer cette anaphore : « Le Parti a besoin de tous, de tous ses militants bien sûr, de tous ses élus, de tous ses responsables nationaux et fédéraux, de tous ses secrétaires de section et de tous ceux et celles qui nous rejoindrons. » tout en utilisant des formules comme « tout le monde » ou « tous les militants ». Si toutefois tous les militants n’avaient pas compris qu’elle se présentait comme une candidate rassembleuse, elle a fait quelques piqures de rappel :au milieu du discours en affirmant qu’elle souhaite « rassembler nos forces, nos talents, nos volontés et tous nos courages. » puis en conclusion où elle affirme que son équipe « a vocation à s’élargir et à rassembler tous les socialistes ». Au cas où le message ne soit pas clair, quelques secondes avant de libérer le pupitre elle lâche un « Rassemblons-nous ». En dehors de ces appels à l’unité le message de Ségolène Royal est assez simple, la France a besoin d’une opposition solide qu’elle souhaite incarner en étant premier secrétaire du parti socialiste. Elle s’en est aussi un peu pris aux responsables de la crise économique avec des formules qu’elle apprécie tellement comme « la secte dorée des intégristes du marché » ou « ces acrobates de la mathématique financière ». Personnellement mon passage préféré est le suivant : « ils y mettaient de l’entrain ces idéologues suffisants attachés à détruire sous toutes les latitudes, l’Etat qu’aujourd’hui ils appellent au secours, comme on appelle un domestique pour qu’il éponge les dégâts d’une fête trop arrosée ! ».
Le message de Martine Aubry était un peu plus difficile à faire passer clairement. Elle est la candidate anti-Ségolène sans pouvoir le dire. Son discours va faire appel à un processus qui le rend quasiment insupportable, pour ne pas donner de nom on va appeler les camarades par leur motion. A 19 reprises Martine Aubry va employer ce mot motion. 19 fois en quelques minutes, on est proche de la saturation. La motion visée est bien sûr la motion A, celle de Bertrand Delanoë. Cette motion a obtenu plus de 30 000 voix la semaine passée et se trouve aujourd’hui sans candidat. Les deux candidats avaient d’ailleurs obtenu environ 25% des voix chacun, Martine Aubry sachant bien compter 25+25 = 50. Si elle récupère les voix de la motion A, elle pourrait être élue au premier tour. Tout au long de son discours elle va donc utiliser des expressions telles que « cette analyse, nous la partageons avec les camarades de la motion A et de la motion C » (Dans cette formule on a en plus un appel du pied aux partisans de Benoît Hamon pourtant candidat, ceci préfacerait-il une alliance dans le cas d’un éventuel second tour ?). Elle fera souvent allusion aux motions A, C et D (Delanoë, Hamon, et elle-même) qui remplacent en fait l’expression Tous Sauf Ségolène Royal. Elle conclut son discours en saluant « Bertrand » et « Benoît » mais les électeurs du premier sont bien sa cible puisque ce n’est certainement pas un hasard si le dernier « mot » de son discours est « motion A ».
Benoît Hamon joue son rôle de challenger. Il représente la gauche du parti et pourrait bien obtenir une minorité de blocage. On peut imaginer que les deux candidates obtiennent chacune un peu moins de 40% des voix et que lui obtienne un peu plus de 20%. Dans ce cas de figure ce serait la candidate qui s’allierait avec lui qui gagnerait vraisemblablement le poste. Il va essayer de profiter de cette position pour tirer un peu le parti vers sa gauche. C’est d’ailleurs le candidat qui a fait le discours le plus conséquent. Le seul à avoir mis en avant des idées et presque un programme. Toutefois, il sent aussi qu’il a une carte à jouer et pour cela il se présente comme le candidat du changement. En deux phrases et moins d’une minute il va réussir à placer deux fois le mot changement et deux fois le verbe changer. Il affiche clairement ses idées, pour lui « les militants ont indiqué clairement leur souhait que le Parti socialiste soit ancré à gauche ». Si jamais il n’emporte pas l’investiture du parti, il donne deux conditions claires pour céder ses voix, il faudra interdire le licenciement des entreprises qui font du profit (« on continue de licencier dans des entreprises profitables, c’est inacceptable. ») et aucune alliance avec le MoDem n’est envisageable (« je considère aujourd’hui que l’alliance avec le MoDem est dangereuse »).
Trois candidats, un vrai débat sur l’orientation du parti mais aussi un combat des chefs. Une candidate qui se sent portée par les militants bien que sa base semble plus fragile qu’au moment de l’investiture pour la présidentielle de 2007 ; une candidate qui est prête à abattre cette première ; et un arbitre, un jeune quadra à gauche du parti qui pourrait bien être la clé de ce scrutin s’il devait se dérouler en deux tours. Affaire à suivre, souhaitons pour eux que le candidat qui aura les clés du parti la semaine prochaine réussisse à fédérer le parti socialiste.
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