Contribuables, veuillez régler l’addition !
En guise de préliminaire, rappelons ceci : "Tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée". Article 14, Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789.
L’affaire (voir chronologie) qui opposait le groupe B. Tapie au consortium de réalisation [1] est emblématique du fait, qu’in fine, c’est toujours le contribuable, cette masse informe et globale, qui paye l’addition des incompétences de certains de nos dirigeants les plus hauts. Mais derrière cette affaire exemplaire, se cache l’aspect immergé de l’ardoise dont tout un chacun est en train de s’acquitter, la bien nommée déroute financière du Crédit lyonnais, grande banque publique dont la gestion des actifs compromis a été remise entre les mains d’une structure de défaisance [2], le fameux CDR, aujourd’hui éteint.

Ce lundi 14 juillet chacun aura pu prendre connaissance de la décision rendue par le tribunal arbitral dans l’affaire B. Tapie contre CDR, feuilleton qui dure depuis treize années. Largement favorable à l’ex-homme d’affaires, puisque lui octroyant la somme mirifique de 240 millions d’euros, à laquelle se rajoute 45 millions de dommages et intérêts pour préjudice moral, sans oublier les intérêts sur la somme principale, soit un total de 450 millions d’euros !
Pharaonique, voilà ce que tout foyer fiscal a dû s’exclamer en entendant pareil chiffre. Mais, se voulant rassurant, Bercy, dans un communiqué s’empresse de chanter que la quasi-totalité de cette somme retournera illico presto dans les caisses de l’État, B. Tapie étant débiteur d’une imposition tout autant faramineuse. Ce qui laisserait à penser, qu’en fait, par un coup de baguette magique, le contribuable ne sera pas sollicité, soit une manœuvre comme pour éviter toute manifestation de mécontentement de citoyens qui souhaiteraient faire entendre bruyamment leur fort désappointement. Ce que suggérait par ailleurs un sieur Bayrou tout bonnement effaré.
Mais cela ne trompera pas son monde, et personne ne sera dupe, puisqu’en réalité, c’est le CDR qui réglera la note par le truchement d’une dotation budgétaire déjà versée par l’État audit organisme, et chacun sait d’où proviennent les recettes budgétaires, là-dessus point de mystère.
Dès lors, n’est-on pas en droit de nous demander pourquoi la voix judiciaire n’a pas été privilégiée alors qu’en 2006 la Cour de cassation avait invalidé un jugement rendu par la Cour d’appel et qui était favorable au groupe B. Tapie, lui allouant la somme de 135 millions d’euros. Alors pourquoi s’en être remis à un tribunal arbitral qui vient de rendre cette décision ? N’y aurait-il pas eu quelques petits arrangements en famille ? Toute cette affaire ne peut que laisser un goût amer dans la bouche des contribuables que nous sommes !
Mais, cette affaire ne fait que masquer l’ardoise monumentale, et encore non définitive, dans la vaste déroute financière du Crédit lyonnais, le montant actuel s’élevant à environ 16 milliards d’euros ! Oui vous avez bien lu, et c’est une somme non définitive. Mais c’est bien le contribuable, cette masse informe qui prend l’aspect d’une vache à lait que l’Etat peut traire à souhait, qui est déjà en train d’éponger ce trou immense.
Mais qu’on ne s’y trompe pas, l’idée n’est aucunement de critiquer notre système de redistribution, ou de tenir un discours de réactionnaire poujadiste sur le retour. Non, mais ce que l’on est en droit d’exiger de nos responsables, hauts fonctionnaires de l’État et élus principalement, c’est de produire une gestion en « bon père de famille » des deniers de la nation.
De telles débâcles financières sont insupportables, imputables à de réelles incompétences, et les responsables peuvent percevoir des indemnités astrophysiques en remerciements pour leur gestion calamiteuse, un comble.
Dans ce sens, chaque année, la Cour des comptes produit un travail remarquable [3] quant à l’utilisation des deniers publics, et il n’est pas une mouture qui ne pointe du doigt les dérives, les gaspillages monstrueux, les projets absurdes, et autres gabegies improbables ! Et pourtant, rares sont les sanctions, rares sont les responsabilités engagées, comme si tout cela se délitait dans la complexité des comptes de la nation. Par contre, quoi qu’il advienne c’est toujours au citoyen qu’il incombe de combler les conséquences financières de ces agissements irresponsables. Il n’est qu’à lire ce qu’écrivaient les magistrats de la Cour des comptes dans leur rapport de février 2008 sur la gestion des défaisances :
L’examen de la gestion des défaisances faisait ressortir une oscillation de la stratégie de l’Etat entre une optique liquidative et une optique patrimoniale, des dérives en matière de rémunérations et d’indemnités de départ des dirigeants, une insuffisante maîtrise des honoraires d’avocats et de banques conseil, les déficiences des systèmes d’information et le caractère peu transparent, voire irrégulier des méthodes comptables. Le coût de l’intervention de l’Etat dans cette crise était alors estimé entre 20,6 et 22 Md€ (valeur 1999).
Mais encore : Le bilan financier global des défaisances, qui ne sera connu définitivement que dans quelques années, peut être estimé aujourd’hui à 20,7 Md€ [4] en valeur actuelle 2007 [5].
C’est dire l’ampleur des dégâts, mais les hauts magistrats de préciser que ces structures ne pensent qu’à transférer vers l’Etat la profondeur abyssale des pertes financières ! De plus, la gestion même de la dette a généré un accroissement de cette dernière. Décidément, il y a de l’entropie dans les finances publiques.
A ce titre, il existe aussi des chambres régionales de la Cour des comptes [6], chacun est invité à consulter leurs conclusions, et de ne pas hésiter à s’appuyer sur ses productions afin de mettre du poids dans les revendications que l’on peut avoir à l’endroit de nos élus et hauts responsables.
Dès lors, pourquoi les citoyens devraient toujours faire les frais de ces inconstances, de ces inconduites notoires, sans se révolter, sans faire entendre leur voix.
En effet, d’un côté, il faut couvrir les agissements irresponsables de certains de nos décideurs, et de l’autre, entériner la suppression massive du nombre de fonctionnaires - ce n’est là qu’un exemple des coupes franches proposées par nos décideurs actuels. Non content d’être incompétents, et parfois même malveillants, c’est aussi faire preuve d’un esprit parfaitement non congruent, n’est-il pas ?
Enfin, pour faire suite à toutes ces affaires, nous invitons les citoyens à écrire à notre plus haut responsable afin de signifier leur profond mécontentement quant aux mauvaises habitudes de gestion des deniers publics, ainsi que leur refus d’alimenter les comptes bancaires de quelques affairistes. Nous n’en sommes plus à un timbre près, par contre si quelques millions de missives de contribuables en colère parvenaient à l’Élysée, peut-être que le message aurait quelque écho. Certes, notre président actuel ne peut être tenu pour responsable de ces dérives, mais gageons qu’il saura relayer le message à ses plus proches collaborateurs et autres amis membres de la finance internationale.
[1] Loi portant création du consortium de réalisation.
[2] On désigne par structures de défaisance à la fois les sociétés où sont cantonnés des actifs compromis et les organismes qui les financent.
[3] Rapport annuel de la Cour des comptes, version intégrale, année 2008.
[4] Cette somme représente par exemple 3 fois la somme allouée au fonctionnement de la justice, Cf. le projet de loi de finances 2008.
[5] A lire toute affaire cessante : Rapport public annuel de la Cour des comptes, in partie I, la gestion des défaisances, février 2008.
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