Covid-19, un temps mort technique pour évaluer la situation
Lors d’un match de volley-ball, lorsqu’une équipe est dépassée par l’adversaire, l’entraîneur demande un temps mort technique. Pour le coronavirus, il est temps de prendre un temps mort tant nous sommes dépassés par le flot d’informations et d’avis contradictoires. Il n’y a que deux questions. Pour les populations c’est l’inquiétude et la crainte d’une menace qui interroge. Pour les autorités, c’est de savoir quel est le curseur et quelles mesures prendre. Et comme nous sommes dans un système complexe, les deux sous-systèmes interagissent. L’Etat peut affoler les gens et s’efforce de ne pas laisser planer un équivoque sur le sens des mesures adoptées tout en dispensant une communication raisonnée mais rassurante. Ce n’est pas facile car lorsque l’on voit comment la Chine et l’Italie ont réagi et comment la France se prépare, le citoyen se demande légitimement quelle est l’intensité de la menace. En sachant, faut-il le répéter une fois de plus, que le citoyen a peur d’attraper le virus, d’être gravement malade, de ne pas être pris en charge et quelque fois d’être à court de papier toilette (Pour l’instant, soyez rassurés, il y a des pâtes dans les magasins et même celles d’une grande marque italienne). En revanche, la préoccupation du système de santé est toute autre. Il s’agit de ne pas être débordé, de réguler le flux des patients dans les unités de soins plus ou moins intensifs et d’éviter le cruel dilemme qu’ont connu les Italiens ; devoir trier les patients. Cette situation est impensable en France, pays où règne l’universel. Un système de santé universel ne peut pas trier les malades !
Il y a deux possibilités. A : la situation est périlleuse ou B : ce n’est qu’une forme de grippe agressive. Est-ce si grave ?
L’expert A étudie les chiffres venus de Chine, d’Iran, d’Italie et croit à un taux de létalité autour de 2%. Il examine les rapports cliniques et notamment un article publié le 28 février dans le New england journal of medecine dans lequel des médecins chinois font état d’affections graves et relativement nombreuses, des pneumonies pour la plupart, présentes dans 90% des cas. Encore faut-il préciser que cette étude clinique effectuée sur quelque 1000 personnes ne concerne que des patient pris en charge en unité de soins intensifs et souvent bénéficiant d’une assistance respiratoire. En Italie, les témoignages font également état d’un tableau sombre et nos experts en santé publique, surtout ceux qui sont sur le front, pensent que le choc frontal avec la maladie sera de grande intensité.
L’expert B fait alors remarquer qu’il est logique de voir un tableau clinique si sombre pour ces patients puisqu’ils ont été pris en charge par des USI avec un séjour médian de 12 j. Ce qui importe c’est le taux de létalité. En France, quelques experts en infectiologie ou en médecine générale ont affirmé que la létalité corrigée pourrait être largement inférieure à 1%. Le bon sens suffit à comprendre que les optimistes, comme votre serviteur, sont des observateurs peu ou prou détachés et ça change tout.
Qui sont les patients gravement atteints ou décédés ?
L’expert A reconnaît une chose, les jeunes ne sont pratiquement pas impactés. En revanche, les chiffres montrent que si la grippe affecte gravement un public très âgé, le coronavirus frappe les vieillards mais aussi les adultes d’âge intermédiaire, entre 30 et 65 ans. Et que quelque rares sujets apparemment en bonne santé puissent décéder du Covid-19. Il observe la situation en Italie et un bilan qui dépasse les 500 morts. Et comme l’époque est surmédiatisée alors que les gens sont devenus émotifs et parfois obessionnants (néologisme), il suffit d’un cas exemplaire pour influer sur l’opinion. Cela s’est passé en Iran avec une jeune sportive décédée du virus et en Italie avec un quadra costaud et sportif placé en réanimation et maintenant sorti d’affaire : « Depuis mi-février, toute l’Italie respire au rythme de Mattia. Âgé de 38 ans, le « patient 1 » du coronavirus sur la péninsule, jeune, sportif, et apparemment en bonne santé avant l’infection, vient de quitter le département de soins intensifs de la polyclinique de Pavie (Lombardie) après trois semaines d’hospitalisation sous respiration artificielle. Ce cadre de la multinationale Unilever installée à Casalpusterlengo, commune lombarde de 15.000 âmes, entame donc un long chemin vers la guérison » (Figaro, 10/02/20).
Le directeur de la santé annonce ce 11 mars un chiffre de quelque 105 patients en réanimation et détectés viropositifs. Chaque année, la grippe génère son cortège de malade en réanimation. Par exemple ceci : « Depuis le 1er novembre, la grippe a provoqué 31 décès et 434 admissions en réanimation, principalement chez des moins de 65 ans. Sans facteur de risque dans un cas sur quatre. » (La Croix, 08/01/18). Le nombre de patients Covid-19 en réanimation pourrait dépasser de beaucoup le chiffre moyen caractéristique de la grippe. C’est une possibilité, que redoutent du reste les autorités. Mais rien n’est certain.
L’expert B insiste sur les facteurs de comorbidité et fera remarquer qu’il arrive aussi que des patients sans affections particulières puissent décéder d’une grippe. C’est ce qui arrive chez des sujets jeunes mais aussi d’un âge conséquent. Et chaque année, des sujets sans antécédents ni risques sont admis en réanimation pour des syndromes grippaux qui ne sont pas forcément liés à la présence de l’agent grippal mais à d’autres virus parfois plus dangereux mais rares. Le virus de la grippe est présent dans moins d’une admission sur deux et les patients en bon état représentent une part non négligeable des pris en charge (cf. plus faut). Le Covid-19 ne serait qu’une grippe très sévère dont l’impact local génère des situations sanitaires parfois hors de contrôle.
Le cas de l’Italie nous interroge. Pourquoi tous ces morts et comment sont-ils comptabilisés ? Imaginons une grippe sévère que l’on suivrait avec le même empressement que le Covid-19, avec des tests effectués et une recension journalière des décès. N’aurions-nous pas un spectre similaire ? Une grippe sévère fait quelque 10 000 morts. Lorsque le seuil épidémique est atteint, un chiffre de 50 à 100 morts par jour est plausible. Un autre problème se dessine. Parmi les patients pris en charge par les hôpitaux, certains n’ont rien à y faire et pourraient rester chez eux. Face au Covid-19, L’hôpital doit tester un système de soins pour des cas gravissimes et non pas un espace servant à confiner des personnes testées positives et présentant quelques signes grippaux. Si le nombre de patients admis en réanimation dépasse de beaucoup celui constaté chaque année pour les grippes et autres affections respiratoires, alors les experts B devront revoir leur copie et reconnaître que le coronavirus nouveau frappe avec une puissance bien au-dessus de la moyenne. D’ici deux mois, nous saurons si les cas graves sont chiffrés en centaines ou en milliers.
Mais une chose semble certaine. Il n'y a pas de différence majeure entre le profil des patients en réanimation atteints par le Covid-19 et les patients admis chaque année pour des cas graves d'affections respiratoires causées par plus d'une dizaine d'agents pathogènes
Comment expliquer les différences d’un pays à un autre ?
L’explication la plus plausible reste le décalage. En France, Allemagne ou Espagne, la situation devrait finir par ressembler à celle de l’Iran ou l’Italie avec un décalage de quelques semaines. Une autre explication d’ordre scientifique suggère que des types viraux plus ou moins agressifs circuleraient. Il a été dit qu’une mutation d’une seule base transforme un gène en oncogène. Alors quelque 4 à 6 bases de génome viral pourraient modifier la donne. Soyez néanmoins prudents avec cette comparaison. Un oncogène est placé au cœur du génome humain, alors qu’un génome viral libellé en ARN d’atteint que le cytoplasme. Toujours est-il que des virologues chinois ont analysés une centaine de virus et établi l’existence probable de deux clades (types), l’un agressif et l’autre un peu moins. L’hypothèse du décalage semble néanmoins plus plausible.
Comment trancher ?
Il n’y a aucun moyen de trancher si bien que chaque personne attentive à cette situation, en position d’acteur ou d’observateur, située dans un milieu donné, aura une opinion contrastée. Les situations sanitaire, sociale et politique, sont amenées à évoluer de semaine en semaine et comme bien souvent, ce n’est qu’à la fin de cette histoire que la signification pourrait se dessiner avec une plus clarté. Ce qui signifie que des éléments nouveaux risquent d’arriver, complétant ainsi cet étrange épisode, et que des choses ne sautant pas aux yeux actuellement pourraient être clarifiées d’ici quelques mois ou plus.
Au final, c’est une incertitude qui diminue et un savoir qui se précise de jour en jour mais la situation reste inquiétante. Il faut faire un point sur le déroulement de la partie. Ce jeudi 12 mars, le président Macron parle à la télévision. C’est en quelque sorte un temps mort technique, une interruption des programmes, pour faire le point sur le match contre le virus et dire comment il faut jouer la partie.
Mais quoi que puisse dire le président, je reste sur mes positions que j'affine. Quelque chose ne colle pas dans cette histoire. Il n'y a pas de complot, il manque juste des pièces pour reconstituer le puzzle.
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