Cycles de 22 ans. Pertinence ? Utilité ? D.Cameron vs F.Hollande ? Printemps arabes ?
En France, de quelles dates vous souvenez-vous au 19e siècle ? 1848, 1870, 1804 (sacre de Napoléon empereur),assurément, et 1815 (retour et abdication de Napoléon) très probablement. Et 1789 - 1793 pour la fin du 18e siècle. Ou l'histoire était déjà mal enseignée ?
Et au 20e siècle, en France toujours ? 1914-1918, 1939-1945, 1968. Ce qui correspond systématiquement à un écart de 21 à 23 ans.
Si l'on étend au monde, la Chute du Mur de Berlin (1989) et l'effondrement de l'URSS (1990) est incontestablement une autre date majeure, et entre 1917 et 1990 le délai est de 73 ans, soit 3 fois 24 ans. Et 69 = 3 x 23 ans si l'on tient compte de la durée de la 2e guerre.
Et (Wikipedia) "le « Mai français » s'inscrit par ailleurs dans un ensemble d'événements dans les milieux étudiants et ouvriers d'un grand nombre de pays. Il ne se comprend pas sans ce contexte d'ébullition générale de part et d’autre du Rideau de fer, notamment en Allemagne, en Italie, aux États-Unis, au Japon, au Mexique et au Brésil, sans oublier la Tchécoslovaquie du printemps de Prague ou la Chine de la Révolution culturelle."
Cette durée de 22 ans n'est-elle pas un peu troublante ? Surtout si un travail d'historiens, sur plusieurs siècles, au Royaume Uni et aux Etats-Unis aboutit à la même durée de 20-22 ans ?
Ce court article prolonge deux articles récents sur Agoravox (la situation en Israel, et le crash A400M), et les commentaires correspondants.
Car ces réactions montrent une certaine incompréhension. Certains commentaires semblent même épidermiques, sans référence précise à l'article, laissant entendre que l'article n'a été que survolé. Mais supposer qu'une partie significative des lecteurs allait lire les articles cités en référence était probablement une erreur de notre part.
Nous répondons ici brièvement à deux questions fondamentales.
1. Les cycles sont-ils mécaniques, inéluctables ? Avec des effets garantis ?
Parler de cycles n'est pas nouveau, c'est d'ailleurs une évidence dans le domaine économique ou financier. Mais la durée de ces cycles fait l'objet de débats.(3 à 4 ans, 8 à 10 ans, 15 à 25 ans, 40 à 60 ans).
Et surtout certains ont cru qu'il suffisait d'attendre le retournement du cycle, notre Président notamment, pour constater une amélioration significative des données économiques fondamentales.
Alors que les économistes savent bien, et disent depuis des années, que la reprise arrivant à la fin d'un cycle profitera d'abord et surtout aux pays qui auront fait des réformes structurelles. Réformes qui leur permettent de profiter à plein de l'amélioration des paramètres économiques dès qu'elle se concrétise, alors que les autres pays sont nécessairement freinés par leurs pesanteurs héritées d'un autre âge.
D'ailleurs les succès économiques de Cameron en Grande Bretagne incontestables depuis plusieurs mois, et son éclatante réélection il y a quelques jours, ne montrent-ils pas que faire des réformes drastiques, et impopulaires, au début d'un mandat est la manière la plus efficace de redresser l'économie d'un pays ? Malgré les mesures de Cameron 'cassant la croissance', le PIB britannique est revenu à un niveau plus haut qu'avant la crise de 2008, alors que ce n'est pas encore le cas en France.
Et François Hollande a eu bien tort d'écouter les conseils de Karine Berger, adepte d'une lecture mécanique des cycles économiques et auteur en 2011 avec Valérie Rabault, du livre "Les Trente glorieuses sont devant nous". Come nous le lecteur a pu constater la puissance des nouvelles Trente Glorieuses depuis le retour de la gauche au pouvoir... Car "les choix audacieux" que demandaient les auteurs sont trop marqués par l'ultra-keynesianisme des années 1981, dont nous payoins le prix en France depuis plus de 3 décennies. Et la France, dans un système globalisé, ne peut se permettre de raisonner comme si les frontières existaient encore.
Donc non, les théories des cycles ne sont pas à prendre comme mécaniques. Inéluctables, et donnant à penser qu'il serait impossible d'agir sur leurs fondamentaux. Bien au contraire !
Ainsi, sur un autre registre, dans notre article récent, nous disions que la société israélienne était prête au changement, ce que nous maintenons. Mais cela n'a pas empêché B. Netanyaou de se faire réélire aux dernières élections législatives..Car le Premier Ministre sortant a pu se servir d'évéments tragiques quelques jours avant l'élection, pour faire peur et justifier sa politique 'sécuritaire'. Ce qui malheureusement risque fort de mener à de bien plus graves problèmes dans la région, un peu plus tard.
Remarquons aussi que nous avons élargi la question sur (tous) les cycles économiques, et pas sur notre durée 'historique' d'environ 22 ans, qui correspond exactement à la théorie de Strauss-Howe, qui résulte de l'analyse sur plusieurs siècles en Grande Bretagne et aux Etats Unis.
2. A quoi donc peut bien servir la théorie des 22 ans ?
Pour nous il s'agit surtout de mieux percevoir ce qu'un peuple attend, ce qu'une situation économique permet. Et donc de prendre des décisions plus adaptées.
Par exemple, les hommes politiques en 1967 en France auraient pu être plus attentifs à ce qui se passait en France, dans la société. Et les événements de Mai 68 auraient probablement pu être gérés de façon plus adaptée. Lorsque le journaliste du Monde écrivait "La France s'ennuie" quelques jours avant les événements, cela aurait pu attirer l'attention des décisionnaires, et les interpeler.
Autre exemple, plus récent, et surtout plus adapté puisque nous avions depuis 2005 la connaissance de ces cycles, et que nous nous attendions à des événements majeurs vers 2010-2012 : nous avions annoncé lors des 'printemps arabes' que la Libye (60 ans après l'indépendance et 42 ans sous Khadafi) et l'Egypte (89 ans après l'indépendance et 38 ans après la guerre de 1973) pouvaient basculer, après la Tunisie, alors que cela ne serait sûrement pas le cas dans les autres pays (arabes, ou Iran) où des révoltes existaient.
Le cas de l'Iran est d'ailleurs très intéressant : nous avions annoncé que les révoltes suite à la réélection (truquée) de Ahmadinejad en 2009 ne déboucheraient probablement pas sur un changement , car elles arrivaient trop tôt. En revanche l'élection de 2013 (62 ans après 1951, 25 ans après la guerre avec l'Irak et 35 ans après la révolution de 1978) nous semblait propice à des changements durables. Ce qui semble se confirmer, même si ce n'est pas encore gagné.
Encourager l'Iran à bouger, en le dédiabolisant, nous semblait donc de plus en plus pertinent, au fur et à mesure que l'on s'approchait de 2012 (61 ans après l'indépendance, et 24 ans après la fin de la guerre). Et a contrario le faire dès 2008, comme l'a essayé Barak Obama, était un peu trop tôt.
Une bonne utilisation de cette théorie des cycles consiste donc à encourager, dans un sens conforme à sa propre politique, des évolutions qui semblent probables, et ne pas faire de mouvements à contre-temps.
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