Daniel Cohn-Bendit tacle Arnaud Montebourg
Daniel Cohn-Bendit a taclé sévèrement Arnaud Montebourg sur France Info, le 29 septembre, en qualifiant de « fausse bonne idée » la démondialisation dont le candidat socialiste a fait son fer de lance.
Extraits :
" Evidemment que la mondialisation crée d'énormes problèmes et a créé la délocalisation d'entreprises (…) mais d'un autre côté, elle a permis, au niveau européen, d'exporter. Si vous démondialisez, aujourd'hui l'espace national n'est pas un espace économique viable (…). Démondialiser c'est un peu dire n'importe quoi. Montebourg ne sera pas président, c'est pas grave pour l'instant. Je l'aime bien, mais s'il était président il en serait de sa démondialisation la même chose que ce qu'a été le programme commun après un an de Mitterrand".
Cette prise de position appelle plusieurs commentaires.
Daniel Cohn-Bendit argumente sur le fait qu’il n’est désormais plus viable de se protéger au seul niveau de l’espace national. Il se trouve que c’est aussi ce que l’on pouvait retenir des deux ouvrages « fondateurs » d’Arnaud Montebourg (« Des idées et des rêves », en novembre 2010 et « Votez pour la démondialisation » en mai 2011). Parmi les 17 propositions ainsi mises en exergue en mai 2011, 12 impliquaient une action au niveau de l’Union européenne.
Mais quatre mois plus tard, dans la dernière édition du mensuel d’information du PS (Le Combat, septembre-octobre 2011), alors que Martine Aubry parle de « mettre au cœur de son projet politique l’action pour une Europe unie, puissante, protectrice et généreuse », que François Hollande annonce une « nouvelle ambition pour l’Europe », Arnaud Montebourg réussit à ne pas écrire une seule fois le mot Europe dans l’exposé de son programme. Difficile de n’y voir qu’un hasard ou une négligence, d’autant plus que nous avions pu voir les prémisses de cet escamotage lors de la réunion de lancement de sa campagne, à Paris, le 27 juin (compte-rendu en pièce jointe).
On pourrait penser que c’est précisément ce « revirement » qui pousse Daniel Cohn-Bendit à tacler Arnaud Montebourg, en rappelant opportunément que le « souverainisme » national est une issue illusoire.
A y regarder de plus près, il semble que ce ne soit pas le cas.
En effet, Daniel Cohn-Bendit précise ainsi son propos : " Il faut réguler la mondialisation (…) mettre des protections sociales, écologiques, par exemple au niveau des institutions internationales. » Force est de constater que, là encore, le recours à l’Union européenne n’est pas évoqué.
A ce stade, il faut s’arrêter un instant sur ce que l’on peut entendre par « mondialisation », un concept qui domine les esprits et les débats, mais dont la définition reste incertaine.
S’il s’agit de la possibilité qui est désormais la nôtre de se déplacer à peu près partout sur la planète, de faire connaissance d’autres pays et d’autres peuples, de communiquer en temps réel avec l’autre bout du monde, on peut convenir qu’il s’agit d’une évolution inéluctable, porteuse de progrès mais aussi de quelques risques à contrôler (pollution, nivellement des civilisations et des cultures, …).
La mondialisation évoque aussi la constitution d’un espace économique et financier affranchi des barrières douanières et autres restrictions aux échanges. Sans doute devrait-on, comme les anglo-saxons, parler ici plutôt de « globalisation » ou de mondialisation « ultralibérale ». Dans son ouvrage « On Globalization » (2002), George Soros, un orfèvre en matière de spéculation, résume bien les carences inacceptables de cette globalisation : « Le commerce international et les marchés financiers globaux ont fait la preuve de leur capacité à créer de la richesse, mais ils ne sont pas en mesure de satisfaire un certain nombre de besoins sociaux. Parmi ceux-ci, on trouve le maintien de la paix, la réduction de la pauvreté, la protection de l’environnement, l’amélioration des conditions de travail ou le respect des droits de l’homme : ce que l’on appelle, en somme, le bien commun ».
On peut enfin, comme le fait Daniel Cohn-Bendit, aborder la mondialisation sous l’angle des institutions internationales qui tentent d’introduire une régulation planétaire. Le problème est que, en pratique, ces institutions se sont mises au diapason et au service de la radicalisation du libéralisme, avec les résultats que nous pouvons constater.
La globalisation est entachée d’un vice congénital : la non concordance des territoires politique et économique, ce que Jeffrey Sachs, dans son ouvrage Common Wealth a aussi exprimé comme suit : « Le paradoxe d’une économie mondiale unifiée et d’une société mondiale divisée pose la plus grande menace à la planète car il rend impossible la coopération nécessaire pour résoudre les problèmes qui subsistent. »
Pour redonner aux populations les moyens de choisir le modèle de société dans lequel elles veulent vivre et aux gouvernants les moyens de répondre à cette attente, il faut donc remettre en concordance les territoires sur lesquels s'exercent respectivement les pouvoirs politique, économique et financier.
Peut-on, comme Daniel Cohn Bendit semble le faire, compter sur les institutions internationales pour maîtriser ce processus ? La réponse est non. Le « gouvernement mondial » relève et relèvera pour longtemps encore d'une prospective chimérique. Aucun des Etats européens n’ayant désormais la capacité de peser puissamment sur la scène mondiale, le repli souverainiste n’est pas non plus une solution.
Mais alors que nous reste-t-il ?
L’Union européenne qui, si elle était unie, serait suffisamment puissante et prospère pour établir et défendre un modèle de société affranchi des excès de l’ultralibéralisme. L’époque actuelle lui offre une chance historique de se donner une nouvelle jeunesse en prenant l’initiative d’un tel sursaut et en tendant la main aux autres régions du monde qui voudraient l’accompagner sur ce chemin.
Comment donc ne pas être déçu que Daniel Cohn-Bendit donne ainsi le sentiment de remettre nos destinées à un hypothétique « gouvernement mondial » et qu’Arnaud Montebourg égare l’Europe en cours de campagne ?
Pour Daniel Cohn-Bendit, difficile d’imaginer qu’il ait mis entre parenthèses son combat pour l’Europe.
Pour Arnaud Montebourg, il semble que le calcul électoral à court terme l’ait emporté sur la perspective de se construire, dans la durée, une véritable stature politique européenne. Si tel est le cas, c’est bien dommage.
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