Dassault, expert en vol... de voix ?
Notre démocratie serait-elle en panne ?
Le sénateur Serge Dassault, l’un des hommes les plus riches du monde, est soupçonné d’avoir versé de l’argent pour gagner son élection ?
En effet la plainte déposée récemment fait planer un gros doute sur la légitimité de cet élu national.
Selon le magazine Forbes, Il était en 2009 le 90ème homme le plus riche du monde, et après de nombreux essais infructueux depuis 1974, il a finalement décroché son premier mandat politique en 1983 à la mairie de Corbeil–Essonne, puis en 1988 devient conseiller général, en 1986, député, puis conseiller régional, avant d’obtenir un siège de sénateur en 2004, à 79 ans.
En 2009 le Conseil d’Etat invalidera son élection de mars 2008, reconnaissant l’existence de dons d’argent de sa part à destination des habitants "de nature à altérer la sincérité du scrutin".
Propriétaire du Figaro, il a une vision tranchée sur le travail des journalistes, demandant aux responsables du centre de formation de ceux-ci qu’ils « cessent de former des journalistes de gauche », déclarant que « nous sommes en train de crever à cause des idées de gauche ».
Cet homme qui juge « anormal » d’aider les chômeurs, affirmant que ce sont « des gens qui ne veulent pas travailler », se désolant de l’existence des syndicats, sera malgré tout décoré grand officier dans l’ordre national de la Légion d’honneur. lien
C’est une fois de plus Médiapart qui a tiré le premier en donnant le témoignage d’un nommé Athman, lequel évoque le système D utilisé par Serge Dassault, puisqu’il avoue avoir reçu de l’argent du sénateur, afin de l’inciter à voter pour ce dernier, et il balance maintenant à tout va.
Or l’enregistrement que s’est procuré Médiapart provient d’une autre source qui ne fait que confirmer l’information donnée par le témoin précédent.
On sait maintenant que les deux personnes à l’origine de cet enregistrement datant de fin 2012, ont échappé à une tentative d’assassinat 3 mois après.
Devant ce double témoignage, il parait difficile, voire impossible à l’avionneur et sénateur milliardaire de contester sa culpabilité.
Pour être tout à fait précis, il faut ajouter que le « Canard Enchaîné » avait déjà évoqué l’existence de cet enregistrement en décembre 2012, et « Libération » et « le Point » avaient pour leurs parts racontés de quelles façons la délinquance et la politique étaient étroitement liées à Corbeil-Essonnes.
En effet, dans la publication du journal « Libération », on pouvait lire qu’un jeune, prénommé Mamadou, vivant dans la cité des Tarterêts, affirmait avoir reçu 100 000 euros pour convaincre d’éventuels électeurs à voter pour la liste du milliardaire, et en apportait la preuve en fournissant des éléments bancaires. lien
En juillet 2013 un autre témoin est évoqué par « Libération » : il s’agit d’un nommé Younès, que l’on dit proche de Dassault, et qui fréquentait dans la cité des Tarterêts l’une des principales bandes de délinquants.
Cet homme, qui se présente comme militant pour la cause de Mandela, organisateur de manif contre la drogue, avait gagné la confiance de Serge Dassault, et avait obtenu, grâce au nouveau maire, une honorable place de gardien d’immeuble.
Connaissant ses liens avec l’avionneur, il avait subi des chantages, et l’un de ses cousins avait été passé à tabac.
S’en est suivi quelques règlements de compte au cours desquels l’un de ceux qui étaient soupçonnés d’être au cœur du chantage avait été blessé « accidentellement » par Younès.
Mais d’autres habitants de la cité proposent une autre version : Younès aurait été l’organisateur d’une distribution d’enveloppes bien remplies, afin de récolter des voix pour Dassault. lien
Début juillet, Jean Pierre Bechter, bras droit de Serge Dassault, et maire UMP de Corbeil-Essonnes avait été placé en garde à vue dans le cadre de l’enquête sur une tentative d’homicide volontaire, en compagnie du directeur du service jeunesse et sports de la mairie, puis remis en liberté quelques heures après. lien
Pour revenir aux fameux enregistrements, on peut clairement entendre le sénateur dire, alors qu’au bout du fil on lui réclame de l’argent : « là, je ne peux plus rien donner. Je ne peux plus rien sortir, c’est interdit (…) je suis surveillé. Je suis surveillé par la police ». lien
Et dans un autre enregistrement, le milliardaire précise : « l’argent a été donné, complètement. Moi j’ai donné l’argent. Je ne peux plus donner un sou à qui que ce soit. Je ne peux plus sortir l’argent pour qui que ce soit… », et dans le dernier extrait il ajoute : « moi j’ai tout payé, donc je ne donne plus un sou à qui que ce soit. Si c’est Younès, démerdez-vous avec lui. Moi je ne peux rien faire ».
Si les enregistrements sont authentifiés par la justice, on ne voit pas bien comment l’élu pourrait échapper à une condamnation.
Ses avocats affirment que leur client est avant tout un philanthrope, et que s’il lui est arrivé d’utiliser sa fortune pour porter aide ou secours, ça a toujours été en dehors de toute démarche électorale. lien
Pour l’instant Dassault se défend comme un beau diable rappelant qu’il a été élu avec 750 voix d'avance, et qu’il ne voit pas comment il aurait pu acheter 800 voix ? …expliquant que « ça couterait une fortune ».
En attendant, il vient d’être convoqué pour le 2 octobre par la justice, et il serait question de la modique somme de 1,7 millions d’euros qui aurait été généreusement distribué par l’élu, afin de lui permettre de gagner son élection. lien
Sera-t-il pour autant condamné ?
Alors qu’à plusieurs reprises Dassault avait été inquiété par la justice : condamné à verser 1500 euros d’amende en 2006 pour injures envers Bruno Piriou, son opposant communiste, puis en décembre 1998 par la cour de cassation belge à 2 ans de prison avec sursis pour l’affaire Agusta, (lien) accusé d’avoir versé des pots de vin, permettant au journal Marianne de le déclarer « empereur tricolore de la corruption », il se retrouve donc au cœur d’une nouvelle affaire. lien
On se souvient qu’en juin dernier le Sénat avait refusé de lever son immunité parlementaire, lors d’un vote à bulletin secret, réalisé par une vingtaine de membres du bureau du Sénat. lien
Mais au vu des révélations, preuves à l’appui, de Médiapart, on pourrait imaginer que le Sénat reviendra sur sa décision.
Après le temps du Ministre du Budget, traquant l’exil fiscal, et possesseur lui-même d’un compte caché, voici donc peut-être venu le temps de la démocratie achetée.
Comme dit mon vieil ami africain : « chaque marigot à son crocodile ».
L’image illustrant l’article vient de « blog-top-secret.over-blog.com ».
Merci aux internautes de leur aide précieuse.
Olivier Cabanel
Article à découvrir : la corruption et le système Dassault
48 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON