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Accueil du site > Actualités > Politique > De la « sécurité sociale professionnelle » à la sécurisation des mobilités (...)

De la « sécurité sociale professionnelle » à la sécurisation des mobilités professionnelles

Cet homme-là est pittoresque ! Il est même inépuisable en ressources pittoresques. Souvenez vous, en 1995, pour devenir président, il allait s’attaquer à la « fracture sociale » afin de construire « une France pour tous ». Douze années de pouvoir plus tard et un demi-million de érémistes en plus, cet homme-là promet toujours... Il va construire une sécurité sociale professionnelle ! Comment ? En fusionnant l’ANPE et l’Unédic ! Le créateur de l’ANPE (1967) sera-t-il aussi son fossoyeur en 2007 ?

La notion de sécurité sociale professionnelle n’est pas nouvelle. Cette sécurité sociale-là ne sera bien évidemment pas mise en œuvre par la seule fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC. Ce dernier aspect est même totalement accessoire par rapport à la finalité affichée. Cette fusion connaîtrait évidemment des difficultés de faisabilité technique. Mais l’essentiel est ailleurs. Rappelons ici, entre autres, que l’Unédic n’est intéressée aujourd’hui que par la moitié environ des chômeurs. Elle n’indemnise pas l’autre moitié. C’est aussi pour cela qu’existe un service public de l’emploi et un établissement public, l’ANPE, qui s’adresse, elle, à tous les salariés privés d’emploi, et même au-delà, à toutes les personnes qui le souhaitent.

De fait, il y a de plus en plus d’aléas au cours d’une carrière professionnelle. Avec le chômage de masse, le capitalisme financier et les nouvelles organisations du travail, le travailleur est passé d’un régime de mobilité parfois volontaire (démissions) à un régime de mobilités géographique et professionnelle le plus souvent contraintes.

La mobilité professionnelle s’est modifiée avec la montée du chômage : le nombre d’allers et retours du chômage vers l’emploi et de l’emploi vers le chômage a augmenté. Face à ces multiples transitions sur le marché du travail, la sécurisation des trajectoires professionnelles est désormais en débat.

Dès 1995, un rapport de Jean Boissonnat propose la création d’un contrat d’activité afin qu’entre deux emplois instables le salarié se voie offrir une activité dans une association ou bien une formation. En 1996, l’économiste communiste Paul Boccara développe l’idée de « sécurité emploi-formation ». La formation est un élément majeur du parcours professionnel garanti, en période d’emploi comme de chômage. Cet accès à la formation ne dépend pas des seuls desiderata des entreprises. En septembre 2003, lorsqu’elle signe un accord sur la formation professionnelle, la CGT a pour objectif de faire avancer l’idée de la « sécurité sociale professionnelle » qui serait une alternative à la précarisation. Dans un entretien à L’Humanité, la dirigeante CGT Maryse Dumas explique qu’il s’agit de « créer une garantie interprofessionnelle pour attacher les droits à la personne du salarié et ne plus les faire dépendre de l’entreprise pour laquelle il travaille (...). Chaque salarié disposerait de droits cumulés dont chaque nouvel employeur devrait tenir compte ». Des droits en termes de salaire, de carrière et de formation. La « non-régression » sociale érigée au sein d’un processus incontournable.

« Au-delà de l’emploi », tel est le titre que le groupe interdisciplinaire européen présidé par le juriste Alain Supiot choisit, en 1999, pour son rapport. Celui-ci promeut un « nouvel état professionnel des personnes » reposant sur un statut englobant « les différentes formes de travail que toute personne est susceptible d’accomplir dans son existence ». Ce statut se caractériserait par des « droits de tirages sociaux » exercés dans la limite de créances constituées au fil des différentes activités.

Dans ces divers dispositifs, l’enjeu autour de la formation est majeur. Elle doit être associée au travail comme un droit lié à celui-ci. Elle doit conduire à l’acquisition de qualifications et de compétences effectivement transférables sur des métiers voisins et sur plusieurs aires géographiques.

Dans Vers un nouveau modèle social paru en mars 2005, précédemment paru en 2003 sous le titre de Tous sublimes, le professeur d’économie Bernard Gazier présente de multiples expériences menées dans divers pays : « rotation des emplois au Danemark, fondations de travail en Autriche, politique du temps des villes italiennes, congés parentaux à la suédoise, compte-épargne-temps un peu partout... Leur trait commun est de donner plus de droit aux travailleurs, pour maîtriser les choix de leur vie et leur permettre de passer d’une étape de leur carrière à une autre en toute sécurité. De nouveaux droits apparaissent ainsi en pointillé : le droit de changer d’avis, de métier, le droit à la découverte de soi-même. Serions-nous en passe d’imiter le modèle des "sublimes", ces ouvriers très qualifiés qui, au XIXème siècle, travaillaient à leur guise pour une durée qu’ils déterminaient eux-mêmes, puis, grassement payés, dépensaient leurs revenus dans les guinguettes et les estaminets ? » demande Bernard Gazier en quatrième de couverture de Tous sublimes.

Bernard Gazier évoque précisément le modèle danois de rotation des emplois : le principe consiste à remplacer les salariés partis en congé parental ou de formation (payé par l’Etat) par des chômeurs préalablement formés. Très souvent, raconte-t-il, après le retour du salarié, le remplaçant est également gardé dans l’entreprise. A défaut, il a acquis une expérience. Bernard Gazier se réfère aussi aux fondations de travail autrichiennes : ce sont des antennes de reclassement à gestion originale. Elles sont subventionnées en partie par l’entreprise qui annonce un licenciement. Outre une participation de l’Etat, les salariés licenciés laissent une part de leurs indemnités à ces fondations ; ceux qui restent dans l’entreprise versent 0,2 % de leur salaire.

Aménager les transitions, organiser les mobilités, accroître la « transférabilité » et la certification des compétences. Tels sont les objectifs à atteindre. Reste la question du « comment y arriver ? »

Etre chômeur, allocataire du RMI ou salarié, c’est dépendre respectivement de l’Unedic ou de l’Etat, ou du Conseil général, ou de l’entreprise. Aujourd’hui, à chaque situation correspond un statut et un interlocuteur privilégié. Le système institutionnel est éclaté et cloisonné. Comment le faire évoluer afin qu’une structure ait légitimité et moyens pour, auprès et avec les salariés, assurer la cohérence et la maîtrise de parcours professionnels sécurisés ? L’absence d’une structure de synthèse explique sans aucun doute la non déclinaison opérationnelle des propositions présentes dans les précédents rapports. Qui pourrait être le référent gestionnaire de ce dispositif ? L’Etat ? Les partenaires sociaux ? Ces deux acteurs devront absolument être au cœur de ces dispositifs, ne serait-ce que pour les négocier.

La mobilité du capital est au cœur de sa valorisation et de son excessive puissance. Ne serait-ce pas, réciproquement, en construisant les moyens de sa mobilité, que la ressource humaine peut reconquérir du pouvoir de négociation ? Les mobilités ne seront socialement acceptées que si elles sont pleinement sécurisées. Voilà un enjeu majeur pour l’action des politiques.


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9 réactions à cet article    


  • moi (---.---.10.219) 16 janvier 2007 13:03

    un article evoquant Paul Boccara ne peut être un mauvais article....ceci dit la proposition orignelle de securité emploi formation va plus loin. comment ne pas considerer les individus comme un trop, comment en arreter avec ce gachis qu’est le chomage en enrichisant les individus et cassant ce gachis qu’est le marché du travail actuel en substituant au chomage des périiodes de formations. depuis Paul Boccara on a adapter son idée en le vidant de son contenu pour arriver à l’adaptabilité qui est un des enjeux de sa proposition mais loin d’en être le coeur.


    • Olivier (---.---.159.244) 16 janvier 2007 13:30

      De toutes façons, l’ANPE n’a jamais et ne servira jamais à rien ! Ce n’est qu’un ramassis de bureaucrates incompétents.

      Lorsque l’on doit trouver du travail, il ne vaut mieux pas compter sur l’ANPE pour cela. A titre personnel, j’ai vécu cela ; ma femme : idem. L’ANPE ne propose que des contrats qui sont inadaptés et ne correspondent pas aux compétences et aux attentes du demandeur.


      • Eric (---.---.252.240) 16 janvier 2007 15:43

        J’ai retrouvé un emploi qui me correspondait grace à l’ANPE.


        • Dg (---.---.182.16) 16 janvier 2007 20:53

          Jacques Attali et Vincent Champain ont écrit sur ce sujet l’une des proposition les plus construites. Consultable sur www.supprimerlechomage.org


          • cambacérès cambacérès 17 janvier 2007 06:14

            Dans une déclaration commune, à l’issue de leur réunion mensuelle, les partenaires sociaux, gestionnaires de l’Unedic, ont « exclu toute fusion avec l’ANPE ». <?xml :namespace prefix o ns "urn :schemas-microsoft-com :office :office" /> 
             
            L'ANPE fait partie du service public de l'emploi et s'occupe du placement des chômeurs. 

            L'
            UNEDICqui s'occupe de l'indemnisation des demandeurs d'emploi, relève quant à elle du droit privé. Elle est financée par les cotisations des salariés et des employeurs.

            La gestion de celle-ci a donc tout intérêt aux diligences et performances de celle-là.

            C'
            est donc un contre sens que de déclarer"La gestion paritaire du régime d'assurance chômage, dans les modalités d'intervention fixées par les partenaires sociaux, ce qui exclut de fait une fusion avec l'ANPE, garantit l'indemnisation des demandeurs d'emploi et l'indépendance du régime".

            Les réactions que suscite cette proposition d'une bien nécessaire fusion ANPE/UNEDIC - tout particulièrement les réactions négatives - en confirment en réalité, le bien fondé, d'autant qu'elle constitue certainement le préalable et le point d'appui incontournables à la création d'une sécurité sociale professionnelle.

            Quand on « vit du chômage », et comme tant d'
            autres organismes moins « célèbres »on n'a pas forcément envie de le voir trop baisser, ni de s'en donner les moyens par une synergie quelconque des opérateurs moyens budgétairesavantages acquis seraient susceptibles d'une remise en cause, ou, au moins d'une revue à la baisse....

            Quant à ceux qui supportent la charge financière de l'assurance chômage, toutes considérations d'indépendance mise à partils n'ont pas forcément envie d'en voir alourdir les charges par un rapprochement avec un pan de service public dont la réputation n'est plus à faire, mais dont les coûts de fonctionnement relèvent d'une toute autre culture de gestion

            Il faut dépasser ces crispations premièrescar il y a tout à gagner à cette fusionen termes d'économies d'échellebien surcomme en termes de synergies fusion quide toute façonsous une forme ou sous une autrese feraen vertu de cet incontournable principe selon lequel QUI PAIE EST MAITRE : or jusqu'à présent c'est bien l'UNEDIC qui paie.

            La « sécurité sociale » professionnelle,celà peut etre assez simple :  un compte individuel avec une traçabilité tout au long de la vie des fonds consacrés à l'
            embauchela formation ou l'inactivité.
             
            A cette heure où l'
            environnement est enfin largement perçu comme un enjeu économique et social majeuril n'est certainement pas inutile de rappeler une préoccupation qui paraît bel et bien être la "mère de toutes les questions" :
            les enjeux globaux de la mondialisation et, les défis plus urgents encore de l'
            environnementfont du développement durable un impératif essentiel.

            Pour autant que l'économie ait pour vocation de répondre aux besoins collectifs de la société, il est désormais clair que les enjeux d'environnement font nos plus importants besoins des temps prochains dans l'industrie et les services métiers et qualifications vont devoir suivre.

            Les changements à venir toucheront inévitablement le marché de l'
            emploi et de la formation professionnelle ces mutations impliquent donc que l'on refonde la dépense autour d'une problématique combinée EMPLOI FORMATION


            La sécurité professionnelle durable qu'attendent nos concitoyens passe donc par un effort structurel de qualification, et par un ciblage authentique de la dépense individuelle pour le retour à l'emploi le principe d'une individualisation de l'intervention financière s'impose donc, intégrant à la gestion même de la recherche d'emploi celle de risque économique et professionnel car il n'est pas de « sécurisation des parcours professionnels » possible sans pilotage volontariste du retour à une situation de l'emploipersonnelle ou collectiveplus saine .

            Un traitement social individualisé constructif ne négligera donc plus la vocation économique collective des aides à l'accès ou au retour à l'emploi qu'il faut clairement réorienter au bénéfice de l'individualisation des aides en soutien à des parcours de retour au travail personnaliséspertinents et efficaces

            Il s
            'agit, désormais d'attacher au candidatun niveau d'aide à l'embauche sélectivement défini comme unvéritable atout dans la négociation de son recrutement avec l'employeur, en fonction des contraintes diagnostiquées de son profil et de ses difficultés, à travers un ciblage professionnel régulier, précis et régionalisé 

            N'
            ayons pas peuren effet,  de clarifier le cadre général des interventions en faveur de l'emploi en personnalisant aides et crédits formation et emploi, sur des critères précis leur conférant la vocation économique qui doit être la leur, pour une pertinence accrue du traitement social individuel et collectif, avec les économies budgétaires substantielles découlant de cette rationalisation.

            Envisageons alors, la création d'
            un outil collectif  d'intervention aux missions élargies jusqu'aux politiques territoriales de création d'emploi, de formation professionnelle et de lutte contre le chômage,

            Ces offices d'
            intervention régionalisés compétents en matière d'insertion/réinsertion, de formation professionnelle initiale et continue recevraient pour mission de préparer et mettre en œuvre les mesures de maîtrise des liens emploi-formation par secteur professionnel :

            Leurs comptes recevrant en recettes des crédits spécialisés reçus de l'
            Europede l'état, de la région ou de l'entreprise (taxe formationcotisations chômagesetc...) et enregistrerant en dépensescelles qui concurrent directement à la sécurité professionnelle (financement des formations individuelles et indemnisation des périodes d'inactivité).

            On aurait ainsi réuni les moyens de gérer la variable d'
            ajustement qui reste indispensable sur le marché de l'emploi, où les problèmes se posent en termes de rapport COUT-COMPETENCES, à travers les notions de salaire et de charges, sur le plan économique, et donc, en termes de liaison EMPLOI/FORMATION, collective et personnelle sur le plan professionnel et social.

            Parce qu'
            il n'y a d'accèsde retour et de stabilité dans l'emploi que par la qualité de la formation, la sécurité sociale professionnelle doit aller jusqu'à l'ouverture d'un compte à chaque salariégéré par un organisme d'intervention territorialisé qui puisse gérer avec une traçabilité complète, tout au long de la vie, les fonds consacrés à son embauche, ses périodes de formation ou de chômage. 

            Après quoi, cette individualisation aidant, on pourra même envisager qu'
            un employeur qui se délocaliserait abusivement rembourse les aides touchées pour les salariés concernés. !...


            • Nino (---.---.143.12) 17 janvier 2007 15:42

              Le commentaire de Cambacérès est riche, mais porteur de quelques clichés :
              - Comme précisé au début, l’ANPE est dans une logique SOCIALE (mettre en relation demandeurs d’emploi et offres des entreprises, voire apprendre aux demandeurs à prospecter) alors que l’UNEDIC est dans une logique ECONOMIQUE (réduire le nombre d’allocataires).
              - L’ANPE ne « vit pas du chômage », tout comme le médecin ne vit pas de la maladie. Rien ne motive plus un conseiller à l’emploi que de « perdre » un client de façon durable (CDI...).
              - Sur les coûts de fonctionnement respectifs, il faut savoir qu’à qualifications équivalentes, un salarié UNEDIC gagne 30% de plus qu’un salarié ANPE (source Les Echos 8/01/07)

              Sinon, je suis d’accord avec la notion de « Traitement social individualisé », mais que je traduirai par « personnalisé » et donc à traiter avec des moyens adaptés : des comparaisons sont faites aujourd’hui entre des conseillers de l’ANPE, chargés de 150 cas, et des conseillers d’officines privées, chargés de 60 cas...

              Mais ceci est un autre débat...


            • cambacérès savonarole 17 janvier 2007 06:27

              Comme autrefois, Mr SALMON fait-il dans l’occupation des locaux.... ?


              • cambacérès (---.---.91.144) 19 janvier 2007 19:32

                Le commentaire de Cambacérès est riche, soit... mais porteur de quelques clichés : non

                « l’ANPE est dans une logique SOCIALE (mettre en relation demandeurs d’emploi et offres des entreprises, voire apprendre aux demandeurs à prospecter) » : Désolé mais c’est archifaux précisément parce que c’est un acte économique que de rechercher un emploi por (r)entrer dans le procesus de production des biens et des services

                « alors que l’UNEDIC est dans une logique ECONOMIQUE (réduire le nombre d’allocataires) » Désolé mais c’est archifaux aussi. c’est une logique sociale d’assurance et d’assistance

                La seconde a tout intérêt aux diligences de la première : c’est pourquoi leur fusion est nécessaire


                • michael (---.---.101.146) 30 janvier 2007 13:17

                  J’ajoute q’un excellent livre a été publié sur ces questions avec des propositions concrètes de mise en oeuvre il s’agit de « Securiser les parcours professionnels » par Elisabeth Guigou et vincent champain, aux editions de la fondation jean jaures.Compte tenu de son interet cet ouvrage a tres vite été « epuisé » et peut se demander à la FJJaures et se consulter sur son site.

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