De Tarnac à Athènes : La contagion qui vient ?
Il y a un mois environ, faisant suite à quelques vaines tentatives de perturber le réseau ferré, un village lové au fin fond du plateau des milles vaches, se retrouvait malgré lui à la une de l’actualité. Depuis lors, Tarnac n’a cessé d’étonner toute la France par son esprit de révolte solidaire, soutenant avec vivacité ses jeunes interpellés au petit matin par un contingent de forces de l’ordre bien motivées à l’idée de mettre fin à l’activisme enragé de cette « ultra gauche anarcho-autonome ». Rajoutant à l’agitation ambiante, une certaine jeunesse grecque s’embrase et inquiète l’ensemble de la classe politique européenne qui craint désormais la contagion sur fond de crise persistante.
L’affaire des terroristes tarnacois se dégonfle à vue d’œil, l’essentiel des personnes inculpées puis incarcérées ont recouvré l’air libre sans pour autant se voir totalement libérées par une instruction qui suit son cours. Alors que les principaux suspects sont toujours incarcérés, leurs familles respectives, soutenues par certains parlementaires et la ligue des droits de l’homme, appellent à leur remise en liberté mais aussi à la requalification pénale des faits. Quant aux tarnacois, ils soutiennent ouvertement leurs jeunes ouailles tant que de véritables éléments matériels ne viendront corroborer la version officielle soutenue par une MAM (pour qui le vent risque de tourner) judicieusement conseillée par le grand criminologue Alain Bauer, toujours prompt à voir le crime, sous toute ses formes, se répandre insidieusement dans la société.
Mais, cette affaire emblématique, émerge dans un contexte global très particulier qui pourrait déraper à tout moment si toutefois les conjonctions venaient à converger subitement.
Alors que la jeunesse grecque s’embrase, les lycéens français manifestent de plus en plus fort leur mécontentement tout en en soutenant leurs homologues hellènes, de concert avec une certaine jeunesse italienne et espagnole. Le tout pétrifié dans une ambiance planétaire de crise économico-financière qui semble s’inscrire très probablement dans la durée.
Il y a comme un vent tourbillonnant qui souffle sur notre village global, l’emballement général guette tous les grands équilibres, quelque chose de l’ordre de l’explosif est sous-jacent au temps présent.
Pourtant, les décideurs de ce monde n’ont de cesse de se réunir au chevet de la planète, vaquant de sommets en réunions informelles, tous habités par la volonté de parer à la catastrophe annoncée par une situation économique et écologique très défavorable. Mais, rien n’y fait, le climat général demeure malsain, le tout baignant dans un air vicié arrivé à saturation.
Alors, pourquoi la colère sourde qui gronde un peu partout en ce monde pétri d’injustices désormais trop criantes ne feraient pas qu’une, pour devenir une tempête globale dans un vaste mouvement de contagion généralisée ?
Les souffrances disparates qui habitent notre planète ont une souche commune, la répartition profondément inégale des richesses et des peines. Ces inégalités devant la vie, incommensurables, génèrent aujourd’hui des tensions beaucoup trop importantes alors que la globalisation les rend outrancièrement perceptibles par l’ensemble. Du plateau des milles vaches au nord Kivu, en passant par les toiles de tente du bois de Vincennes, même si les situations ne sont pas comparables, elles reflètent pourtant, à des degrés divers, la non répartition des richesses de ce monde, ainsi que les efforts surhumains qu’il est nécessaire au quidam de produire pour simplement survivre.
Il y a matière à révolte, chacun le sait, et ce n’est pas autre message qui est contenu dans l’ouvrage écrit collectivement « l’insurrection qui vient », censé signer les actes de sabotage commis sur notre réseau ferroviaire. Parfois poétique, souvent décalé dans son appel à la révolte, ce texte souligne pourtant avec une certaine acuité les distorsions fabriquées par le modèle dominant. Il y a beaucoup d’impertinence pertinente dans ce petit livre rouge rédigé par une frange contestataire dont l’erreur centrale est d’avoir proposé un mode d’action violent pour paralyser notre Babylone qui pourtant s’est elle arrogée tout droit à faire violence.
La solution n’est pas là, l’action bien évidemment oui mais pas sous cette forme. Outre le fait de s’inscrire dans la contestation, force est de reconnaître que, dans nos démocraties tout du moins, nous n’avons que les dirigeants que nous méritons. L’élection de Nicolas Sarkozy, mais encore celle de Silvio Berlusconi et autres dirigeants du même acabit , relèvent toutes de notre responsabilité, les contester par la violence ne justifiera que répression, point à la ligne. Alors, le monde entier a voté Barack Obama, comme par devoir de compensation envers cette humanité qui s’enfonce dans un cynisme ahurissant. On ne peut que s’en réjouir, un peu de différence ne nuira pas, mais il ne faut pas s’imaginer pour autant que nous assisterons à une inversion des pôles par simple fait du prince. Démocratie ne signifie pas philosophie (amour de la sagesse).
Alors, que reste-t-il si ce n’est la volonté de travailler les consciences au corps, d’agir au quotidien, en réseau ou bien dans son petit coin, militer pour le plus grand nombre, puis, lorsque le vase déborde manifester son mécontentement en espérant que la contagion vienne.
Décidément notre monde est bel et bien absurde, se privant du plus grand nombre de ses talents, maintenant la matière humaine en esclavage d’une société de consommation qui nous étrangle et aveugle tous nos sens. Ne vous plaignez pas citoyens, il y a pire en ce monde semble nous renvoyer la classe dirigeante alliée à la classe possédante. Quant au reste du monde qui crève de faim, nous faisons ce qu’il faut pour y remédier, avec velléité, sans trop s’y attacher réellement, cela relève de leur responsabilité, ils n’ont qu’à bien se civiliser après tout. En attendant continuons à leur vendre nos armes !
Mais faut-il être sourd pour ne pas entendre ces ventres qui grondent par millions, ses vies qui n’ont que la souffrance comme perspective, à qui on ne manque jamais de balancer à la figure ces sacro-saints droits de l’homme.
Ainsi, de Tarnac au Chiapas il n’y a pas si loin, il y a de la résistance dans l’air ; du Péloponnèse à Bangkok il y a des humains dans les rues qui manifestent leur rouge colère, en contre-poids de tous ceux qui, parmi nous, sont endormis par les sirènes d’une démocratie par trop embourgeoisée et engoncée dans un égoïsme aujourd’hui devenu insupportable.
Aussi, la contagion pourquoi pas, si ce n’est pour enfoncer, une bonne fois pour toute, l’édifice de cette Babylone qui, quoi qu’il advienne, va finissante. Si les révoltes qui agitent notre monde ne venaient à en faire qu’une, tel un tsunami humain, précipitant la fin pourtant annoncée de cette machine à injustices, cela pourrait donner naissance à une nouvelle humanité désormais débarrassée des tous ses archaïsmes. Un autre monde est possible, c’est ce que nous conte l’histoire de tous les mouvements de contestation qui ont émergé au fil de nos sociétés, tempérant déjà les abus flagrants des dominants. La différence réside aujourd’hui dans la globalisation du monde, fait sans précédent jusqu’alors, fort propice à une contestation globale et totale.
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