Zappy Max, dans les années cinquante, jetait les bases de ce qu’on connaît désormais sous le nom de « pipolitique », dérive ultime de la politique, et fixait pour le futur ses caractéristiques essentielles. Même si l’orthographe n’est encore pas universellement adoptée, le concept est clair et, sans plagier Herbert Marshall McLuhan, théoricien de la communication et fondateur des études contemporaines sur les médias, on peut affirmer aujourd’hui que le media, c’est la politique. Les sonores « faites-moi confiance », « c’est parti mon Zappy », « ça va bouillir », « Quitte…ou double ! » ... inaugurait les fragment d’un nouveau discours politique mis à la portée du populo des temps modernes, en relation symbiotique avec la pensée des amis au pouvoir, dont le député Schueller par exemple, avec qui Zappy partageait certaines idées comme l’impôt sur l’énergie ou la nécessité de promouvoir les produits hygiéniques….
La pipolitique érige, au centre de son système, un théâtre de marionnettes omniprésentes et omnipotentes qui se superposent, dans le fond comme dans la forme, aux anciennes institutions et répond à lui seul aux besoins de l’ensemble de la société, en un jeu parfaitement codifié, à trois personnages principaux, dont deux interchangeable, avatars l’un de l’autre, qui, par nature, se partagent le rôle dangereux, mais au combien passionnant, de cornaquer le troisième :
- Le Nanti : représentant du pouvoir de l’argent, des hautes positions, des vedettes, du sport, des archi pontes, des vestiges de l’ancien et traditionnel politique, des mega-possédants, producteurs infatigables des « biens de consommation » et autre matériau de pacotille pour la société du même nom.
- Le Média, le hiérophante faiseur de magie et d’illusion, le coryphée grand guide des choreutes de service et metteur en scène de la tragédie délirée par son maître le Nanti
- L’opinion publique, que le premier et le second personnage, le Nanti et le Média, brutalisent quelque peu, pour son bien. C’est d’ailleurs au nom de la Civilisation, qu’ils le défendent contre sa paresse congénitale.
Le Nanti tente naturellement de produire le discours du Maître, tissé de la certitude de sa position dominante, sur laquelle ne peut s’opérer la moindre critique ou remise en cause, et qui tire sa jouissance de la propriété exclusive des dons et biens prodigués par Dieu, de ses avoirs accumulés et, même, de la convoitise vaine qu’elle suscite autour de lui. Selon la dialectique de Hegel, il est clairement indiqué que le maître a autorité sur le corps de l’esclave.
Le Média, producteur du discours du savoir et de sa manipulation au service du Maître, stipendiaire et fidèle, est le créateur des images nécessaires au culte profane de la société de consommation, le propagateur de la « métaphore paternelle » en charge de falsifier la vérité.
Quant à l’opinion publique, il ne lui reste que le discours de l’hystérique, au travers duquel se traduit son inconsciente complicité, en dépit de ses plaintes réitérées, et dont toutes les manifestations soulignent la névrose dont elle est affligée. Il convient de lui « nourrir l’Utérus » certes, de s’accoutumer à sa sempiternelle insatisfaction malgré les bienfaits dont la comble les puissants. Elle persiste à ne pas écouter Montaigne, qui affirme : "à l’infériorité, subjectivité et apprentissage appartient le jouir" .
Le « public », quant à lui, reste définitivement confiné au rôle passif d’objet inanimé, rudimentaire, dénué de sens symbolique, ignoré du Maître et du Média, qui ne voient et ne mesure que « l’Opinion » du même nom.
Le système tient sa stabilité de plusieurs principes d’organisation ayant fait leur preuves pendant des lustres : les gratitudes mutuelles et surabondantes, les liens, de parenté, d’hérédité, d’amitié, l’interchangeabilité, les nombreuses relations d’équivalence entre des deux couches supérieures, conjugués à leur imperméabilité face à la couche inférieure, la mise en monopole des moyens de production et de diffusion du discours, du pouvoir financier. Il renvoie à L’universalité de l’anthropologie ternaire. Il se trouve ainsi parfaitement légitimé…
La bise à Zappy
Cette singulière collusion, sans précédents, entre les pouvoirs politiques, financiers, mise en place dès l’apparition des médias de masse, à la fin de la guerre, a bénéficié d’un terreau particulièrement favorable. Le retour aux affaires des vainqueurs, en Europe, conjugué à l’émergence de nouvelles technologies, de nouvelles envies, coïncide avec le développement d’un capitalisme triomphant, décomplexé, qui saura collectivement récompenser ceux qui s’étaient engagés du bon côté et donner au peuple, en le dispensant de penser, les réjouissances simples dont la guerre l’avait tant privé.
Pour donner un exemple de ce « new deal » de société, et illustrer de manière significative les nouvelles alliances au sommet, garanties de sa pérennité et de son efficacité, rappelons que notre célèbre Zappy Max national était très proche du député Schueller, à qui l’on doit la paternité de la citation évoquée supra, apocopée pour les besoins de la cause, et dont l’intégrale est : « faites-moi confiance. Vous verrez comme c’est contagieux. ».
Eugène Schueller, ami de Zappy, fondateur de la Société Française de Teintures Inoffensives pour Cheveux, devenu par la suite L’Oréal, dont la fille Liliane s’est mariée avec André Bettencourt, député, ministre, était un intime d’Eugène Deloncle, lui même député, chef de la Cagoule, dont la nièce épouse, en 39, le frère de Mitterrand, lui-même nommé PDG des Editions du Rond-Point et directeur du magazine « Votre Beauté », très tendance en son temps. Vous suivez ?
Proximité, liens de parenté : Zappy Max, dop dop dop, « allez donc vous laver la tête », Schueller, L’Oréal, Bettencourt, la brillantine Roja, Monsavon, Helena Rubinstein, Lehman Brother… : une petite boucle est bouclée parmi tant d’autres, qui scelle l’indéfectible alliance entre le Maître et le Média, le Politique, le fric et l’industrie de la réclame.
Avec l’engouement pour tout ce qui venait des Etats-Unis, pub et produits, Zappy pouvait donc chanter gaiement, mais pas si innocemment qu’il n’y paraît : « allez donc vous faire laver la tête, mais avec Dop Dop Dop … La brillantine Roja, la plus chouette, la plus fine, c’est celle qu’il vous faut » (à rapprocher du « parce que je le vaux bien » de la réclame d’aujourd’hui. Permanence des schémas, de ministres en « publicistes », de vedettes de médias en big magnats…
Citons encore, pour le plaisir, le député Schueller, dont les fortes maximes, destinées à passer à la postérité, déclinées sur le poste en mode subliminale par son ami Zappy, et données en pâtée aux foules nouvellement avides de consommer :
« Le client, c’est le bon Dieu du commerçant »
« La pub, c’est le moyen qui s’impose à la Civilisation pour se défendre contre la paresse des consommateurs »
Et aujourd’hui ?
On n’en finirait pas de tracer les hérédités, les liens de parenté, les relations de copinage, les partages, les distributions d’avantages entre les entrepreneurs de l’amusement publique, les nantis, le politique. Tout cela est assez bien connu. Le discours de Sarkozy n’est pas très éloigné de celui de Zappy : faites moi confiance… Le discours de Sarkozy, sur le travail notamment, a presque les mêmes repères que celui de Schueller (travailler dur)… Son discours piaculaire sur les stock-options ou le salaire des patrons, sur les délocalisations ou la nécessaire « honnêteté » en affaires ne peut cependant pas faire illusion.
Le propre de ses borborygmes de morale de circonstance est de détourner l’attention de l’opinion.
Au fond, je ne crois pas que l’accusation formelle de gouverner un peuple par le mépris et l’illusion puisse beaucoup affliger des hommes qui s’amusèrent si longtemps à l’abrutir.
Zébulon s’affiche partout, en plein effondrement ontologique, livré à une sorte d’obsession mondialiste dont le délire le fait trépigner comme un démoniaque en lui arrachant les aveux à peine voilés de son exécration pour la Nation.
Toutes ses apparitions l’accablent désormais de ridicule et lui enlèvent toute légitimité dans le champ du vrai politique, pour le renvoyer à ce qu’il n’aurait jamais dû quitter, variété, fantaisie, Radio-Crochet, comique croupier.
Mais à part ça, tout va très bien Madame la Marquise. Tout va très bien..
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Observons le Charisme en Politique Pour tout savoir de Sarkozy, Le Pen, Ségolène, Bayrou et les autres. Ce qui fait la différence en politique, c’est le comportement d’un candidat, ses gestes, sa voix, ses mimiques, indépendamment des mots qu’il prononce pour affirmer ses convictions : on appelle cela le CHARISME.
Des cerveaux de primates.
Notre cerveau visuel détecte un visage souriant ou anxieux en 1/10ème de seconde. Il suffit de voir pendant une seconde la photographie du visage de politiciens inconnus pour leur attribuer ou non de la crédibilité. Mieux... les visages préférés sont ceux des candidats qui seront élus... Des recherches utilisant l’IRM fonctionnel ont démontré que chez les sympathisants d’un leader sont activées les zones du cerveau qui correspondent au plaisir, à la joie, avec une dilatation inconsciente des pupilles. Chez les opposants, les aires du cerveau sont celles de l’agressivité, du mépris, avec une contraction des pupilles.
J’ai suivi vos conseils Kalki, je suis allé voir : impressionnant.
Mais, le charisme en politique ne me semble pas déterminant, tiens ! regardez Vladimir ! D’autant plus que les modes de perception ne sont pas les mêmes suivant les nations, russes, allemands, chinois... ne voient pas les mêmes choses. Truismes.
Vous allez rire, mais je ne connoissais pas Paris Hilton. J’ai cherché images dans Google : vous avez raison sur la forme, Nantie ! Sur le fond, je me pose la question, car elle serait plutôt du genre à produire le discours de l’Hystérique tant on perçoit qu’il lui faut « nourrir l’utérus » et tant elle invite le Maître à user et abuser de l’autorité qu’il a légitimement sur les corps.
Tout cela est vrai, mais puisque les révolutions ne servent jamais à rien, qu’il n’existe pas de système idéal, et qu’il est vain de prétendre réformer le système, ou mieux le contrôler, c’est bien un sursaut moral qui est nécessaire.
Dans le fond, la seule révolution envisageable est une révolution morale. Le christianisme, à ses débuts, était une révolution morale. Aujourd’hui, on ne voit pas de révolution morale, mais l’empire romain, je veux dire le système actuel, paraît déjà sur le point de s’effondrer.
Quand Zébulon qui a toujours menti commence à parler vrai, plus personne ne le croit.
Nombreux sont ceux qui pensent comme cela. mais attention, le langage est encore brûlant : restauration morale, et foi dans le destin de la Patrie ?
Qui pourrait écrire : C’est à un redressement intellectuel et moral que, d’abord, je vous convie... Sarkozy ? Le PDG de L’Oréal, de la Société Générale ? Lelay de la Télévisie ?
J’ai pas envie de terminer balladé en cage dans les jardin de l’Elysée et sur les plateaux télé.
L’article recoupe pas mal d’infos que défend aussi Annie Lacroix Riz (historienne) qui soutient (d’après les archives) que ceux qui gouvernent vraiment ne sont pas en première ligne, ils payent des petites mains (hommes politique, journalistes) pour défendre leurs intérêts. Avec le Nain, c’est un peu plus visible, même trop voyant (ce sera peut-être sa perte).
Annie Lacroix Riz : merci pour la piste. En notant que cette historienne "va aux archives" comme le mineur va à la mine, une érudite, une puissante intellectuelle. Mon article ne peut avoir les ambitions qu’elle nourrit légitimement. J’ai découvert le PRCF..
Médiacrassie et médiocratie, tout à fait d’accord. La démonstration de cette collusion des médias avec le pouvoir politique actuel lui-même au service de l’intérêt des puissants nantis de ce monde n’est plus à faire.
Ce soir (2/04/09) encore, le journal de 20 H de France2 en était une parfaite illustration.
La présentation des conclusions du sommet du G20 à Londres tenait davantage de la manipulation médiatique que du journalisme d’investigation.
Alors que les dirigeants du G20 venaient de décider d’injecter 5000 milliards de dollars supplémentaires dans le système financier directement responsable de la crise (je vous laisse deviner où ils vont les prendre...) cette édition d’information passait ce fait sous silence tout en assénant qu’un "accord historique" visant à "moraliser le capitalisme" ("refonder" à"dit Sarkozy dans un lapsus devant la presse) venait d’être conclu.
Après nous avoir fait croire pendant 24 heures que notre président allait claquer la porte si...
Mais ce qui est historique (quoique...), c’est l’entêtement de ceux qui ont participé à ce sommet à rester sourds aux appels de la société civile (35 000 manifestants le 1er avril à Londres selon la police, je vous laisse deviner le véritable chiffre...).
Cet "accord historique", nous a-t-on expliqué, doit mettre fin aux paradis fiscaux - même si ces grands dirigeants n’ont pas encore établi la fameuse liste noire dont ils parlent depuis 2 mois ! - et doit verser encore 500 à 1000 milliards de dollars (selon les sources...) au FMI.
Et bien sûr, ajoutaient les commentateurs, comme l’a demandé notre bon samaritain D. Strauss Kahn, le FMI va aider les pays pauvres !
Alors que tout observateur attentif sait que cette instance internationale fagocitée par la haute finance étrangle précisemment les pays du sud depuis des années avec des politiques d’ajustements structurels les obligeant à procéder à des coupes sombres dans leurs budgets publics et à écarter tous projets sociaux en vertu de la sacro-sainte règle libérale de la rentabilité !
Enfin, tout ce monde s’est entendu pour contrôler les abus de toute sorte... Dormez braves gens, nous nous occupons de tout ! Même M’dame Ségolène Royal (seule réaction politique sollicitée) vous le dit, "les dirigeants du monde occidental ont compris qu’il fallait aider les pays pauvres !"
Enfin, cerise sur le gâteau, "les manifestations d’opposants au G20 ont rassemblé bien en deçà de ce qu’elles escomptaient, il y avait seulement 500 personnes aujourd’hui aux abords du lieu où se tenait la réunion du G20" ! dixit le présentateur.
Pardi ! comme on dit chez moi, la manifestation des altermondialistes c’était hier !
Et il était bien difficile de trouver dans la presse du lendemain de vrais reportages réalisés auprès des manifestants pour connaître leurs motivations et propositions...
Suite à ce qu’il faut bien appeler ce lavage de cerveau, un autre a suivi qui nous montra cette fois des échauffourées entre manifestants anti-Otan à Strasbourg (sommet de l’Otan et contre sommet le 4 avril) et forces de l’ordre... Histoire peut-être de dissuader les pacifistes anti-guerre de s’y rendre samedi ou de discréditer ces militants ?
Car alors que le sommet et le contre-sommet doivent avoir lieu dans deux endroits opposés de la ville (ce qui est logique pour éviter les incidents), comment les forces de l’ordre ont-elles pu se laisser déborder par quelques dizaines de manifestants 3 jours avant le jour J ? Sous l’oeil des caméras, évidemment.
Le rouleau compresseur médiatique est en marche et, en effet, Göebbels n’est pas loin.
La seule réponse à cette tentative de décervelage est la résistance citoyenne. Car les journalistes qui voudraient pouvoir faire leur travail sans se mettre au garde à vous se font rares. Ils ont le plus souvent été licenciés ou remerciés en raison de leur manque de zèle...