Défense et illustration de notre langue
Premier sinistre lexical !
La guerre est à nos portes.
Une fois encore, une fois de plus, une fois de trop, un haut responsable de notre République, si mal éclairée dans ses hautes sphères, commente la désignation d'un Français comme prix Nobel d'économie en utilisant un très vilain anglicisme. La faute ne serait pas ignominieuse si, quelques jours plus tôt, l'académie de Stockholm n'avait couronné Patrick Modiano pour son œuvre littéraire ...
Ainsi donc, Monsieur notre premier ministre, si mal embouché, ne retiendrait que l'économie en faisant l'impasse sur les ruelles obscures de la langue. Nous ne pouvons l'en blâmer ; ses préoccupations sont toutes tournées vers le domaine de compétences de Monsieur Jean Tirole, nous le savons bien : depuis qu'il est aux commandes de l'état, il préfère manifestement la tyrolienne à l'ascenseur social.
On ne saurait d'ailleurs que trop lui recommander de s'inspirer des leçons de ce personnage tout en surveillant un peu mieux son langage. Certes, il n'est pas question ici de lui reprocher ses innombrables dérapages sémantiques et lexicaux à droite, pas plus qu'il n'est question d'imposer à quiconque une pensée qui n'a jamais été sienne, fût-il premier ministre d'un gouvernement affligé d'incommensurables problèmes de latéralité.
Il serait néanmoins souhaitable que la loi Toubon fût respectée et même honorée par ceux qui nous gouvernent si mal. Nous conduire dans le gouffre en usant d'une langue soignée, entièrement conforme au lexique et à la culture francophone serait moindre mal assurément. C'est bien l'ultime compétence qui pourrait leur être reconnue : parler un français distingué, exempt d'emprunts toxiques à la langue des maîtres du monde.
Mille fois hélas, les grandes écoles ont, depuis belle lurette, déroulé le tapis aux thèses et à la langue de l'ennemi. Les élites pensent et se soumettent en anglais tandis que leurs jeunes enfants apprennent déjà le mandarin : le futur langage des prochains serviteurs zélés. Pauvre Rabelais, Hugo et consorts ; ils sont si peu utiles à une belle carrière de manieur de concepts creux et de promesses illusoires !
Nous aimerions pourtant qu'on nous raconte des histoires, qu'on nous fasse un peu rêver au lieu de nous assommer de discours lénifiants (seule concession à la gauche radicale pour cette élite gouvernementale). Nous adorerions nous enflammer aux envolées lyriques ; nous nous pâmons devant la chute des cotes de confiance. Nous apprécierions de vibrer aux trémolos de nos tribuns tandis que le navire sombre corps et biens.
Rien de tout cela hélas ! L'oraison funèbre se fera en anglais, écrite par les agences de notation et des experts internationaux qui baragouinent tous un créole de cet idiome. Plus la langue est réduite, moins elle appartient à l'héritage intime de celui qui l'utilise et plus sa pensée est appauvrie, sclérosée, formolée. C'est en cela que renoncer à la guerre du français, c'est se mettre en état de vassalité et de faiblesse.
Nous sommes en guerre et pas seulement contre une nébuleuse terroriste. La langue et les croyances, les principes et les mots, la liberté et le langage sont des couples indéfectibles. On ne construit rien de grand quand on renonce à ce qu'on est au plus profond de soi-même. Il se peut que Monsieur Valls ne soit rien ; ce n'est pas une raison pour qu'il renonce à ce qui a fait la grandeur de notre nation : notre langue.
Le voilà servi. Lui qui ironisait sur la capacité des Français à dénigrer, à se rabaisser en usant d'un vocable qui me fait encore frémir et où il cite notre pays, non pas en le désignant sous son beau et joli nom, mais en ayant l'indécence de le qualifier à la manière de ceux d'en face, il a droit à cette volée de bois vert qu'il dénonçait si maladroitement. La première fierté que nous devons éprouver est celle de notre langue ; y renoncer c'est se faire les suppôts de Satan : celui qui sévit au-delà des portes de l'enfer !
Francophonement sien.
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