Déficit d’espoir
Pour la « victoire » il a suffit de deux « mobilisateurs » : virer Sarkozy, et faire payer les riches. Avec ces deux « logiciels » Hollande l’a emporté. La question demeure, est-ce suffisant pour la France ? Peut-on raisonnablement s'engager dans l’avenir avec du seulement « négatif » ?
Telle semble être l’équation que le Président de la République doit maintenant résoudre. En effet Sarkozy est parti et Hollande ne pourra plus très longtemps mobiliser des énergies autour d’un passé sans cesse ressassé. Par ailleurs les riches une fois un peu amincis, il faudra s’en prendre aux « un peu moins riches » et rapidement beaucoup se sentiront et seront touchés. Enfin et surtout, ce n’est pas la meilleure façon de créer une dynamique.
A l’évidence, il n’y a pas non plus au sommet de l'Etat, une volonté de réinventer l’UE mais au contraire celle de ne surtout rien changer et de continuer à subir voir renforcer la Loi du fédéralisme, les désenchantements seront au rendez-vous. Ils le sont en partie déjà.
En fait le PS n’était pas prêt intellectuellement. François Hollande, lui, s'était préparé par un travail sur lui-même, par une réflexion sur l'exercice « normal » du mandat présidentiel et par une compréhension générale de la situation, qui lui a soufflé de présenter un programme d'une grande prudence.
La limite d’un tel « exercice » est très vite atteinte : la fin de la campagne ! C’est une « limite » victorieuse certes, mais pour quoi faire ? Et après ? Nous y sommes !
Le Président « normal » qui ne devait pas s’occuper de tout, mais seulement des « grandes lignes » et laisser son premier Ministre gérer le quotidien, se sent obligé de monter au créneau finalement assez souvent pour combler le « vide » Il comprend parfaitement que les recettes ayant permis la victoire sont un peu courtes pour la suite. Il essaye de redynamiser son électorat quelque peu déçu.
L’exercice est d’autant plus difficile qu’il n’arrive pas à décrire des objectifs précis, un horizon, une vision vraiment différente de celles qui président depuis plus de 30 ans. Dans son intervention avec Claire Chazal c’est encore et encore « nous verrons demain », après le redressement fixé pour 2014. Il essaye de faire découvrir « la crise » à ceux qui ont voté pour lui parce qu’ils n’en voulaient pas ou la niaient. Mais au-delà, il ne fixe pas un vrai « cap », de véritables raisons d’espérer. On notera, en particulier l’absence totale de référence au traité européen pourtant prochainement promis à ratification. Hier soir pour François Hollande, l’Europe n’existait pas.
Ce n’est tout de même pas avec une annonce de 20 milliards d’impôts supplémentaires que l’on peut motiver les foules : 20 milliards d'euros, c'est le montant total des hausses d'impôts dès 2013. Ils sont destinés à boucler le budget de l'Etat, avec de surcroit l’annonce que la prévision de croissance serait revue à la baisse (0,8% contre 1,2%). Les entreprises supporteront la moitié du coût, alors que les autres 10 milliards d'euros reposeront sur les ménages, "les plus favorisés notamment". Ne vous inquiétez pas vous y êtes presque tous ! D'ailleurs la CSG sera augmentée, là c’est pour tout le monde, pour financer la protection sociale.
En revanche,c'est un bon point, le chef de l'Etat annonce que les heures supplémentaires continueraient d'être défiscalisées pour les entreprises de moins de 20 salariés. Persévérer dans « le sectarisme » eut été suicidaire : la suppression de la mesure mise en place par Nicolas Sarkozy avait provoqué de vives réactions de travailleurs, qui avaient ainsi perdu une partie de leur salaire. C’est bien de reconnaître ses erreurs et de ne pas s’y complaire.
Mais reconnaissons-le, rien de bien « bandant » là-dedans !
Pas plus avec la répétition lassante d’un agenda du « redressement » qui ne fait que révéler que « le changement » ce n’est plus « maintenant » mais pour demain et au mieux 2014, sans préciser lequel. Le "je ne vais pas faire en quatre mois ce que les autres n'ont pas fait en cinq ou dix ans" peut effectivement encore servir un peu mais pour combien de temps ?
François Hollande n’arrive pas à communiquer le souffle d’une ambition pour le pays. Après tout, peut-être n’y a-t-il plus d’ambition à avoir ? Peut-être le sait-il ? Peut-être ne veut-il pas faire « rêver » ?
Pourtant il disait : « Eh bien nous n’avons pas d’autre choix, et c’est le plus beau qui soit, que celui du dépassement, du redressement, du courage, de la conquête, de la fierté, bref de la France quand elle est elle-même fidèle à son rêve, celui des révolutionnaires de 1789, celui des fondateurs de la République, le rêve des résistants quand ils étaient pourchassés par la barbarie nazie, le rêve de ceux qui ont porté le redressement du pays après la guerre, le rêve des générations qui ont fait ce qu’est la France aujourd’hui, le rêve de ceux qui ont, en 1968, porté les aspirations de la jeunesse, le rêve de ceux qui ont attendu pendant vingt-trois ans l’alternance et qui l’ont vécue en 1981, le rêve de ceux qui ont voulu le progrès social à chaque étape, le rêve du Front populaire, le rêve du du Conseil national de la Résistance, le rêve, aussi des alternances, de 81, de 88, de Lionel Jospin en 1997. Oui, c’est ce rêve-là que je vous invite à porter »
C’était pendant la campagne.
Pour ceux qui ne suivent pas sur Twitter les réactions, non pas des politiques mais des "gens normaux", une petite phrase résumait bien l'ambiance hier soir : "De toutes les façons, qu'est-ce que tu veux qu'il fasse ? C'est une crise mondiale." Elle ne provenait pas d'un opposant patenté, au contraire de quelqu'un ayant sans doute voté Hollande. Elle résume l'atonie ambiante. Mondiale la CRISE comme le disait Coluche : que ne l'a-ton dit ! Pas facile pour les "rêves" ! Coluche ajoutait d'ailleurs : "Il parait que la crise ça rend les riches plus riches et les pauvres plus pauvres. Moi je vois pas en quoi c’est une crise, ça a toujours été comme ça."
Une enquête d'opinion précédait l'intervention du Président de la République sur TF1 :
Gageons que la prestation d'hier soir avec Claire Chazal ne changera pas grand chose à la "chute"
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