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Accueil du site > Actualités > Politique > Délibérer, une idée neuve

Délibérer, une idée neuve

Septembre 2006. Les crises sociales se succèdent, relayant les critiques sur l’incapacité française à la réforme. C’est oublier à la fois le sens des premières et les exigences de la seconde. La crise n’est pas inutile. Et la réforme n’est pas impossible. Manquent les moyens de la délibération.

L’été est passé, faisant oublier la crise sociale de la fin de l’hiver 2006. Une crise qui a pourtant vu défiler un nombre impressionnant de manifestants, plus encore qu’en 2003 ou en 1995. Même 1968 n’avait pas vu autant de monde dans les rues. Des soubresauts, qui ont succédé à des échauffements particulièrement graves dans les banlieues, quelques semaines auparavant. Chaque crispation sociale est l’occasion d’entendre les dénonciations sur les incapacités gauloises à créer et à assumer collectivement une réforme. Un avis tranché à nuancer.

D’abord, il ne faut pas nier le penchant de la société française pour le combat idéologique. La question sociale, en France plus qu’ailleurs, est politisée, au sens noble du terme. Les institutions sociales y ont un fondement politique. Les acteurs agissent en conquérants. On parle de " baroud d’honneur " face à l’échec (1), aux vertus d’un " électrochoc salvateur " dans l’opinion publique (2)... Un vocabulaire guerrier et romantique, qui sied au goût hexagonal pour les joutes. Parfois, la réforme passe malgré la crise, comme en 2003 concernant les retraites. Par ailleurs, toute réforme n’est pas forcément rupture. Il y a eu de nombreuses réformes modestes mais réelles dans des domaines aussi divers que le système de protection sociale (financement), le droit du travail (flexibilisation, 35 heures), l’aménagement du territoire (décentralisation), la fiscalité, les privatisations d’entreprises publiques. Elles prouvent que la société française n’est pas si immobile. Enfin, toute crise n’est pas inutile. La crise est un moment de délibération et de décision. C’est ainsi que se sont établies les différentes constitutions depuis la Révolution. Enfin, les crises sont révélatrices de l’état social. Les défilés syndicaux ne sont-ils pas des signes d’une anxiété sociale qui s’exprime dans la rue ou par les médias ? 1995 représentait pour Pascal Perrineau et Michel Wieviorka " bien plus qu’un mouvement social ", " une expression impressionnante du déclin du modèle national " (3).

Car les crises expriment la crise - profonde - de la représentation et de la participation. Celle-ci appelle à mettre en chantier une évolution institutionnelle et celle des acteurs, cha,tier de la démocratie participative et de la démocratie sociale. Les crises - définies comme une confrontation des acteurs dans un temps court et ramassé - limitent l’élaboration et l’évaluation. Elles cimentent donc les certitudes de chaque acteur, au prétexte de maintenir la pluralité des opinions politiques. Dans un article paru en décembre 1995, le sociologue Alain Touraine montrait l’impasse dans lequel il situait la société française, écrivant que le modèle social et le modèle étatique ont peu bougé alors que la société est entrée dans un modèle libéral (marché commun européen, mondialisation des échanges et de la finance). Il lançait un appel à " un renouvellement du modèle ", moins replié sur l’Etat et ouvert à des acteurs innovants (4). L’appareil d’Etat, en effet, ne sait pas poser, écouter, réfléchir, faire émerger une décision collective (5) ; il est dirigé par des politiques qui ne détiennent pas tous les leviers de la décision (contrainte économique, poids de la société civile, poids de la technostructure). La collectivité manque d’outils pour faire émerger une décision partagée. Le récent rapport Chertier " Pour une modernisation du dialogue social " pointe la confusion des rôles, dénonce la multiplication des instances, le problème du positionnement des instances de délibération ou de partage du diagnostic (6).

La réforme ne doit pas être la résultante d’une contrainte, mais bien un choix collectif pour l’intérêt général. L’opinion publique ne doit pas la percevoir comme seulement comptable ou inévitable au nom des contraintes extérieures ou financières. Réformer ne doit pas se limiter à demander des sacrifices ! La réforme doit être écoute du corps social mais aussi de l’appareil administratif. Gouvernements, experts, élus... les acteurs de la réforme doivent avoir des capteurs sociaux, une capacité à percevoir les angoisses mais aussi les aspirations des corps sociaux. Elle est concertation avec les experts et les corps intermédiaires. Elle est responsabilisation : c’est une décision politique partagée, qui engage la cité et qui dépasse les élites. C’est une négociation, un goût pour la délibération. L’impulsion doit venir du politique, au-delà de l’Etat. " La politique est trop concentrée sur la conquête, ou l’exercice, du pouvoir, et pas assez tournée vers la délibération avec la société. S’il est une chose essentielle dans une démocratie, c’est la lisibilité de ce qui est proposé et de ce qui est débattu ", écrit Christophe Le Duigou, secrétaire confédéral de la CGT (7). La réforme doit donc permettre de sortit du dualisme politique où se crispent le dumping fiscal contre le social, la sécurité contre la flexibilité, conservateurs contre modernes. C’est une nouvelle articulation entre le politique et le social qu’il convient d’imaginer.

www.temps-social.fr

(1) Voir Philippe d’Iribarne, "Est-il réellement impossible de réformer en France ?", Liaisons sociales magazine, mai 2006
(2) Voir Michel Noblecourt, "Les méthodes de la réforme", Le Monde, 1er avril 2006
(3) Respectivement directeur du Centre d’étude de la vie politique française et directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales. Cf. "De la nature du mouvement social", Le Monde, 20 décembre 1995
(4) " Le modèle étatique français supprime les acteurs sociaux. Il n’y a pas de patronat, pas de syndicats, pas de partis politiques. [...] Pour construire un modèle social, la solution est d’avoir des acteurs, des patrons, des syndicats, des intellectuels, des gens qui innovent. Pendant quinze ans, le patronat a disparu. Et il n’y a presque plus personne du côté des syndicats. Les partis sont silencieux ; personne ne parle de projets et de l’avenir. La lutte est défensive et repose sur l’absence de confiance et d’espoir. [...] L’absence de modèle social, c’est d’abord l’absence de solidarité. Le second, c’est l’absence de diversité. Notre société doit apprendre la diversité et non se replier sur son identité, c’est-à-dire sur son Etat. Mon appel est un appel à un renouvellement du modèle [...] La France reste enchantée par les modèles idéologiques, politiques ou intellectuels des années 1970, qui répondaient eux-mêmes aux années 1950 et 1960. La priorité, aujourd’hui, c’est le courage de l’innovation politique, intellectuelle et syndicale. " A. Touraine, Le Monde, 12 décembre 1995.
(5) Voir sur le sujet le débat "Est-il réellement impossible de réformer en France ?", Liaisons sociales magazine, mai 2006
(6) Dominique-Jean Chertier, "Pour une modernisation du dialogue social", Rapport au Premier ministre, 31 mars 2006, La Documentation française
(7) Cf. "Peut-on encore réformer la France ?", Débat avec Jean-Paul Fitoussi, Patrick Devedjian et Bernard Kouchner, Libération, 11 avril 2006


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6 réactions à cet article    


  • éric (---.---.42.167) 5 septembre 2006 13:03

    Délibérer suppose d’écouter l’autre, d’accepter de tester ses idées, d’en discuter. Malheureusement les réformes menées ces dernières années ont été imposées. L’homme politique aujourd’hui ne représente plus l’intérêt du plus grand nombre, mais celui de ses électeurs. Les réformes sont donc orientées dans le sens qui profite le plus à l’électeur du président en exercice. L’électeur se comporte comme un investisseur qui attend un « retour sur investissemment » de son vote. L’élu le sait. Il ne peut donc que réaliser des transformations qui se rapprochent du clientélisme. Éviter cela suppose comme préalable de se détacher de la notion d’individu roi. Or les rapports économiques et de marché s’y opposent.


    • permanent nouvel obs (---.---.188.62) 5 septembre 2006 17:04

      http://permanent.nouvelobs.com/politique/20060905.OBS0617.html?idfx=RSS_politique

      La Tribune : SNJ et SDJ protestent contre une « censure » visant Ségolène Royal lundi 04 septembre 2006 - 21h04 heure de Paris Discours de Ségolène Royal à Florac (Lozère) lors du festival de le rose, le 3 septembre 2006 © AFP Anne-Christine Poujoulat PARIS (AFP) - Le syndicat de journalistes SNJ et la Société des Journalistes de La Tribune protestent contre une « censure » exercée, selon eux, sur les résultats d’un sondage publié lundi dans le quotidien économique qui plaçait Ségolène Royal en tête des candidats à la présidentielle pour les questions économiques et sociales. Le sondage CSA publié lundi par La Tribune sur les Français et la rentrée économique, comportait une question sur la confiance accordée aux candidats à la présidentielle en matière économique et sociale qui donnait Ségolène Royal en tête à 54 % devant Nicolas Sarkozy (49%) et Lionel Jospin (33%). Cette question n’a pas été publiée lundi, ce que le SNJ et la SDJ qualifient de « censure ». François-Xavier Pietri, directeur de la rédaction de La Tribune, interrogé par l’AFP, assure qu’il n’y a pas eu censure et que cette question sera publiée mardi, au côté d’un entretien avec François Hollande sur les sujets économiques et d’un article sur l’entrée en campagne de Lionel Jospin. « Si on avait donné la réponse sur Ségolène Royal avec le reste du sondage, les médias se seraient focalisés sur ce point, occultant le fond du sujet », estime M.Pietri. Selon le SNJ et la SDJ, les pages étaient prêtes dimanche avec cette réponse et M.Pietri a « donné l’ordre » tard dans la soirée « d’enlever toutes les informations (infographie comprise) concernant cette question ». Pour le SNJ, selon son communiqué, cet acte a « gravement compromis la crédibilité et par voie de conséquence l’avenir de (notre) quotidien ». De plus, « au moment où ce journal -en pleine restructuration et en pleine crise financière- traverse une période de fortes turbulences avec le lancement prochain d’une nouvelle formule présentée comme celle de la dernière chance, il ne pouvait y avoir pire comportement », poursuit le texte. Dans un communiqué interne distinct, le bureau de la Société des Journalistes dénonce une « censure tardive et incompréhensible » et s’interroge sur le « crédit de La Tribune aujourd’hui, alors que l’intégralité du sondage est publié sur le site de l’institut CSA ». Pour la SDJ, « un tel cas de censure, à l’ouverture de la campagne présidentielle, jette le doute sur la neutralité de la Tribune et inquiète gravement la rédaction ».


      • candidat007 (---.---.122.128) 5 septembre 2006 18:50

        il y a un préalable.

        la société française n’est plus une société de confiance. presque tous les acteurs de la société civile sont déconsidérés.( acteurs institutionnels, acteurs économiques, acteurs sociaux..) Pour pouvoir parler comme vous le faites avec de belles idées généreuses il faut une remise en cause. Et c’est au monde politique, secteur en charge de l’intérêt général, d’amorcer cette remise en cause. C’est pour cela que la première chose à faire est de repenser le pouvoir politique et donc les institutions et ses modalités de fonctionnement. Le pouvoir politique doit montrer l’exemple et accepter une réduction de om omnipotence. Comme je l’ai déjà dit, il faut précariser le pouvoir politique voir http://changerlarepublique.over-blog.com/.

        Un des moyens est une réglementation stricte du cumul de tous les mandats et de leur renouvellement. Les élus et le pouvoir deviendra plus exigeant avec lui même et donc avec les autres.


        • carolus (---.---.48.122) 6 septembre 2006 15:27

          Dans la perspective de cet article passionnant, je tiens à vous rappeler qu’une démarche très novatrice car transpartisane -fondée sur un constat honnête et l’ambition de rassembler par le dialogue- a été lancée par le député Christian Blanc (président d’Energies2007) ainsi que les sénateurs JM Bockel (PS) et Alain Lambert (UMP).

          Vous pouvez lire la tribune annonçant la création de leur « comité d’action pour la modernisation de la France », qui ira consulter l’ensemble des partenaires sociaux pour savoir ce qu’ils accepteraient pour remettre la France sur les rails, en cliquant ici.

          Je cite, dans ce texte : "La méthode pour réformer repose sur trois fondamentaux.

          D’abord, toute réforme doit s’appuyer sur une analyse lucide. Le scénario classique d’une élection présidentielle voit les candidats multiplier les promesses, avant que l’heureux élu ne commande un audit pour voir ce qu’il va être possible de tenir... Il faut inverser cette logique, les propositions des candidats doivent être basées sur un audit préalable. Pour 2007, le rapport Pébereau sur la dette publique constitue un tel audit.

          Ensuite, on ne peut réformer que de façon globale et cohérente. La méthode des petits pas est vouée à l’échec car chaque petit pas se heurte à l’incompréhension - et donc aux résistances - des populations concernées. Tant et si bien que la succession de petits pas se termine par un piétinement inefficace, coûteux et démoralisant.

          Enfin, il n’y a pas de réforme possible sans légitimité électorale. Seules les réformes clairement présentées pendant la campagne pourront être menées à bien.

          Conséquence de ces trois fondamentaux, c’est en amont de la campagne électorale que se joue la modernisation de la France. Aussi, pour créer les conditions de la transformation sociale du pays, nous souhaitons rencontrer tous les acteurs de la définition d’un nouveau pacte social. Les différents syndicats, bien sûr, mais aussi le monde associatif et, plus largement, les corps constitués qui souhaitent jouer un rôle dans l’évolution du pays. Au terme de ces échanges, nous présenterons les grandes lignes d’un pacte social en prise avec le monde d’aujourd’hui, ainsi qu’une méthodologie pour le mettre en œuvre.

          Ce « manifeste pour la modernisation » sera rendu public en janvier 2007, peu de temps avant que chacun des candidats à l’élection présidentielle ne dévoile la vision de la France qu’il propose aux Français. Né de discussions avec le mouvement social, le manifeste sera soumis à l’approbation des milliers d’élus locaux qui auront à jouer le rôle crucial de pédagogues pour que la France relève les défis qui l’attendent."


          • carolus (---.---.48.122) 6 septembre 2006 15:39

            @changerlarepublique : Je vous signale que pour que les députés représentent enfin la société française réelle, pour renouveler la classe politique et renforcer le Parlement, une proposition de loi supprimant le cumul des mandats et interdisant d’exercer + de 2 mandats successifs a été déposée par Christian Blanc.

            C’est urgent ! Si cette loi ne passe pas avant 2007, le cumul ne sera supprimé (au mieux...) qu’en 2012 -puisque c’est en 2007 qu’ont lieu les prochaines législatives et sénatoriales. Il nous faut de l’air ! Maintenant !

            Pour en savoir + :http://www.energies2007.com/actualites/?id=28.

            Pour signer la pétition, cliquez ici.


          • sixrepublique (---.---.102.41) 7 septembre 2006 17:13

            La Démocratie directe est la Véritable Démocratie !!

            bien ! 76% des Français disent que la notion gauche droite est dépassé.

            bon ! la sixiéme République est prête à fonctionné, Proposez et votez électroniquement vos lois avec des référendums,à la majorité simple du scrutin.

            Tout vos opignions seront Respectés car ces vous qui Votez !.

            Avec ce systéme plus de Gréves, de Bloccages, de Manifestations , car Tout le monde Votes les lois ( les votes ne sont pas obligatoires). Pour que les citoyen-es proposent et votes les lois, c’est la République qui donne les PC et la conexion est gratuite.

            Le dernier président de la République en 2007, supprimer le poste de président de la République (c’est le peuple le président de la République),le parlement, le sénat .

            les ministres gérent la République avec les lois des référendums citoyen- es,ils sont tiré au sort sur la liste électoral ( ceux qui votes et volontaire pour servirent 2ans) comme les jurés d’assise (ils ne peuvent pas reffusé, sauf maladie) .cet un systéme puissant pour Atteindre l’objectif d’une Vie Républicainne. L’âges pour les ministres de 30 à 50 ans,le salaire est le même que les autres citoyen-es.

            la Majorité civile sera établi à 16 ans ,en 2007.

            Tout politiques sont responsables pénalement et adminitrativement pendant leurs mandat devant une cour de justice Républicainne.

            Les lois doivent avoir ; une introduction,un sujet détaillé,et une conclusion.

            Les lois ne sont pas définitivent ni amendés, elles peuvent être remise en cause apré un ans par une nouvelle lois ,toujour par Référendum citoyenne.

            Les communes, départements sont remplacer par 4 grandes régions ;nord-est ,nord-ouest, sud -est, sud-ouest, les dom-toms aussi en régions. Les régions sont géré par des Ministres soumis à la même gestions que la sixiéme République.www.appdd.org

            Définition de ma sixiéme République ; Fraternité =le non profits de ses voisins Egalité = des Devoirs en vers la République et Droits à son bien être ; Liberté= choisir sa vie.

            les SDF doivent votez dans les associations hummanitaire.

            Les états ont les pouvoirs qu’ils se donnent.

            http://blogs.aol.fr/sixrepublique/sixiemeRepublique2007

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