Démocratie locale
L’actuelle campagne de sensibilisation lancée par la Mairie de Paris dans toute la ville pour inciter les habitants à participer aux conseils de quartier, la tenue depuis bientôt un an d’un blog d’arrondissement, le petit réseau de blogueurs citoyens ainsi créé dans la capitale, tout cela incite à regarder comment fonctionne cette fameuse démocratie locale.
Sans se faire le promoteur de l’actuelle équipe municipale parisienne, reconnaissons tout d’abord que les moyens existent. Une mission Démocratie locale a été mise en place peu après l’arrivée de B. Delanoë à la Mairie, les 121 conseils de quartier ont été réveillés de leur torpeur, les associations consultées sur pas mal de projets, des événements tels que le Printemps de la démocratie pour l’ensemble de la ville, et d’autres au niveau des arrondissements, ont été organisés, voire des consultations informelles sans valeur juridique réelle, mais intéressantes dans leur démarche. Sans dire que tout est parfait, l’honnêteté oblige à dire que les Parisiens ont en main pas mal d’outils pour pratiquer cette démocratie locale, ou participative, si on préfère.
D’un autre côté, et là aussi, sans exagérer les choses, le système d’informations locales s’est grandement modifié depuis 18 mois-2 ans. Les « institutionnels » comme l’Hôtel de ville ou les mairies d’arrondissement, la Préfecture de police de Paris, le Conseil régional, le Syndicat des transports d’Ile-de-France (STIF), etc., ont tous ouvert ou développé des sites Internet, bien souvent de très bonne qualité et très informatifs. Beaucoup d’associations se sont, elles aussi, mises au web. Enfin, ne négligeons pas l’explosion des blogs locaux, qui a fait que Paris s’est couvert en moins de 6 mois de blogs « citoyens », soit de quartiers au sein d’arrondissements (Bel Air Sud dans le 12e, par exemple), soit d’arrondissements (ParisZine dans le 11e, par exemple). Sans être bien sûr exhaustifs sur ce qui se passe dans les arrondissements, ces blogs sont un complément, lui aussi souvent riche en informations très locales, de grande proximité. Leur audience s’est significativement accrue depuis 6 mois.
Alors, on pourrait penser que tout va bien dans le meilleur des mondes, enfin, à Paris ! Voici quelques constats qui font rapidement perdre quelques illusions.
Concernant les conseils de quartier, et si la structure existe bien, il faut d’abord noter sa grande hétérogénéité dans Paris. D’abord, dans le comportement des élus. N’insistons pas sur la question, mais il est clair que les arrondissements parisiens tenus par l’UMP ne se comportent pas tout à fait comme ceux tenus par le PS et alliés. Dire cela n’est pas porter un jugement, c’est juste noter une différence. Ensuite, dans le fonctionnement de ces conseils de quartier : ce sont les arrondissements eux-mêmes qui définissent le mode de fonctionnement. On va donc d’arrondissements où tout est bien encadré, et où le Maire en place ne prend aucun risque en laissant une part relativement faible aux habitants en direct, sensés être représentés par les associations et autres délégués, à l’agora la plus ouverte, où un conseil de quartier est constitué par l’ensemble des habitants du même quartier. Il est clair que cette hétérogénéité de fonctionnement induit aussi de grandes différences dans la perception que les Parisiens ont de l’exercice de la démocratie locale.
Voilà un peu plus de 3 ans de plein exercice de ces conseils de quartier. De l’aveu même de l’Hôtel de Ville dans un communiqué de presse, 400 réunions sont organisées chaque année, qui regroupent 25 000 personnes. Ne nous lançons pas dans des calculs savants, chacun voit bien que c’est là une participation assez faible.
Concernant les blogs d’informations locales, que constate-t-on ? Certes, il ne faut pas trop généraliser, mais les tendances sont les suivantes : audience, oui. Pour un blog comme celui du 14e (Paris14.info), atteindre un nombre de visites mensuelles dépassant largement 20 000 n’est pas négligeable. Pour donner une fourchette très générale, il semble que les blogs d’arrondissement les plus actifs voient leur audience varier entre 10 et 12 000 visites par mois. Les citoyens lisent donc. Mais la spécificité du blog, c’est son côté interactif par le biais des commentaires. Et là encore, sans en faire une règle absolue, si les Parisiens lisent, ils ne commentent pas, c’est-à-dire qu’ils ne participent pas.
Il n’est évidemment pas question de reprocher quoi que ce soit aux Parisiens. Leur raisonnement semble être le suivant : « Tout cela ne sert à rien. On nous consulte sur des projets pour lesquels les décisions sont déjà prises. Notre influence est quasi nulle ». Quand on leur propose de se réapproprier une partie du pouvoir politique local par des actions ponctuelles, l’inertie est au rendez-vous.
Sans y paraître, la question est grave. Il y longtemps que le citoyen a compris que le pouvoir de proximité n’existait plus, tout comme le pouvoir local à la Mairie de Paris par exemple, entravé qu’il est par la Préfecture de police ou autres instances de l’Etat. Cela fait longtemps que le citoyen a compris que les décisions se prenaient loin de lui, dans des cercles de pouvoir qui se sont considérablement élargis pour quitter le niveau national. En essayant de reconquérir une partie des prérogatives simples, consistant à décider de ce que l’on veut faire là où l’on vit, les Parisiens auraient-ils l’impression de perdre leur temps ? S’ils ne se pressent à le faire, ils pourraient y perdre beaucoup plus.
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